En fin d'après-midi

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En fin d’après-midi

Passera ? Passera pas ?

La foule tremble d'impatience.

Tous les paris sont ouverts.

Bouches bées, les badauds restent interdits.

L'air, qui a mangé leur voix,

Se gonfle d'une curieuse rumeur : Un souffle très court,

Mêlé de stupeur…

Ce n'est plus le temps qui se suspend en alerte, fendu,

Mais, à son tour, l'incertitude qui draine les secondes,

Délivrant les frissons en nurse attentive.

Elle abreuve d’attentes des gorges trop sèches,

N’osant plus y boire…

Viendra ou ne viendra pas ?

Les bookmakers se lèchent les babines,

Le cœur ouvert comme un chèque en bois, 

Sous des tonnes de brillantine.

Des arlésiennes folles de jalousie font la moue,

Juchées sur des talons hauts, défiant l’équilibre 

Jusqu’à fleurir au-dessus des parasols.

Nous punissant avec classe, elles nous tournent le dos,

Pour quelques clopinettes, une charade, peut-être des mots.

Pas chagrin ni sévère, le soleil en dévore leur chapeau,

Tandis qu'un vent complice, doucement, soulève

L'étoffe patiente effleurant leurs genoux,

Pas vu pas pris, quoique leur prix soit à défendre.

Comment nous comprendre ?

Faute d'à propos, nul ne s'en aperçoit,

Puisque elles aussi font semblant de ne pas être là.

Triste oubli que de s'oublier soi-même !

Se dit encore l'oiseau de passage,

Faisant la nique aux anges qui passent.

Puis s'étire tel une flaque d'huile,

Longeant les nuages, d’où

Il glisse entre leurs doigts,

File, s'y faufile, ni vu ni connu,

De collines en vallons. L’aile calme déchirant

D'une brasse coulée les confluents du soir et des jours,

Ou fuyant à perte de vue l’étendue de

Ces rendez-vous qui ne se rattrapent pas...

En tout cas, voilà : Si jamais tu voulais venir,

Mon perchoir t'est toujours offert.

Mon comptoir aussi. Ta place n’a pas bougé.

J’y mets souvent les pieds, y pose parfois mes forces,

Mes livres ou des affaires. Je le reconnais.

Profitons vite des occasions promises,

Avant qu’elles ne nous reportent à d’autres semaines,

Pour nous pendre autour d’un verre, d’une conversation, 

Ou d’un vieux film. A refaire le monde du mieux possible, 

Nous irions bon train le prendre au dépourvu, 

A revers, sans prévenir,

Au détour d’une grandeur nature,

En panoramique.

Alors, gros malin, vieil animal,

Passeras-tu ou ne passeras-tu pas ?

Quelle joie me ferais-tu de t’y voir ! 

Souviens-toi de cette invitation permanente

A franchir le seuil qui te sépare des ennuis. 

Regarde, cherche dans ta poche.

Appelle ce numéro, surtout si le fil ne se détend pas.

Après tout ce mal que tu te donnes.

Ne serait-ce que pour la beauté du geste, 

A l’anglaise, noblesse oblige....

Ca vaut au moins ça : Un salut entendu, 

Te taquinant l’oreille,

Merci ou de quoi ? 

Vraiment de rien !

Et des sourires,

Bien sûr !

En tout cas, si tu passes.

Avance à grands pas !

Entre, n’hésite pas. 

Range tes yeux bleus,

Assieds-toi, mange.

Des mains t’attendent, 

Qui te tendent des bras.

Paris, le 15 juillet 2008

Au Bello de la rue Bellot 

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