Elucubrations fantasques et rigoureusement infondées
swoo
Elucubrations fantasques et rigoureusement infondées
A l’origine, la langue française n’employait pas l’adverbe « pas » pour signifier la négation. Pas besoin, en effet, puisque l’adverbe « ne » suffisait amplement. (Cherchez pas, c’est la seule chose de vrai dans tout ce qui va suivre).
On disait donc :
« Je ne bois »
« Je ne mange »
« Je ne marche »
Etc.
Mais, pour accentuer ces affirmations négatives, certains commencèrent à ajouter un nom commun, différent pour chaque verbe et à chaque fois en rapport avec lui. (Ceci dit, jusque là, c’est toujours vrai).
Ce qui donna :
« Je ne bois goutte »
« Je ne mange miette »
« Je ne marche pas »
Etc.
On apprend ainsi que notre adverbe actuel « pas » vient bel et bien du substantif « pas », désignant un pas, comme quand on marche ! A la longue, seul « pas » est resté pour désigner la négation. (Voilà, c’était la dernière chose de vrai. Au moins, vous aurez appris quelque chose).
Mais là n’est pas le sujet de cette étude. Alors, revenons-en au temps où le pas ne servait qu’à marcher… Pardon ! Revenons-en au temps où le « pas » ne servait qu’à « marcher ». C’est mieux.
En ce temps-là, donc, étrangement, la sonorité des verbes « boire » et « voir » étant très proche, quelques plaisantins (sans doute des Espagnols) finirent par adopter le substantif « goutte » pour le verbe « voir » également, donnant la phrase comique (mais toujours utilisée aujourd’hui) : « Je ne vois goutte ».
Eh bien, figurez-vous que c’est précisément cette phrase qui est à l’origine de la phrase anglaise « I don’t see well ». Etonnant, n’est-ce pas ?
« Explication ! Explication ! », vous entends-je déjà me hurler… Et explication vous recevez. (Par contre, celui qui a crié « Preuve ! » est un mécréant et ne mérite pas de continuer à lire !)
Donc, en fait, même avant l’application d’un substantif en français, la phrase « Je ne vois » avait déjà subi une mauvaise interprétation auditive des Anglais. Ils y entendaient en effet « Je nœud vois ». Or, le terme « nœud » étant « knot » dans leur langue, ils traduisirent par « I knot see ».
Ils eurent cependant tôt fait de modifier l’ordre de ces 3 mots et la phrase « I see knot » leur apparut effectivement plus logique pour leurs oreilles d’Anglo-saxons.
Vint ensuite, donc, l’application d’un substantif en français ; et notamment, « goutte » pour le verbe « voir ».
Les Anglais trouvèrent alors qu’un mot en plus, ça en jetait quand même un max ! Alors, ils imaginèrent un mot, phonétiquement semblable à « goutte » mais à leur sauce à eux. Ce fut « good ». Ils dirent alors : « I see knot good ».
Cette formulation fit fureur pendant un bon moment mais, c’est comme tout, elle vint à s’essouffler. Certains eurent alors l’idée de renforcer encore plus le mot rajouté (après tout, une goutte, c’est tout petit) et vinrent le remplacer par quelque chose de bien plus grand, et contenant bien plus d’eau… un puits ! Et l’idée était d’ailleurs d’autant plus excellente que dans un puits, justement, on n’y voit goutte.
Mais, un puits, en anglais, ça se dit « well ». Du coup, la phrase fut adaptée en anglais et devint donc « I see knot well ». Puis, de la même manière que « knight » finit par laisser place à « night » pour désigner la nuit, « knot » fut délaissé au profit de « not ».
Cela aurait pu rester ainsi encore des années, voire des siècles (et d’ailleurs, dites « I see not well » à un Anglais aujourd’hui, il vous comprendra très bien !). Mais c’était sans compter l’influence d’une autre phrase française, assez similaire, mais prononcée à la deuxième personne du sujet et à l’interrogative négative.
Cette phrase, c’était : « Tu ne vois donc goutte ? ».
Là encore, les Anglais interprétèrent mal ce « donc » et l’entendirent comme un « dont ».
A cause de leur erreur, l’ajout de ce « dont » (donc, un « donc » entendu « dont ») resta longtemps complètement opaque et énigmatique aux Anglais. « Quelle est sa fonction ? Quand l’utiliser ? Pourquoi ? Comment ? Où le placer dans la phrase ? Mon dieu pourquoi l’ont-ils rajouté, ces maudits Français ? » sont toutes des questions qu’ils se posèrent, alors.
Puis, après avoir hésité longuement, ils se décidèrent à le rajouter, eux aussi, ce « dont ». Mais comme ils ne pouvaient décemment pas ne rien modifier (ça aurait franchement fait con de copier bêtement un mot qu’on pige pas pourquoi qu’il est là, comme ça), ils décidèrent de rajouter le caractère le plus insignifiant qui soit… j’ai nommé, l’apostrophe !
Ca donna donc ça : « You see not don’t well? ».
Mouais, pas terrible… Ils essayèrent alors d’inverser les mots « see » et « don’t » (pour tout dire, ils s’en seraient bien passés, de ce cornichon-là !)… mais « You don’t not see well? » n’était pas franchement mieux.
C’est alors, à ce moment précis, que naquit le véritable contentieux de la guerre civile que connut l’Angleterre et que les Français appelèrent très erronément « La guerre des Roses » (nous verrons plus loin pourquoi). Oubliez donc tout ce que vous avez pu apprendre sur ce sujet, c’est complètement faux. Et même, c’est pas vrai du tout.
En réalité, les Anglais étaient confrontés à un choix difficile ; un choix qui allait bouleverser leur histoire et celle du monde tout entier ! Ce choix, c’était celui de garder le « don’t » et de virer le « not », ou de garder le « not » et de virer le « don’t ».
En effet, la situation ne pouvait continuer ainsi car le « don’t » et le « not » faisaient double emploi et cela foutait une confusion monstrueusement dingue et pas possible à l’oral !
Je dis à l’oral car, à l’écrit, cela choquait moins… Et ce, pour deux raisons : 1) lire n’est pas parler ; et donc, à moins de lire tout haut, la résonance de deux mots parlés ne pose aucun problème à la lecture ; 2) à peu près tous les rares lettrés de l’époque (les fameux « happy few ») étaient de la haute société et n’avaient pas pour habitude de contester les règles établies ; donc, ils ne contestaient pas.
Ainsi, comme toujours, c’est de la grogne du bas peuple que naquit la révolution. Et donc, la vraie raison de cette guerre, l’unique et la seule, c’est que les uns voulaient garder le « don’t » (c’étaient les révolutionnaires) ; alors que les autres voulaient conserver le « not » (c’étaient les réactionnaires).
Nous allons maintenant ouvrir une petite parenthèse pour expliquer comment les Français ont fait pour appeler cette guère « La guerre des Roses ».
( <= ceci est la parenthèse ouverte
A cette époque, le meilleur moyen de régler ses comptes avec un rival était le duel. Mais vu que c’était la guerre civile, et que tout le monde voulait s’entre-tuer, les magistrats chargés de vérifier que les duels se passaient dans les règles étaient débordés. C’est alors qu’ils décidèrent d’organiser des duels en face-à-face collectifs. C'est-à-dire que d’un côté formaient une ligne une bonne dizaine de duellistes ; et de l’autre formaient une ligne leurs opposants. De cette manière, un même magistrat pouvait contrôler 10 duels en même temps et les problèmes de surmenage ne se posaient plus.
Il est intéressant de noter que ce système de la confrontation directe est encore observable de nos jours, au Parlement britannique, où les deux parties adverses se font face et se crient dessus avec véhémence, se lèvent de leur siège pour avoir plus de souffle pour crier, et brandissent leur index accusateur pour joindre le geste à la parole. L’observateur attentif remarquera en effet qu’à cet instant, le membre du Parlement adopte l’exacte même posture que celle de ses ancêtres duellistes : l’index brandit étant un réflexe instinctif destiné à accueillir la gâchette d’un pistolet que l’abolition des duels arrêta pourtant de faire venir…
C’est donc bien la preuve de ce que j’avance.
Mais donc, ces lignes étaient appelées « rows » en anglais ; ce qui veut dire « rangées », en français. Or, la prononciation de « rows » correspond quasi exactement à la prononciation française de « roses ». Et c’est ainsi que, à leur tours, les Français interprétèrent mal les Anglais et comprirent comme étant « La guerre des Roses » ce que les Anglais nommaient « The war of the Rows ». Si les Français avaient su à cette époque que le pluriel du mot anglais « rose » (soit, « roses ») se prononçait « rwôziz », ils n’auraient jamais commis cette erreur ridicule. Enfin, passons…
) <= ceci est la parenthèse refermée
Nul besoin cependant de revenir sur toutes les péripéties de cette guerre, c’est bien le « don’t » qui l’emporta, finalement… Et, comme tous les rouspéteurs avaient fini par mourir (vu que les duels étaient chaque fois à mort), tout le monde était très content. Et comme tout le monde était à ce point content, les Anglais eurent l’audace d’appliquer la formule avec le « don’t » à toutes les personnes et à la fois pour les phrases déclaratives et interrogatives.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, on peu dire en anglais toutes les phrases suivantes, sans problème :
« I don’t see well », « You don’t see well », « We don’t see well », « They don’t see well », « Don’t I see well? », « Don’t you see well? », Don’t we see well? », « Don’t they see well? ».
C’est fabuleux, l’histoire des mots et expressions, n’est-ce pas ? :-D
Voilà, j’espère qu’avec ça, vous mourrez moins con, quand viendra le jour où votre jour viendra.
Bien, maintenant, si vous me le permettez, je vais regagner ma cellule capitonnée, je crois que ça vaudra mieux.
Allez, goutte bâille !
Swoo
Dois-je comprendre votre dernier message comme un plaidoyer en faveur d'un accroissement de la participation des membres de We Love Words à l'évaluation de et aux commentaires sur les-dites élucubrations ?
· Il y a environ 13 ans ·Si c'est le cas, je ne peux qu'espérer que ce "on" distrait vous entende.
swoo
Dommage, on a perdu de vue vos élucubrations fantasques... et la mienne qui répondait aux vôtres :-)
· Il y a environ 13 ans ·3d0
Il reste cependant à ajouter que la langue française, davantage sensible à la latinité de l'espagnol qu'au germanisme de l'anglais, a préféré adapter l'appellation hispanique de "Isla de Paco" en "Île de Pâques". Ce qui explique cette différence actuelle entre le nom anglais et le nom français de l'île.
· Il y a environ 13 ans ·Le plus marrant, ceci dit, c'est quand même que le Chili est parti de l'appellation française pour obtenir "Isla de Pascua" ("Pascua" en espagnol signifiant "Pâques") au lieu de reprendre tout bêtement l'appellation hispanique d'origine, celle du sculpteur Paco, le laissant définitivement tomber dans les oubliettes de l'Histoire.
Voici qui, je l'espère, devrait rétablir la vérité sur l'histoire de cette île, rendre sa fierté à Paco, et, par la même occasion, complémenter votre intervention, mon cher 3D. :-)
swoo
Sauf que, à cette époque (au début du 20e siècle), les Philippines passèrent des mains hispaniques à celles américaines ; et, avec ces mains, les langues aussi. Du coup, Paco eut beau protester, son île lui fut confisquée pour le tourisme (d'ailleurs, il n'a jamais reçu un seul droit d'auteur pour ses oeuvres que tous ces pignoufs viennent encore admirer aujourd'hui en pensant qu'elles sont tombées d'une soucoupe volante) et son nom fut changé en "Eastern Island" (l'île à l'Est). Parce que, forcément, aux Philippines, l'actuelle Île de Pâques est plus à l'Est qu'à l'Ouest ! (même si c'est pas mal loin quand même, je vous l'accorde...)
· Il y a environ 13 ans ·Par la suite, comme vous le souligniez vous-même, 3D, "Eastern" est devenu "Easter" et l'île est passée, on ne sait pas bien comment, sous la domination chilienne.
swoo
Vous pensez bien que cette île a vraiment été du pain béni pour lui ! Des hectares et des hectares de rien du tout où planter ses statues de pierre ! Encore mieux, il y avait là un énorme stock de matière première disponible directement sur place et ne demandant qu'à connaître le burin et le ciseau pour devenir beau. C'était franchement le pied !
· Il y a environ 13 ans ·Au début, il voulait baptiser sa découverte "El paraíso" (le paradis)... mais c'est vrai que ça faisait un peu trop. Il était alors sur le point de la nommer "La isla ¡hombre-qué-maravilla!" (l'île oh-dis-qu'elle-est-belle !) (plus sobre, donc) quand il apprit que son voisin avait des vues sur sa découverte et s'apprêtait à en réclamer la paternité auprès des autorités. Dans la précipitation, Paco dut donc baptiser l'île d'un nom qui témoignerait clairement et fermement du nom de son découvreur : il la baptisa donc "Isla de Paco" (Île de Paco).
swoo
Je suis désolé de vous le dire, mais votre explication ne tient pas la route, 3D... Tout simplement parce que l'Île de Pâques n'est pas située à l'Est du globe mais à l'Ouest...
· Il y a environ 13 ans ·Sauf si, bien sûr, on fait de plus amples recherches et tombe sur le nom du véritable gars qui a découvert cette île.
En fait, il s'appelait Paco et était philippin. C'était un sculpteur spécialisé dans le mégalithe mais peu se souviennent encore de ce détail, aujourd'hui. Lors de sa découverte, il était plutôt fauché (son style n'était pas très vendeur à l'époque des goûts raffinés de la colonisation espagnole, faut dire aussi) et cherchait un nouvel endroit où installer son atelier.
swoo
Et c'est ainsi que l'île de Pâques devrait s'appeler l'île de l'Est, car "Easter" (Pâques) est en réalité "Eastern" (à l'Est)...
· Il y a environ 13 ans ·3d0
Merci pour votre commentaire. Si la première page vous paraît instructive, je vous invite alors à visionner la dernière minute de cette vidéo (commencez à la 40e minute).
· Il y a environ 13 ans ·Vidéo: http://www.rtbf.be/tv/revoir/detail_matiere-grise?catchupId=11-TMTHM100-011-PR-1&serieId=11-TMTHM100-000-PR
Il s'agit de l'émission (sur la télévision belge RTBF) qui m'a fourni le terreau pour ces élucubrations.
swoo
Marrant mais un peu long sur la fin. En tous les cas, la première page est instructive.
· Il y a environ 13 ans ·nico4g