Enfer et Dame Nation
absolu
On s’fait une bise, on verra plus tard pour le « a », quand on sera plus à l’aise, qu’on pourra se passer d’« l », sinon Blaise va nous pomper l’ « r » dont on a besoin pour aviver les braises ; on n’aura pas le temps de s’embraser, on lâchera la bride, c’est vrai que sans l’ « s » on fera plus que s’embrasser. Bien dans nos baskets on fera mieux que sans lacet, mais attention à ne pas s’prendre les pieds dedans, à trop courir après une gueule d’ange on finit toujours par y laisser des plumes, à trop jouer du plumeau on finit par mordre la poussière. À vouloir aller trop haut, on perd tout contact avec la terre. Aucun intermédiaire, au-dessus des nuages, aucun remède contre hier, quant à demain n’en parlons pas, le médium n’y voit plus clair dans sa boule de cristal, l’opium a obscurci l’atmosphère. Une météo pas très favorable, aucun paratonnerre pour canaliser les éclairs, le génie voudrait sortir de sa lanterne pour soulager sa vessie, mais y a personne pour soulever le couvercle, le ciel reste couvert et le contact est rompu. Le bâton du sourcier n’est d’aucune utilité, l’humidité s’est répandue dans l’air. Pas la peine de militer pour des jours meilleurs, l’humilité a perdu ses plus fervents admirateurs. On se plaint de n’avoir pas assez d’heures pour admirer les splendeurs de la nature, en dehors de celles employées à la massacrer. Il ne nous reste pas dix ans avant l’irrémédiable, sauvons les bêtes à bon Dieu avant de donner notre âme au diable.
L’homme au cigare nuit à ma santé, l’homme hagard fuit sa réalité, l’hommage décline toute responsabilité, l’homme âgé attend la fin, désespéré d’une vie dont il a tiré profit. Deux rôles joués à la perfection, avec sa femme ils en ont donné la plus belle représentation, dans leur deux-pièces au décor austère. Jusqu’au jour où il fallut payer des droits d’hauteur, pas un radis en poche, il dut rester ici, sa femme est parti en éclaireur, égayer leur nid d’éternité. Leur descendance devra balayer les décombres, à la recherche des corps putréfiés depuis la catastrophe, les dirigeants plus très fiers rangeront leurs trophées honteusement gagnés, paieront leur loyer sans bénéficier d’allocation logement, même les contribuables les moins favorisés ne dérogeront pas à la règle d’ailleurs. D’ici à ce que les trottoirs soient privatisés et les SDF imposables en tant qu’actionnaires, il n’y a qu’un passage piéton (cf.). Société Définitivement Fatiguée qui s’appuie sur un gouvernement usé jusqu’à l’accord ; l’Elysée qui passe son temps à réviser ses lois, pendant que le peuple, de plus en plus frileux, prend froid, et s’engourdit dans un profond désarroi. Quand la nation monte au front, le climat se réchauffe à l’extrême, une seule issue, réprimer la menace, du moins quelques années, sans trop d’audace, pas de quoi être fier de ce qu’on a fait.
L’on s’ennuie, en long, en large et en travellers. C’est l’heure des travelos, qui dévoilent les travers de l’homme en crise identitaire. C’est déjà pas facile de faire avec soi, si en plus il faut faire avec ce qu’on n’est pas, ce qu’on ne sera jamais, on n’est pas sauvé. Y en a qui changent de sexe, d’autres de veste, mais ils restent au même endroit. La sédentarité n’a pas que des avantages, l’on vieillit avant l’âge par manque de grand air, l’on s’appuie trop sur nos lombaires, on a plus que l’âge de nos artères. En proie au vague à l’âme, on envierait presque ceux qui « envahissent » nos terrains vagues. Ceux-là même qu’on marginalise à foison perdent un peu plus de leurs origines à chaque saison. Ils n’ont pas de maison, de statut social, y a pas d’raison qu’on leur alloue un bout du camping municipal. Et puis quoi encore, faudrait leur donner du travail ? Y en a déjà pas assez pour les Français, les vrais. Vous ne trouvez pas que la majuscule devient risible, quand elle inclut des esprits aussi ridicules que nuisibles, qui véhiculent les idées reçues à la vitesse de la lumière, et eux si loin d’en être…
La mygale nuit à l’homme, pourtant aucune extinction n’est prévue, l’angine nuit aux amygdales, pourtant l’infection n’a pas disparu. Le tajine comble « les crève-la-dalle » , pourtant la famine ravage encore tout un peuple bientôt perdu de vue. On ne dit plus « tu n’iras pas au bal si tu ne dînes pas » , mais « mange tes sardines si tu veux aller en boîte » . Priez pour nous, pauvres pécheurs qui s’aiment la nuit, s’amenuisent le jour. Le cœur faiblit sous le joug de la passion, l’âme s’enlise, les corps mordent la poussière. Ça ne leur a pas servi de leçon, ils ne perçoivent plus l’harmonie des premiers jours, ils deviennent sourds, sont obligés de monter le son. L’amour en colimaçon, la mort dans le collimateur, l’école de la vie a besoin d’amateur. L’âme voudrait qu’on se mette à sa hauteur.
Chassez-la elle revient au galop, la mégalo m ‘ennuie, l’amie Margote m’enchante, j’aime bien son petit manège et son cortège, qui m’fait tournicoter la tête. Pas besoin de Lucie ni d’Eugène, là où y a de l’hallu y a pas de gêne, même s’ils ne sont que deux pas sages, ils risquent d’implanter leur mauvaise graine, de gangrener un univers paramétré au gramme près. Luxe, came et vie ratée ; une vie deux décérébrés, Ô temps suspend ton court-métrage, oublie la trame de l’histoire, t’inquiète pas pour le devoir de mémoire, comment oublier le noir des horreurs d’hier, comment oublier. Baudelaire et Mirbeau ont trouvé l’astuce, l’un effleura le mal et nous offrit la beauté, l’autre découvrit un jardin qui ne devait son exceptionnelle diversité qu’au sang des suppliciés irriguant les racines de chaque variété. Imaginez-vous face à la plus belle et la plus rare des orchidées, et lorsque vous approchez votre visage de ses pétales, vous percevez l’odeur de la chair décomposée. Imaginez que les racines de cette orchidée ont pris naissance dans les restes de corps torturés, et vous comprendrez, vous comprendrez que la poésie ne fait pas commerce du malheur d’autrui, elle offre juste un répit…
Je suis d’accord, le supplice du rat n’est plus d’actualité, c’est dépassé. Maintenant il y a les « contrats emplois solidarité » . Il y a les grandes puissances avides de combustible, qui forent les sols jusqu’à la moindre goutte, laissant le climat aride faire le reste. Il y a les vestes en fourrure véritable, qui finissent d’exterminer quelques espèces. Pas besoin de se triturer les méninges pour infliger le mal, c’est inné la cruauté. Si ça se trouve Malthus avait raison, les guerre les famines, les épidémies sont peut-être indispensables à la survie de l’humanité. Il faut bien que beaucoup paient pour quelques privilégiés. C’est la loi du plus fort. Certains ont des droits, les autres dormiront dehors…