En jeu

walkman

À quoi jouons-nous ?
À la table des sériosités, pas un lascar ne dame le pion de celui qui pose la question.

Et ce silence met en joug le ridicule en le soulignant.

Qui dit jeu veut joueurs. Qui à cette table, finalement, veut jouer ? Sans réponse, personne.

Tout le monde détourne le regard. L'un interpelle la serveuse. Un autre se confisque dans l'écran de son téléphone. Deux autres se trouvent un sujet à discuter. Moi j'attends.

Non parce que mes épaules seraient assez larges. Pas grâce au recul que m'auraient confié les ans. Ni parce que, brillant, je serais devenu sage. Parce que dans le silence, je me montre prudent.

Je veux bien jouer, dis-je.

Et à quel jeu ? Cherchent les regards, se fixant sur moi dans un bref instant.

Essayons, sans courage, de survivre à l'accusation de ceux qui savent tenir en leurs yeux leur interrogation.

Je demande ce que j'ignore, prétexté-je assoupi par l'effort d'allumer la mèche.

Qu'avez vous à faire valoir, me surprend l'un.

Les valeurs en tout temps me sont une piètre valeur. Elles durent sûrement qu'une seule et même heure. Je veux jouer, dis-je afin de montrer quelqu'un.

Ce que j'ai à offrir ne contentera pas, celui qui par péril, dira qu'il ne joue pas. À ce qu'on fait n'admettons que le geste qui est fait, plutôt que les milliards d'autres qu'il suggère. Le jeu n'est il pas jeu sans qu'on ne lui mette des règles ? Et celles ci qu'un museau pour tous ceux qui les meuglent ?

Vous avez raison, atteste celui qui recommandait. Attirant vers moi les deux qui discutaient.

À nouveau silencieux en écoutant leur pair, j'ai senti leurs yeux épris de mes paupières.

Seul demeure en son coin celui de l'écran. Les trois autres affables, se préparent en même temps.

À quelle sauce se joue-t-il ? Lance l'interlocuteur du second qui, habile, attend la réponse du joueur.

Jouons ensemble nos principes qui se meuvent nonchalamment au dictat de nos envies qui se meuvent obstinément.

En avez-vous ? Dit l'écran en s'éteignant.

Quelques uns qui esquivent les aléas du temps. Je souhaite aimer, dis-je. Sans convoquer pourtant, l'être que j'ai en mire, par pudeur évidemment.

Nous jouerons cette devise, dit la recommande. Ce à quoi les trois opinent, d'un air entendu.

Le jeu s'organise, à mon grand étonnement, quatre contre celui qui va perdre en jouant.

Avec quoi se joue-t-il votre jeu imprudent ? J'ai des cartes et deux dés, ce devrait être suffisant.

Ni la chance et ni le hasard ne figurent au ban, dis-je haut aux lascars qui attendent l'argument. Ni aux dieux ni aux vents, je ne prêterai ma défaite. À moi seul il convient, de résoudre ce fait.

L'aimeriez vous d'amour, lance l'un à moi.

Qu'est-il pour vous ? répartis-je d'un tour à son propre endroit.

L'amour cela se sent comme être l'apaisement, dit à moi l'un des êtres,  celui de l'écran.

Pourtant de la rivière, on espère le torrent, comme celui fixant la mer, imagine l'océan.

Néanmoins, proteste l'homme au second verre, ceux partis aux grès des vents espèrent voir la terre.

Bien sûr, dis-je, comme tous pleurent l'automne, dans les allées froides de l'hiver. Mais elles-mêmes ne sont elles pas pour autant les symptômes, des verdures du printemps, des estivales lumières ?

Et ceux qui discutaient de m'achever enfin : souffrez-vous de traverser ces malheureux moments malins, qu'à la seule lueur d'un été qui ne serait qu'une fin ?

À la douce clarté, d'un moment opportun, celui qui doute du pré, choisira le jardin.

Messieurs, il ne s'agit que de jouer sans connaître sa main. Aimer c'est jouer aux dés, en ne souhaitant que des uns.

Ainsi nous avons joué, un trop bref moment. Les uns alignés, ensemble étaient cent.

Ils m'ont tous regardé, gênés et contents. Mais on ne conquiert rien, s'il y a un perdant. 

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