Et pencher sa soif
Perrine Piat
Tu as commencé à boire pour aller mieux, pour te remettre d'équerre après une journée bancale.
Tu as continué à boire pour te sentir droite dans tes pompes, pour ne pas t'écrouler, pour que tes mains arrêtent de trembler.
Tu as terminé ton verre, le mien et les leurs pour ne plus tanguer. Plus tu buvais et plus tu titubais.
Plus tu lançais ta tête vers le haut, plus tes paupières étaient attirées vers le bas. Tu voulais que le ciel aspire tes cheveux pour te tenir toujours la tête bien haute. Tes épaules ont cédé, inondées par les gorgées.
Aujourd'hui, plus rien ne te fait bouger, pas même ce qu'on te fait boire par cathéter. Ça ira ou syrah pas mais le rouge de tes bouteilles s'est trop fondu dans le rouge de ton sang. Plus tu as bu pour aller mieux plus tu t'es asséchée en allant mal.
Tu as épanché ta douleur, soulée jusqu'aux autres.
Tu voulais être droite, tu as irrémédiablement penché, penché, trop penché, basculé.
Toi qui voulais être toujours plus droite, te voilà allongée à jamais.