Enchantements de piaf innocent

Jean Claude Blanc

plus de cages aux oiseaux, tellement plus délicieux de les regarder piailler en paix...pour ces fidèles cette fable

                 Enchantements de piaf innocent

Au bas du pré de chez Merlet

Se prélasse au soleil d'été

Un vigoureux vieux cerisier

Là où les drennes viennent vendanger

A s'en gaver plein le gosier

Finalement bien enivrées

Se carapatent en cas de danger

Mais guère habiles, pour décoller

Heureusement le cœur léger

 

Appétissants tous ces fruits rouges

Aigres, sucrés, fondent dans le bouche

Chacun sa part, nul ne bouge

Tellement abondent que ça parait louche

Mais demoiselles si gourmandes

Eberluées et moins farouches

Quand y'en a plus en redemandent

 

Début juillet belle saison

Où croissent griottes à foison

S'en prive pas mimi pinson

Comme y'a personne à l'horizon

Vite vient faire sa provision

Mais quel aplomb, ignorent les plombs

Mais sont nombreux pour le gâteau

Ces envieux, espèces d'oiseaux

Se disputant le moindre noyau

Chacun son bec, rien pour les autres

Tout comme les Hommes, leur amour propre

 

Pendant qu'elles bouffent à satiété

Ne s'agit pas les perturber

Sinon détalent ces ramées

Mais pas bien loin, tellement futées

Pour revenir, l'alerte passée

Finir tranquille leur diner

 

Les approcher, peine perdue

Discrètes se cachent hors de ma vue

Tout compte fait, moi le cocu

Dès le lendemain n'y en plus

Que bigarreaux en pourriture

Pas de quoi en faire de la confiture

 

Chantent à tue-tête ces merlettes

Détenant la recette de leur régime svelte

Comme nous boudant devant notre assiette

Taille haricot, mises à la diète

Si instinctives, partout furètent

Sans prendre la poudre d'escampette

Hélas pour elles, ces fauvettes

Il y a toujours, sale type qui guette

Pour les modeler, pâté d'alouette

 

Repas rapide comme chez Mac Do

Sauvages prudentes vives comme l'éclair

L'œil aux aguets toisant de haut

Leur ennemi grippeminaud

Mais en urgence fuient au galop

Abandonnant leur cher fricot

Ce qu'il en reste…une misère

 

Pour la plupart de ses bavardes

Dès qu'un matou s'approche de l'arbre

Prennent le large, du chat s'en gardent

N'ont pas le sens du sacrifice

Comme nos riches sans artifice

Qui vont planquer leurs sous en Suisse

Fric bien placé en cas de sinistre

Ainsi ce comportent nos nobles cuistres

 

Beau les reluquer, intéressé

Confectionner avec soin leur nid

Impossible les apprivoiser

Sont pas tombées de la dernière pluie

Derrière chaque homme y'a un guerrier

Un fou furieux, ours mal léché

Ayant appris les amadouer

Usant d'appâts, gerbes de blé

Pour les descendre à coup de fusil

 

Part de ma jeunesse ainsi contée

Bien annotée sur mes cahiers

Auprès de Maryse, ma petite chérie

Mais péché vite pardonné

Plus l'âge à faire des folies

 

Mais cependant, jeune premier

Selon mes parents j'en promettais

Hélas du genre pas très doué

En séduction, pour cette fée

En cause encore fatalité

Sempiternelle timidité

Depuis ma naissance, ainsi gâté

Sensible jusqu'à mon jugement dernier

 

Nous retrouvions pour les vacances

Comme l'on monte en transhumance

Mais à ceci, la différence

Que par la nature, attirés

Pour ses oiselets, merles enchantés

Qu'étions nous deux, mais en secret

Juste prétexte pour s'embrasser

Et s'enlacer dans les genêts

 

Lorgnant ses cuisses et ses yeux noirs

Ne donnais pas ma part au chien

Mais pour en jouir, une autre histoire

Se voulant copine, moi son crétin

De serviteur à ses pieds

Faisant ses 4 volontés

Restais planté devant ses seins

Ensemble allongés dans les champs

Mais pas pour faire des galipettes

Car n'en avait que pour ses vedettes

Claude François, Sylvie Vartan

De son Johnny, tout un roman…

Mode SLC à la radio

A faire fuir les moineaux

Moi l'éternel niquedouille

Naïf rêveur, d'un rien la trouille

Je lui offrais avec ferveur

En guise de fleurs, mon tendre cœur

Mais s'en moquait, de ces honneurs

C'est moi qu'étais son souffre-douleur

Me consolais de sa bonne sœur…

Sainte Catherinette qu'encore la pleure

 

En grandissant mal m'en a pris

Suis devenu un prédateur

En dégommant tout ce qui vit

Au lance-pierres, crânement chasseur

Le cerveau lent, simple d'esprit

Me considérant pas haut comme une pomme

Déjà frimeur, fier de ma personne

(Que les bonbonnes me le pardonnent)

Je m'en repens, ça me coûte cher

Car n'étant pas une lumière

A cette époque, quelle galère

Voir mes piètres résultats scolaires

 

Me fallut du temps, de la patience

Pour renoncer à cette manie

Tuer tout ce qui bouge, sans conscience

Mais bienheureux m'en suis sorti

Prêchant la paix, glandeur hippie

« Peace and love » ma philosophie

Et par la même, écolo

(Pas comme Hulot, ministre bobo

Ushuaia, gluantes crèmes solaire

A saturer son boursicot)

 

Et c'est pourquoi belles charbonnières

Ne me contente pas les admirer

Grives, mésanges, chardonnerets

Voués au même sort, se geler

Leur tend des graines, durant l'hiver

Mais qui se méfient, de trop de bonté

Ne souhaitant pas être encagés

Plus de cerisier, plus de bonne amie

Car j'ai vieilli et bien lassé

D'être l'assassin de ces pitiés

Leur pond des vers qui balancent

A conjuguer dans les deux sens

Afin de leur souhaiter bonne chance

Juché sur mes cimes désertées

Plus de payse, plus de cerises

Emportées par la froide bise

 

Ne me reste plus qu'à cogiter

S'il renaissait ce doux passé

Avec grives, pigeons ramiers

Pour me piailler, vive l'été !

 

Enchantements d'adolescent

Bien dépassé par ses tourments

De vieille branche, pas près de casser

Sa pipe ne part qu'en fumée

Plus que des cendres, en son foyer

 

Que par le progrès, intoxiqué

Je ne bois pas à sa santé

Pourvu que reviennent de l'autre hémisphère

Dès le printemps, ces hirondelles

Pourtant si frêles, bravant le ciel

Le ventre vide, fringale d'enfer

 

Pour les recevoir, serai présent

Même la nuit, où tout est gris

En écoutant le chat-huant

A l'horizon de mes soucis

Garde table ouverte, en attendant

Les conforter, pour leur talent

De me bercer de sentiments

Que j'ai pour elles dorénavant

Anges gardiens, malgré le vent

Lorsque m'attire le néant

Pour terminer artiste costaud

Qui de l'année, n'est pas le perdreau

Vole dans les plumes des étourneaux

En pigeonnant les tourtereaux

Même solitaire, noir corbeau

Qu'un homme à fables, m'en fais l'écho

Comme le chêne et le roseau

Un peu plié, freine sur le boulot…

Pardonnez-moi, ça vole pas haut

Que pour gobe mouche ce jeu de mots

Martin pêcheur, poisson dans l'eau

A rouge queue, manque de pot

Lui qui préfère les asticots

Comme nous autres, cocorico

Sages sansonnets, qui paient l'impôt

A ces faisans, race de maquereaux

Merlin enchanteur pas de sitôt

 

Au bas du pré de chez Merlet

Ça se construit, c'est pas bizarre

Comme sont pleines les cités

De visages pâles, un peu hagards

Les accueillir, qu'humanité

Ainsi devenue vraie perle rare

Notre campagne, s'enrichit

D'oiseaux nuisibles, pleins de dollars

Même le coucou, en paie le prix

Roucoule plus soudain saisi

 

Quant à nos chers volatiles

Vendue leur peau, aux gens débiles

Qui croient gagner argent facile

Aux supérettes de la ville

Mais ne font pas les difficile

Bouffent sans crainte, produits daubés

Où est la protection civile ?

Dont on en vante la fermeté

Faute de grive, on mange des merles

En boucherie, les oies déferlent

Pour leur foie gras cadavérique

N'est-elle pas chouette notre République 

Pour ces pies grièches si pacifiques ?   JC Blanc février 2018   

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