En vrac

J'aurais voulu reculer le soleil
Savourer le sommeil
Rester sous la caresse des draps
À l'ombre du vent

J'aurais voulu garder les yeux clos
Tout nier en bloc
Nier ce temps qui passe
Et les montagnes qui s'effritent

J'aurais voulu rester dans ce genre de coma
En suspens, intouchable
Où la douleur n'existe pas
Où le monde s'arrête de tourner

J'ai appris la douleur, la haine, la peine
J'ai connu l'abandon, le désespoir
Je sais l'eau salée qui me remplit la bouche et m'étouffe
Je sais toutes ces aiguilles qui me traversent la gorge, le ventre, les os

Je sais les hivers,
Je connais les creux et les vides que j'arpente sans cesse
Un nid de lames dans lequel je me couche jour après jour

J'ai peur de laisser gronder le tonnerre
De me laisser emporter par les flots
Je ne veux pas d'un nouveau rivage,
Juste errer indéfiniment dans mon cocon de glace

Et toujours reculer le soleil
Reculer les heures
Pour ne plus avoir à penser
À cette trace de toi qui disparaît

À chaque minute qui s'écoule
Tu es comme emporté plus loin
Toujours plus loin dans un petit coin de mon cœur

Je ne veux pas laisser la vie reprendre son cours

Je veux plus de toi, et de nous,
Car tous ces moments que je ne partagerais pas avec toi
Tout ce qui va m'arriver,
Ces aventures, ces histoires de cœur, ces projets dont tu ignoreras tout
N'auront plus de sens

Car ma vie n'a plus d'équilibre

Je suis une plaie béante
Sanguinolente
Aux bords noirs et secs

En perpétuelle descente aux enfers
Ça tourne et ça tourne et ça tourne
Je ne suis plus qu'un frisson
Une poupée de chiffon
Qui glisse sans fin au cœur du Pandémonium
Pour en devenir reine

Car ma vie n'a plus de sens

Je suis montée à bord d'un carrousel qui ne s'arrête jamais de tourner
Je suis en vrac, pleine de -crac- de -boum- puis de trous sans fond
Je suis là sans y être,
Éveillée qu'à demi

Pour bientôt rendormie

-tu me manques-