Est-ce que, pour une fois, je pourrais casser des trucs ? Des vases et des cœurs, je m'en fiche. Est-ce que je pourrais être sans-cœur sans toujours m'en vouloir ? Est-ce que je vais avoir l'impression toute ma vie que le destin me baise par derrière ? Que tout est déjà écrit et que je ne suis même pas dedans...
Pour une fois, la première fois, j'ai du m'arrêter d'écrire. Ce qui se passait là était différent. D'habitude chaque séance de travail était dure, inexplicablement compliquée à mener à son terme. Je ne savais foutrement pas pourquoi. Mais aujourd'hui, il se passait un truc bizarre. Aujourd'hui, ce héros que je ne connaissais même pas encore, ce personnage qui naissait au fur et à mesure de mon écriture, écrivait comme moi. Ou plutôt, je l'écrivais comme moi. Sans m'en rendre compte. Il prenait mes traits. Ses envies étaient les miennes. L'idée s'imposait à moi, je ne pouvais plus ne pas y penser...
Merde putain...
Et voilà que déjà j'avais repris la plume, sans vraiment m'en rendre compte. Déjà, je mettais mes mots dans sa bouche, comme si lui les pensait, les disait. Mais, n'est-ce pas le but d'un auteur, qu'il parle par la bouche de ses personnages d'une certaine façon, qu'il les connaisse comme ses amis.
Et avant que j'ai pu m'en rendre compte, mes mains étaient de nouveau poser sur l'ordinateur. Dans ma tête, tout reprenait. La vie était injuste avec moi, les autres étaient injustes avec moi. Le monde était injuste avec moi, déloyal. Alors tout commença à tournoyer. Le médecin m'expliquant mes accès de folie, ma femme qui claque la porte, la page blanche, qui reste, toujours, à m'épier derrière chaque mot. Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus ce que j'écris. Pour qui j'écris et pourquoi je le fais.
Est-ce que je suis le personnage principal de mon histoire ou en suis-je l'écrivain...?