En chemin...
deuxoutroismots
Elle prendra le train, ce matin. Elle est célibataire, presque 50 ans. Voilà quelques années qu'elle vit seule, maintenant. Elle est mère de famille. Son fils a bientôt 25 ans, il vient de finir ses études et a trouvé un emploi comme mécanicien aéronautique pour Air France.
Elle vit toujours à Marseille mais fait de plus en plus d'aller-retour à Paris, elle y partage un pied à terre avec un ami, sur le Quai des Célestins, face à l'Île Saint Louis. Un appartement spacieux et très clair. Une grande baie vitré, dans le salon, laisse entrer le soleil dès le petit matin et lorsque le temps le permet, elle aime se poser sur la terrasse et y prendre son petit déjeuner.
Il y a 3 chambres, une chacun et la troisième pour les enfants ou les invités de passage. Il y a encore 10 ans, il s'agissait d'un rêve – prendre un appartement à Paris, quelle idée !!!! - puis une opportunité s'est présentée à elle. Son ami, qui partait en voyage, lui a proposé de venir occuper son appartement durant son absence. Ce qu'elle a accepté tout de suite. Déposer quelques jours de congés et réserver ses billets de TGV sur le net – voilà c'est fait – le vendredi soir, elle arrivait Gare de Lyon.
Son ami, en partance, était venu lui remettre les clés en main propre sur le quai de la gare. Le temps de prendre un verre au Train Bleu, expliquer les plantes, la concierge et donner le code.
Cet ami, elle l'avait rencontré dans une rue, à Marseille. Un après midi de mai, il y a environ 10 ans, elle se promenait près de la Vieille Charité, dans les rues du Panier – le plus ancien quartier de Marseille, pas très loin de chez elle, ce quartier qui a réussi à garder son âme de vieille Marseillaise – et un touriste lui demande son chemin. Il est perdu dans le dédale de ces rues. Elle ne sait pas comment lui expliquer son chemin, comme elle a du temps, elle décide de la guider, de faire le chemin avec lui ; commence alors une longue conversation sur les grandes villes, le tourisme, les habitudes des habitants et de fil en aiguille, une conversation plus intime, presque amicale.
Ils se revoient presque tous les jours durant toutes les vacances de cet homme qui deviendra son ami, son confident. Et depuis ses vacances à Marseille, le lien s'est tissé, ils échangent régulièrement et partagent aussi régulièrement leurs appartements de Marseille et de Paris...
Après plusieurs années d'aller-retour, des vacances, des jours par ci, des jours par là... Ce matin là, elle doit se rendre à Paris pour le week end, c'est l'anniversaire de son ami, et il est prévu de passer la soirée, entourée de quelques amis, dans un petit resto sympa.
Le train part à 10h02. Elle est sur le Quai de la Gare St Charles, fume une cigarette avant de prendre sa place dans le TGV. Elle s'est acheté des magazines, a glissé dans son sac un livre qu'une amie lui a prêté – La Femme du Vème de Douglas Kennedy – elle l'a presque fini, son NetBook – elle écrit toujours quelques nouvelles, elle en a même publié quelques unes dans un recueil regroupant plusieurs auteurs.
Sur le quai, il fait bon, au soleil, elle finit sa cigarette, l'écrase dans le cendrier « portatif » qu'elle promène partout avec elle, et monte dans le train. Prend place, côté fenêtre, au soleil. Lunettes sur le nez, elle ferme les yeux et se laisse envelopper par la tiédeur des rayons matinaux.
Le train part, elle est légèrement bercée. Quelques minutes plus tard, elle ouvre un œil. L'impression d'être observée l'a sorti de sa rêverie. Un homme d'une quarantaine d'année installé face à elle et la regarde, amusé. Elle se rend compte qu'elle était en train de fredonner dans sa rêverie – elle est gênée – se redresse, toussote un peu, lui sourit rapidement et saisit son livre qu'elle avait placé devant elle et s'y plonge. Elle n'ose lever le nez de son livre, il faudra bien pourtant, elle n'y voit pas bien avec ses lunettes de soleil, elle va devoir prendre celles de lecture, dans son sac. Elle change de lunettes, leurs regards se croisent – il a un regard pétillant – elle ne peut s'empêcher de sourire en baissant les yeux.
Elle se remet à sa lecture et après quelques pages, les yeux lui piquent, elle ferme le livre et se met à regarder le paysage. Il lit, lui aussi. Un journal, en anglais, The Daily Telegraph. OK... Un anglais, conservateur... Mais qu'est ce qu'il est charmant... se dit-elle. Elle ne parle pas un mot d'anglais.
Il lève les yeux de son journal et lui sourit. Il a bien vu qu'elle l'avait regardé un long moment. Il commence à lui parler du beau temps qu'il fait dans le Sud de la France, lui dit que ça change de l'humidité matinale londonienne – il parle un français parfait, avec un léger accent... craquant !!!!! - et lui propose d'aller prendre un café au wagon restaurant.
Pourquoi pas, ça fera passer le temps, il a l'air intéressant et elle est en train de craquer sur son accent britannique. Ils se lèvent. Il la laisse passer devant – galanterie ? - la voiture restaurant est juste à côté. Elle sent son regard dans son dos, se poser sur sa nuque et descendre jusqu'à ses talons. Pas déplaisant du tout.
C'est la fin de l'hiver, elle a mis un petit pull noir, léger, fin, laissant apparaître une épaule, un jean – de quoi se sentir à l'aise pour le voyage – et une paire de talons qui accentue son déhanché, sacrément aidé par le roulis du train.
Ils arrivent à la voiture restaurant et s'installe. Il va chercher deux cafés. Elle le regarde à son tour. Il est grand, la « bonne » quarantaine, les tempes grisonnantes, une belle stature, élégamment habillé – il sent bon, elle l'a remarqué lorsqu'il l'a laissé passer devant lui – une démarche assurée et ce regard pétillant et perçant.
Il revient, un café dans chaque main, un vrai équilibriste. Ca la fait rire, de le voir tanguer et pourtant garder toute sa prestance. Le flegme britannique, elle a toujours trouver ça très... sexy...
Leurs regards n'arrêtent pas de se croiser, ils semblent gênés et à la fois intrigués. Ils échangent quelques mots, bafouillent souvent, rient pour un rien.
Le bringuebalement du train fait glisser, de la tablette, une cuillère à café, elle essaie de la rattraper au vol, lui aussi, leurs mains se touchent et ce contact paraît durer une éternité. Il a saisi sa main, la tient fermement. Il est entré dans son regard, elle y plonge, à son tour, à s'y noyer.
« Billets s'il vous plait » le contrôleur vient briser ce moment très agréable, la réalité reprend ses marques, les voyageurs, le bruit des conversations, le paysage qui défile, tout est à nouveau présent.
Ils tendent leurs billets et n'osent plus se regarder. Il faudra bien, tout de même, regagner leur siège. Alors, une grande inspiration, elle lève les yeux et lui dit qu'elle retourne s'assoir. Il la suit. Un brusque ralentissement lui fait perdre l'équilibre, il est derrière elle, la rattrape par la taille. Ses mains s'attachent autour de sa taille, si elles pouvaient pénétrer ses vêtements, sa peau, elles le feraient. Il resserre encore un peu plus ses mains, elle ne bouge plus. Appuyés à la porte fenêtre, entre deux wagons, ils sont là. Lui, les mains attachées à sa taille, à ses reins, elle, se pressant un peu plus contre son corps, contre son ventre, maintenant c'est son dos qui se colle à ce torse d'homme, ils sont serrés l'un contre l'autre comme s'ils voulaient ne faire plus qu'un bloc.
Un bloc de corps, de chaleur, d'où monte un désir puissant. Elle sent, dans son dos, la forme de son sexe qui ne cesse de durcir. Il relâche légèrement ses mains pour la laisser se retourner. Elle relève la tête, regarde d'abord son cou, son menton, ses lèvres, son nez, arrive jusqu'à ses yeux, ses yeux d'où perle l'envie. Elle glisse sa main sur son visage, le caresse, son cou, sa nuque – il resserre à nouveau ses mains – ils s'embrassent. Doucement d'abord, pour que leurs lèvres se découvrent, leurs langues se cherchent, se goûtent, s'explorent. Elle s'appuie de plus en plus fort contre lui, elle le sent vibrer contre elle, elle sent sa virilité monter en puissance.
Ils ne peuvent plus bouger, ils ne peuvent pas reprendre leur place. Un feu s'est installé en eux. Il voudrait la toucher plus. Sentir sa peau, goûter sa peau et elle, glisser ses mains dans son dos, sur sa poitrine, le respirer. Leurs yeux cherchent une issue. Les toilettes ! C'est vrai, ce n'est pas très romantique... Après tout, le romantisme, il y a longtemps qu'on l'a dépassé celui-là ! Il leur faut un endroit où être enfin seuls, ce sera là et tant pis pour la romance !
Justement, il n'y a personne, la place est libre. Elle fait coulisser la porte, il la pousse à l'intérieur. Refermer, vite. Elle est appuyée contre le lavabo, elle l'attire contre elle. Ses mains fouillent sous sa chemise, elle a besoin de sentir sa peau sous ses mains. Sa peau chaude. Sa peau qui sent l'homme. Il la caresse, ses mains courent sur son corps, il voudrait caresser tout son corps, toucher le moindre centimètre, l'embrasser, la défaire, l'allonger, la contempler, la faire devenir sienne.
Elle passe sa main dans son pantalon, agrippe ses fesses, se colle encore plus fort. Il a posé ses mains sur sa poitrine, tient ses seins dans chacune de ses mains, y plonge le visage, la respire, la lèche. Ses seins débordent de son soutien gorge, elle a pris assise sur le lavabo, elle a lâché ses fesses pour attraper les bords du lavabo, ses baisers l'excitent, sa langue qui se promène dans son cou, sur sa poitrine, dans sa bouche, la rend folle.
Il va exploser dans son pantalon. Elle le sent. Défait un bouton, y plonge la main, au contact de se peau, son sexe se tend encore. Elle le prend dans sa main, le caresse, le saisit, le tient fermement, sa main va et vient, tout d'abord tremblante, puis beaucoup plus assurée.
Il a, lui aussi, glisser sa main dans son jean. C'est bien les jeans pas trop serrés quand on voyage... Ses doigts jouent sur ses lèvres, mais tellement impatients, s'engouffrent en elle comme s'ils allaient trouver un secret, un trésor, une boîte magique remplie de maléfices et de bénédictions.
Sa main s'active de plus en plus vite sur sa queue. Ses doigts ne cessent de la fouiller, de la déchirer presque. Leurs bouches ont atteint la folie. Leurs langues se mélangent, leur salive n'est plus qu'un seul goût. Un goût légèrement salé, un goût métallique, maintenant, une goutte de sang a couler de sa lèvre, elle l'a mordu, elle a joui sous ses doigts, elle a étouffé le cri, elle s'est accroché à sa lèvre.
Cette petite douleur a surpris son sexe. Il a été saisi, troublé. Alors que le goût du sang inonde sa bouche et glisse dans sa gorge, son sexe se répand dans la main de cette femme. Son sexe est pris de spasmes et crache comme pris d'une quinte de toux, il ne s'arrête plus, il est saccadé de tremblements, il est en train de rendre les armes, il a baissé sa garde, il est vulnérable, il est tellement humain, tellement fragile à cet instant – morceau d'homme, morceau de vie – elle aime les hommes, encore plus à cet instant, ils sont tellement plus « Homme », tellement plus proche du Divin, on pourrait presque toucher leur cœur, y plonger la main et ainsi toucher l'être réel, celui qui sommeille en chacun de nous. Ce moment les a terrassé
Le train va bientôt entrer en Gare de Lyon. Le conducteur informe les passagers. Tous les deux, se regardent, ils savent qu'ils ne se reverront pas. Il n'est pas nécessaire de se donner rendez-vous, il ne sera pas impoli de se dire « au revoir » sur le quai, avant que chacun ne reprenne son chemin. Ils se serreront la main, ils n'auront pas échangé leur carte, encore moins leur numéro de téléphone. Laisser cet instant, ce beau moment, comme en suspend, à errer dans leur esprit, à s'envoler dans les souvenirs de voyage.