Enjambées chaotiques

loinducoeur

Rien ne laissait présager cet élan maladroit. Rien ne permettait de le comprendre maintenant qu'il était trop tard pour se cacher. Nos ombres se sont mélangées...

Je l'aimais vraiment. Il n'était plus question d'en discuter. Le doute qui m'avait tenu dans l'immobilité de la réflexion, devait s'évanouir. Marcher dans l'ombre des arbres agités par un air de printemps, ne changerait pas la clarté du sentiment.

Je suis parti un peu plus loin. Un peu comme ce joueur de pétanques qui pense à éloigner le cochon des tirs de ses adversaires, j'ai cru que la distance m'abriterait des regards. Transparent. Ai-je eu peur d'être vu ?

J'ai parlé à des inconnus, rencontrés ici ou là. Non par goût des conversations innocentes, mais peut-être pour apaiser mon cœur. Curieuse idée que les autres, ceux qui ne savent pas, pourraient m'aider à comprendre ce qui se trame en moi. Un mot oublié sur un comptoir, un regard perdu derrière une mèche brune, un rire emporté par un courant d'air, et ma tête s'allège.

J'ai traversé le pont. En y pensant, j'ai réalisé que je marchais trop vite, sans savoir où aller. Atteindre l'autre rive comme on croit se sortir d'un piège. Passer par dessus bord n'était pas une option. Toucher cette terre inconnue, ce rivage incertain, me tentait à m'en faire perdre de vue l'essence de ma fuite.

J'ai eu envie de crier. Ai-je crié assez fort ? Elle ne pouvait m'entendre, j'en suis sûr. On ne crie jamais assez fort. C'est la limite de l'homme dans sa détresse. Crier à s'en sortir les tripes, à se tordre par terre, à en avaler sa haine de l'oubli, du mépris. Et puis pleurer aussi.

J'ai voulu l'oublier. J'ai cherché sur l'autre rive, une âme accueillante, un visage généreux, une joie de vivre salvatrice. Quel idiot ! A mesure que les gens me croisaient, je voyais bien naître dans leur attitude, l'indifférence ou même le dégoût.

Et maintenant, je l'attends. Déterminé, vous pouvez me croire. En tout cas, décidé à lui révéler ce qui me perd, ce qui me transporte. Au risque de rester dans le chaos des faux-semblants, je préfère lui dire mon amour.

Il est tard, je le sens.


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