Esprit d'un assassin.

exacerbere

Des fois je me sens faible, seul, petit, insignifiant. 


C'est fou ce que les autres peuvent avoir l'air aveuglant par leur brio. Mais ce n'est pas un air brillant qui flotte autour de moi et je suis difficilement orgueilleux. Je suis plutôt doux et effrayé par les gens je dirais. Je pose beaucoup de questions pour savoir qui je suis pour les autres. 


On peut dire que je suis très mature d'un certain côté mais très enfantin d'un autre (dieu sait ce que je n'ai pas peur de l'avenir et des responsabilités). Allez, vous allez rire mais pour moi tout le monde à de l'importance et c'est bien ce qui m'effraie. L'importance des mots des autres, de leurs gestes insouciants. Le poids de... Leur absence et de la non réciprocité. 


Absence. Solitude. Sentiments négatifs. Seul. Seul. Seul. Seul.


Ce mot qui retourne en boucle dans ma tête comme une ritournelle dont je n'aurais jamais entendue les paroles mais qui était là depuis toujours.


Mais cette foutue mélodie, je l'ai intégré dans mon coeur. 


Il en est que des gens ont été là (même si certains ne le sont plus), donnant à la mélodie un air de "n'oublie pas que ce n'est que temporaire". Des gens le seront cependant encore. Et au-dessus de moi se baladent des tas d'étoiles brillantes. Ma vie est bourrée de vous, vous qui êtes là pour une minute, vous qui êtes là pour un jour, vous qui serez là pour une semaine, un an, toute une vie.  Qu'importe. 


Il y a longtemps que je vis plus que pour "vous". Peut-être que le "moi" a été détruit par vos rires répétitifs et vos mains qui délaissaient les miennes pour en trouver d'autres. C'est ainsi. Toujours est-il qu'il y a longtemps que j'ai renoncé à chercher mes intérêts individuels pour espérer trouver le bonheur.


Maintenant mon épanouissement dépend de "vous", je suis obligé de "vous" satisfaire pour me satisfaire. Et la petite partie de "moi" qui subsiste ne vous en déteste que plus encore.


Vos sourires sans gêne que je ne pourrais jamais sincèrement reproduire. Vos excès d'humeur qui pèsent, votre sens de la supériorité déroutant qu'exècre mon "moi". Mon moi, vous l'avez tué, étranglé. Vous avez crû l'enterrer et moi aussi, j'en étais certain. Mais le voilà qui réapparaît -hélas- et il veut bouffer du lion. Non pas tout à fait, à vrai dire il préférerait vous bouffer tout crû.


La partie à "vous" s'oppose constamment avec mon "moi" depuis quelque temps. Toujours serviable, je veux vous servir et je m'éclipse dans votre lumière. Enragé, méchant et véreux le "moi" se fait cynique, voire macabre. 


Le "vous" propose d'être vertueux, respectueux. Il me change en quelqu'un de timide qui rend sourire sur sourire. Il comprend tout. Pardonne tout comme un vrai ange. Peu importe qui vous êtes et ce que vous faites tant que vous ne partez pas. Aimez-moi dit-il, tendez-moi la main et ne la lâchez pas. Son air asservi et optimiste (mais si irréaliste) me dégoûte. Il n'est là  que pour votre utilité personnelle après tout.


Le "moi" est plus démoniaque. Il est cette partie malsaine de naïveté qui s'est retrouvée éconduite par le temps. Il sait que vous êtes faux partout, à l'extérieur, à l'intérieur. Il sait que vous utilisez tout ce que vous pouvez pour atteindre ces éphémères plaisirs. Il sait que vous ne connaissez pas la vraie souffrance, l'abandon, le doute, l'infériorité sur le long terme. Et ce "moi" vous déteste. Il veut vous torturer, vous faire souffrir physiquement pour vous faire comprendre. Mais il sait que vous ne comprendriez jamais. Ce serait un autre type de douleur qu'il vous faudrait. Physiquement, ce serait un début mais... Ce serait doux, bien trop doux. La douleur instantanée vaut mieux à la douleur psychique, donc chaque couche ajoutée vous détruit jour après jour. Il y a de quoi devenir fou. De quoi bannir chaque petite parcelle de bonté que vous auriez pu un jour avoir. C'est comme si on vous avez brisé le coeur une première fois, sans que quiconque finisse par recoller les morceaux. Que vous aviez tenté de le faire vous-même et que... Finalement, vos ongles fatigués avaient éprouvé un certain apaisement en préférant enlever les morceaux restants eux-mêmes et après un certain temps.


Le "moi" a réapparu, pleinement. Il me donne des sueurs froides. J'ai peur de lui. Mon "vous" en est secoué de spasmes violents. Car il le dévore. Mon moi est en train de tuer mon vous. Depuis plusieurs mois les deux se battent.


Mes sourires auparavant insistants disparaissent. Est-ce une délivrance ?  Je frémis dans la rue pendant que j'imagine le sang des inconnus couler sur ma chair.


Qui aimes-tu ? Vous ? Moi ? 


Le moi rit. Le vous n'est plus. 


Personne. Je n'aime personne.


Et je me tiens debout sur le seuil de la maison, du sang plein les mains.

  • bien aimé. mais qu'est ce qui a pris à vous de retourner en pareille galère?
    ça me semble logique qu'un moi sans vous n'aime personne.

    · Il y a environ 8 ans ·
    Default user

    Hi Wen

    • La non réciprocité, la désillusion, l'absence du moi.

      Tout comme il est normal qu'un "vous" sans "moi" finisse par se rendre compte à force d'être blessé que ce n'est pas vraiment de l'amour mais de la naïveté injustifiée.

      · Il y a environ 8 ans ·
      Okovougbe

      exacerbere

Signaler ce texte