Enceinte Marie

lili-galipette

* Acte I *

    Le voilà dehors. Ça ne l'émeut pas vraiment. Il s'y attendait. Il va s'y faire. Ça ne le touche pas vraiment. Une dispute, encore une. Une parmi d'autres. Les cris et les larmes. ique. Elle sait faire ça, la mère, pleurer sur commande, dès que le père gueule un coup. Elle reste assise, un torchon à la main, la tête pendant sur la poitrine, avec les larmes qui suivent l'arête du nez et qui tombent sur ses mains. Elle ne dit jamais rien. Elle pleure, c'est tout. Elle ne sait pas faire grand-chose d'autre. Le père, lui, ce qu'il sait faire, c'est gueuler. Il aime ça, sentir son monde trembler, voir les autres la boucler, et attendre la fin de la crise. Et cette fois, il l'a mise à exécution sa putain de menace. Je vais te foutre dehors. Je ne veux plus d'un bon à rien chez moi. Fils de con. Alors voilà, il est dehors. Et il se dit que c'est vrai : il est le fils d'un con. Mais il s'en fout. Il n'a pas faim, pour l'instant. Il sait que ça viendra, que ça fera mal aussi, mais pour l'instant, il n'y pense pas. Il marche. C'est moche la ville, la nuit. C'est moche aussi le jour, mais la nuit, c'est pas pareil. C'est moche parce que personne ne prendra la peine d'essayer de faire croire à son voisin que ça peut être beau. C'est moche pour de vrai. Le jour, il y a toujours un con qui dit que la ville, c'est beau, que c'est une création de l'homme. C'est faux. Lui, il n'aime pas la ville. Il aime les arbres. Les vrais arbres. Pas les troncs grisâtres qu'on plante en septembre et qu'on arrache en juin pour que les vacanciers puissent se garer. S'il avait du fric, il se tirerait vite fait de là, pour se trouver un coin peinard, un endroit plus vert et plus frais, sans ces saloperies de pots d'échappement, où il pourrait bosser un peu – pas trop – dehors. Mais sans pognon, il est coincé ici. Faut qu'il trouve un coin pour pioncer, au moins pour cette nuit. Il avance. C'est noir et gris partout. Il dépasse l'école et la boulangerie du quartier. Là-bas, il y a le pont. Il voit les jeunes qui traînent et qui écrivent des cochonneries sur les pylônes. Quand il approche, ils se tirent. Ça doit être son blouson bleu qui leur a fichu la trouille. Il voit un gros bidon dans lequel brûle un feu faible. Un vieux clochard y jette des journaux de temps en temps, et il tend ses mains au-dessus. C'est comme dans les films. Le vieux est pas tout seul. Il y en a d'autres : un noir aux yeux injectés de sang ; une gamine défoncée qui plane, près des poubelles ; un type avec trois gamins crasseux qui se serrent sous une couverture sale ; une femme enceinte perchée sur une des poutrelles du pont. Ils se parlent un peu. On dirait qu'ils se connaissent. Lui, il s'approche. Il dit :

« - Je peux pioncer un peu dans un coin ? »

Le vieux quitte le tonneau, crache entre ses pieds, et lui demande d'une voix fatiguée :

« - T'arrives d'où gamin ? »

«  - Ça me regarde. Je peux pioncer ? »

« - Ok, te fâche pas ! On a tous nos histoires. Si tu gardes les tiennes, on garde les nôtres. Y'a pas de lézard. Tu peux dormir où tu veux, là où y'a personne. Les poubelles, c'est le coin de Sophie la toxico. Les poutrelles, c'est à Marie, la femme enceinte. Au fond, c'est David et ses mioches. Le noir – on sait pas son nom – il préfère la bouche d'égout avec ses cartons. Moi, c'est Joseph, je suis plus loin. Le tonneau, c'est pour tout le monde, mais faut pas laisser le feu crever. Alors, tu te lèves de temps en temps, tu fous un truc dedans, et tu retournes pioncer. »

Le vieux, il dit tout ça d'un coup, avec sa voix épaisse. Il le regarde, lui, attend une réponse.

« - Ok, moi, c'est Jean. »

Le vieux le regarde encore. Il hoche la tête. Il crache encore. Il retourne près du feu, crache dedans. Lui, il jette un coup d'œil à tout le monde. Ils le regardent tous. La femme enceinte lui lance une œillade depuis sa poutrelle. Lui, il décide de se coucher contre un mur, au milieu d'un vieux tas de chiffons. Ça pue et il y a des puces. Mais il a chaud. Il s'endort.

* Acte II *

    Quand il se réveille, il n'y a que la famille et le vieux. Il pleut. Il a faim. Mais pour le moment, il peut penser à autre chose. Il se dit qu'il faut qu'il trouve un truc à faire. Il regarde la famille : le père a l'air bizarre. Il est assis, complètement immobile, et un de ses mômes pleure. Il ne bouge même pas. Lui, il s'approche. Le père, il pleure aussi, en silence. On dirait la mère. Le gamin qui chiale, il est tout rouge. C'est une fille.

«  - Elle est malade », dit le père.

«  - Ah ! »

«  - Le docteur, ça coûte trop cher. »

Lui, d'un coup, il s'en fout plus vraiment. Ça lui rappelle le père, avec ses phrases. Les clodos, ils ont mérité d'être dans la rue. Il est con le père.

«  - Pourquoi t'es là ? Ils ont pas de mère tes gamins ? »

«  - Non, elle a claqué l'an dernier. Moi, je m'en suis pas remis. J'ai arrêté d'aller au boulot. Et je me suis fait virer. Avec mes gosses, on s'est retrouvé à la rue. »

Lui, ça le laisse muet. Enfin presque.

«  - C'est moche. »

Le vieux s'est approché. Il le prend par le bras.

«  - Laisse-le. Ça fait deux semaines que sa gosse est comme ça. Elle va claquer et il le sait. Il a pas un rond. Il peut pas aller voir le toubib. »

«  - Et les assistantes sociales ? Elles se bougent pas les fesses ? »

«  - Fait trop froid en ce moment. »

«  - Il a essayé de trouver du pognon ? »

«  - Ouais, mais ça pousse pas dans les caniveaux gamin ! »

Le vieux s'éloigne en crachant. Le père à côté, il râle.

«  - Et cette pétasse qui veut rien prêter. Qu'elle aille se faire foutre cette salope ! »

Lui, il comprend pas trop. Mais il veut pas d'emmerdes. Il retourne s'asseoir sur les chiffons dégueulasses. Il aimerait bien bouffer un truc quand même. La femme enceinte est de nouveau sur sa poutrelle. Encore une œillade. Elle se trémousse là-haut. Pas beaucoup habillée en plus, mais plutôt chic. Il la mate un peu. Et il se demande comment elle fait pour monter là-haut avec son bide. Elle doit en être à son septième mois, au moins. Plutôt agile. Elle lui sourit. Lui aussi.

«  - Fais gaffe gamin ! »

Il sursaute, le vieux est assis à côté de lui.

«  - Hein ? »

«  - Fais gaffe ! On raconte des drôles de trucs sur elle. On dit que c'est une ancienne actrice, qu'elle a aidé un type à braquer une banque. Lui, il s'est fait prendre, mais elle se serait tirée avec le blé. Et elle cherche un gars pour la protéger, rapport à son mioche qui arrive. »

«  - Si elle a le blé, pourquoi elle crèche ici ? Elle a qu'à se tirer du pays et se mettre au vert. »

«  - Le truc, c'est qu'on sait pas où est le pognon. Elle revient souvent avec de la bouffe ou des fringues neuves. On sait qu'elle les achète parce qu'elle a des sacs et elle donne les notes au noir pour qu'il se roule ses clopes. Mais on sait pas où elle planque le fric. »

«  - Mais elle est pas chiante ? »

«  - Fais gaffe à ton p'tit cul gamin ! Si elle te met le grappin dessus, t'es dans la merde. Elle a essayé avec le père des gamins. Il l'a envoyé paître. Depuis elle lui en veut. Elle refuse de lui passer des ronds pour qu'il amène sa môme chez le toubib, même s'il promet de la rembourser. »

« - Avec son polichinelle, j'vois pas trop ce qu'elle pourrait me faire. »

«  - Tu trouves pas bizarre qu'elle grimpe comme un putain de matou de gouttière sur les poutrelles ? Elle a du faire des arts martiaux ou je sais pas quoi. Je serais toi, je tiendrai mes miches loin de cette garce. On sait pas ce qu'elle veut, mais elle est pas nette. Quand on a du fric et un gamin à venir, on reste pas sous un pont, enfin sur un pont pour la demoiselle. Y'a du louche avec elle. »

Le vieux crache en direction du pont.

«  - Fais gaffe ! » il répète.

Et il s'éloigne. Lui, il commence à avoir la dalle pour de bon. Il doit lui rester un billet dans la poche de son blouson. Il part chercher un truc à manger.

* Acte III *

    Il revient au pont. Il fait presque nuit. Il pleut toujours. La gamine chiale encore et le père est furax. Il discute avec le vieux.

« - Faut qu'elle dise où est le pognon ! Je peux pas laisser ma gosse comme ça. Elle a pas le droit. Je vais aller lui causer. »

« - Rêve pas David. Tu l'auras pas cette conne. »

Lui, il écoute. Il se rapproche un peu, pas trop. Ça l'a calmé de manger un bout. Mais il écoute quand même.

« - Tu sais bien que personne sait où elle planque son pognon. »

« - Je vais la planter, j'te jure ! Ma femme a déjà crevé. Je laisserai pas ma p'tite claquer sans rien faire. J'te jure que si elle me dit pas où elle le planque, je la crève ! »

« - Arrête de dire des conneries, elle attend un môme. On plante pas une nana enceinte, même si c'est une vraie salope ! »

Lui, il se dit qu'il ferait bien de la prévenir, la femme enceinte, histoire qu'elle se planque. Puis, il se dit surtout qu'elle a qu'à filer du fric à l'autre et tout le monde sera content. Et puis, il la voit, sur sa poutrelle. Elle doit être là depuis longtemps, elle a peut-être tout entendu. Il la regarde. Elle est jolie, même avec son gros ventre. Elle a gardé une petite poitrine. Il aime pas les gros seins. Elle a de jolies jambes. Il se demande quel âge elle a. Trente ans, trente-deux.

« - Ça te plait ce que tu vois gamin ? Si tu veux toucher, c'est pas gratuit. » dit-elle en descendant de la poutrelle.

« - Oh, ça va, lâche moi ! »

« - Te fâche pas, je suis sure qu'on peut s'arranger. Tu me protèges de ce furieux et je te révèle mon secret. »

« - Là où t'as mis le fric ? »

« - Non, mieux... »

« - M'en fous de tout ça ! Je suis arrivé hier ! J'ai pas envie de m'attirer des emmerdes. Tu devrais faire comme moi. T'as du fric, tire-toi de ce trou. Mets-toi au vert ! »

« - Je peux pas. J'attends mon mec. »

« - Il a claqué ton mec on m'a dit. Les flics l'ont eu. »

« - C'était pas lui mon mec. Mon mec, il est en tôle et il sort dans trois jours. »

« - Il est de lui le gosse ? »

« - Quel gosse ? Ah oui, le gosse ! Oui, c'est le sien. »

« - Ça fait longtemps qu'il est en taule ? »

« - Trois ans. L'autre type, c'est juste  un gars comme ça. »

« - Je m'en fiche pas mal ! Moi, je veux pas tremper dans tout ça ! J'ai rien à me reprocher et je veux pas commencer. Si tu comptes rester là, file du pognon au père. Sinon tu l'as entendu... »

« - Que de la gueule !! Si il tient tant à sa môme, il n'a qu'à se bouger un peu plus ! »

« - Ça te fait rien que sa gosse crève ? »

« - Non ! Il a  flambé tout son fric aux dés. Alors il se démerde ! Il a pas voulu m'aider ! Je me rappelle des gens à qui je dois quelque chose. A lui, je lui dois rien ! »

Elle remonte sur sa poutrelle. Il la regarde. C'est dingue comme elle est agile. Son ventre ne la gêne pas. Elle marche légèrement, pas de mal de dos et elle grimpe sur le pont comme une chatte de gouttière. Il comprend pas. Mais il s'en fout un peu. Il a bouffé et il a sommeil maintenant. Il va se poser sur les chiffons. Le noir est revenu et il ronfle. Lui, il baille un peu et il se dit qu'il faudrait qu'il trouve un autre coin pour demain, ou qu'il essaye de retourner chez lui. Peut-être que son vieux s'est calmé.

* Acte IV *

    Il se réveille. Ça gueule autour de lui. Le vieux retient le père, et la femme enceinte rit, elle a les mains sur les hanches. Elle est quand même sacrément bandante, malgré son bide. Elle est pas déformée. En fait, son ventre est de trop. Sans ça, elle est vraiment bien roulée. Elle regarde le vieux et le père, elle se fout de leur gueule. Le père braille comme un putois.

« - J'te jure que je vais te planter. T'as pas le droit de laisser crever ma gosse. Ça va te coûter que quelques billets, et après je veux bien faire ce que tu veux. Mais si tu fais rien, je te plante. Si je perds ma gosse, tu perds ton môme ! »

« - Arrête David, tu vois bien qu'elle s'en fout. Retourne près de tes petits, laisse-les pas seuls. Et toi, dégage, salope ! C'est pas moral d'avoir le feu aux fesses quand on a le ventre plein jusqu'aux yeux ! Et c'est pas moral non plus de se venger d'un gars parce qu'il a pas voulu éteindre l'incendie ! Putain, tu peux pas respecter son deuil ? Il s'en fout de ton cul, mais il aime sa môme. Ça devrait te remuer, si c'est pas une pierre que t'as dans le ventre et dans la poitrine ! Garce ! »

Il crache entre ses pieds le vieux. Le père est assis auprès des enfants qui chialent. Lui, il veut se rendormir, mais il pense à la femme enceinte. Y'a un truc qui va pas chez elle. Il le sent, mais il sait pas quoi. Il se retourne sur le tas de chiffons.

« - Ça te travaille gamin ? »

C'est le vieux. Il l'a pas entendu arriver.

« - Te pose pas trop de questions gamin. Cette nana vaut pas les ennuis qu'elle va te causer. Je vois ces choses-là. Elle te tourne les sens en agitant ses fesses sous ton nez. Mais te fourre pas là-dedans ! »

« - T'inquiète donc pas le vieux. »

« - Si, je m'inquiète. La rue, tu connais pas. Ça se voit. Et elle l'a vu. Elle, elle connaît la rue. Elle sait quoi faire pour sauver sa peau. Si on l'accepte ici, c'est parce que depuis qu'elle est là, on a plus vu les flics. Donc on la laisse tranquille, on évite les histoires, et les poulets nous fichent une paix royale ! »

« - Ok, c'est bon. Je touche pas à la femme enceinte. De toute façon, y'a son bide. Je peux pas toucher une femme avec un gosse ! »

« - C'est bien petit. »

Le vieux s'éloigne en crachant. Lui, il ferme les yeux, mais sous ses paupières, il y a la femme enceinte qui rit.

* Acte V *

    Quand il se réveille, il fait presque jour. Le noir n'est plus là. Le père tient sa môme dans les bras. Elle ne bouge pas. Il a le regard fixe. Son gamin le tire par la manche et l'appelle, mais le père répond pas. Lui, il comprend : la gamine, elle a claqué dans la nuit. Le vieux arrive. Il veut prendre l'enfant. Le père lui jette un regard d'animal furieux. Le vieux recule. Il vient s'asseoir sur le tas de chiffons humides et sales.

« - C'est moche. Il va devenir fou David. Il va pas supporter ça après la mort de sa bourgeoise. Il faut pas qu'elle se repointe l'autre. Je l'arrêterai pas cette fois. »

Lui, il se dit que tout ça commence à sentir mauvais. Et il la voit. Elle arrive. Quand elle marche, sa jupe vole autour de ses cuisses. Elle est belle. Son ventre, elle le porte comme un accessoire. Elle sourit. Elle sourit toujours. Il la rattrape avant que le père ne la voie.

« - La môme est morte. Barre-toi. S'il te voit, il te fait la peau. »

« - Et elle te plait bien ma peau, hein ? Ce serait dommage de l'abîmer. »

« - Pense à ton bébé et tire-toi ! »

« - Mon bébé ? Rien à craindre de ce côté-là. »

Et il le voit. Le père s'est levé et il a un couteau dans la main. Il s'approche d'eux.

« - Dégage, j'te dis ! »

« - Il ne me fera rien. »

« - Putain, dégage, il va te planter ! »

« - Je crains rien. Mais si tu as la trouille, cache-toi sous ma jupe... »

Elle rit. Lui, s'il avait pas si peur, il lui dirait qu'il la trouve bandante, qu'elle ressemble pas aux filles trop bien peignées qu'il a connues. Mais il dit rien. Il recule jusqu'aux poubelles. Et il regarde l'autre avancer, avec son couteau. La femme enceinte ne bouge pas. Il se dit qu'elle est folle, qu'elle se fout de son gosse, ou alors que le gosse est pas de son mec et qu'elle est bien contente de s'en débarrasser. Le père arrive à la hauteur de la femme enceinte.

« - Elle est morte. Tu savais qu'il fallait un toubib. Je vais te planter. »

Elle recule. Il y a de la peur dans ses yeux. Elle a peut-être pigé qu'il ne rigole pas, qu'il va le faire pour de bon.

« - Tu vas pas le faire ? Tu vas pas t'attaquer à une femme... une femme enceinte en plus ? »

« - T'as bien laisser crever ma gamine. Ma petite Salomé, elle t'avait fait quoi ? Après elle, c'est mon Simon que tu vas regarder mourir ? Je te laisserai pas faire salope ! »

« - Arrête David. Tu sais que tu vas le regretter si tu me fais ça ! »

« - La seule chose que je regretterai, c'est de pas l'avoir fait plus tôt. Salomé serait pas morte cette nuit. »

Il l'attrape par le bras. Lui, contre sa poubelle, il voit tout ça, au ralenti. Il se dit qu'il devrait bouger, mais ça n'a pas l'air réel tout ça. La jupe de la femme enceinte se soulève un peu pendant qu'elle se débat. Ses pieds et ceux du père soulèvent de la poussière. C'est presque joli. Le couteau bouge tout seul. La lame se dirige vers le ventre de la femme enceinte. Elle se plante et fait un drôle de bruit. Comme une boîte qu'on écrase. Le père hésite, il ne comprend pas. Personne ne comprend. Mais le père continue. Encore un coup et encore ce bruit. Le ventre craque, casse. Et lui, soudain, il le voit couler. Ça l'écoeure tout ce qui s'écoule de ce ventre : du papier, encore du papier. Des petites coupures, encore et encore. Le père s'acharne sur le faux ventre de la femme enceinte. Le vieux avait dit qu'elle était actrice. Le ventre se vide. Elle pousse un cri. Le père a touché le ventre, le vrai, le plat, celui qui faisait rêver l'autre dans ses chiffons. Et ça coule, c'est rouge cette fois. La femme enceinte porte les mains à son ventre déchiré, y plonge les mains, jusqu'au vrai ventre, les ressort, couvertes de sang. Un billet s'est collé sur sa paume. C'est moche. Elle crache, elle pleure, elle tombe, elle se tord de douleur dans la poussière. Le père pleure aussi. Lui, contre la poubelle, il a envie de vomir. Il bandait pour elle, pour cette salope, mais à la voir comme ça, il n'a plus envie de rien. Le vieux s'approche de lui, pose une main sur ses épaules et l'autre sur ses yeux, et dit :

« - Le fruit de vos entrailles est béni. »      

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