Ensemble pour un sourire

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Une joie. Oui, une joie parmi la noirceur habituelle de mes écrits. Sortons de la pénombre avec une écriture légère et lumineuse. 10/07/14. Sous le soleil d'hiver de Wellington. NZ.

  Ce jour là, un sourire hantait ses lèvres froides, un sourire qui aurait pu accaparer toute l'âme de celui qui l'observait. La neige, comme elle en rêvait, comme elle priait pour agréablement souffrir à son inhabituel toucher.

  Aujourd'hui, elle était enfin heureuse. Heureuse. C'était un trop grand mot pour lui, une insuffisance pour elle. Elle n'était pas qu'heureuse... Comblée ? Peut-être serait-ce plus approprié, n'est-ce pas ?

  Puis elle rit, et le garçon dut porter ses mains à ses oreilles, craignant que ce bourdonnement mélodieux ne fasse rosir ses joues de jeune enfant. Elle serra l'écharpe qui lui enroulait le cou, la fit glisser sur ses lèvres pour masquer la preuve de son euphorie, de sa joie mal dissimulée. Il soupira, voilà près de vingt minutes qu'elle avait les traits figés dans cette expression bête, à croire que la neige avait glacé sa peau.

  Bien que l'infinité de cette étendue d'argent attiserait l'admiration de n'importe qui, lui en était lassé, pour cause de l'avoir trop longtemps observée. Le paysage, la neige, les squelettes des arbres, les jeunes filles qui s'enfonçaient dans le sable de flocons, et lui tendaient la main pour qu'il leur vienne en aide. Oui, il attirait le regard. Oui, même à des kilomètres de son chez lui, les demoiselles trouvaient encore le moyen de l'aborder. Oui, il en avait marre. Il était déjà venu ici des centaines de fois, mais pour elle c'était la première.

  Lui et elle venaient du même endroit, dans une région chaude où la neige n'existait pas. Le hasard avait même autorisé qu'ils puissent se croiser à l'autre bout du monde ; il en a soupiré, elle en a ri.

  Ils se connaissaient sans se connaître, ou plutôt, ils croyaient avoir su comment cerner l'autre. Lui par bref ennui, elle par inadvertance. Sérieusement, il ne savait plus qui elle était, ni pourquoi son regard galopait vers cette fille dès qu'il sentait qu'elle allait sourire. Il ne savait pas, et peut-être que c'était mieux comme ça.

  Elle pointait le ciel du doigt observant un flocon fondre sur une de ses phalanges. Elle ne devait certainement pas sortir maintenant, elle ne connaissait rien à l'extérieur, et c'était pire dans un pays qu'elle connaissait encore moins. Mais elle n'avait pas peur tant qu'elle était avec quelqu'un, n'importe qui saurait la protéger, se disait-elle.

Elle n'était pas bête. Juste naïve.

  Il regarda sa montre, haussa un sourcil et la rappela à l'ordre. Il crut en la voyant se retourner qu'elle lui offrirait sa plus belle indifférence, et pas qu'elle le rejoindrait docilement. Avec leurs quinze années d'existence, ils ne savaient certainement pas ce qu'était la vie. Elle sortit son appareil photo, lui lançant sa demande par un regard implorant. Il secoua la tête.

« Surtout pas !»

  Elle baissa le regard, laissant ses cheveux noirs retomber le long de ses joues blanches.

Et en plus elle me fait la tronche ?

 « S'il te plait, juste une photo.»

  Il espérait qu'elle ne parlerait pas, qu'elle ne laisserait pas le chuintement de sa voix le désarmer. Il essaya de résister une dernière fois, elle tira la langue.

« T'es méchant !

- Tu es tellement mature...»

  Son soupir accompagna sa remarque, mais il éclata de rire la seconde d'après.

  Il se figea lorsqu'elle se colla à lui, tendant d'une de ses mains l'appareil photo pour encadrer leurs deux visages entourés d'une pluie de cristal. Les commissures de ses lèvres s'étirèrent vers le haut et elle lança un regard insistant à cet ami encore paralysé.

« Allez ! Souris Lenny !»

Il voulut grimacer pour se moquer d'elle.

Mais ce fut bien un sourire qui se grava sur l'écran de l'appareil.

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