Et voilà tes êtres, haine... (les douze travelots hystériques)

absolu



Ça m’fait bizarre, mais bizarre, de me lever à 07h45, et me dire que le marché de Noël a beau être fini, c’est pas pour autant que je suis en vacances. Ça m’fait bizarre de n’avoir pas froid aux doigts, de ne pas chercher la pauvre chaleur électrique d’un radiateur calé et caché au fond du chalet.

Ça m’fait bizarre de me retrouver là, devant mon PC, après presque un mois, et d’être autant dans le brouillard, j’dirais même plus, d’avoir la tête dans le blizzard. Ça doit sûrement venir des quatre petites heures que Morphée m’a tolérée près de lui, il avait sûrement rencard avec une autre ou alors il avait oublié de prendre son « 4 heures ».. Quel tombeur celui-là ! De la poudre aux yeux j’vous dis ! Tous les matins, c’est pareil, vous vous réveillez, il est déjà parti.

Alors maintenant il faut que j’vous raconte tout ça. La tête des passants, les réflexions des passants, les génuflexions des parents pour montrer à leurs enfants ce qu’ils sont déjà en train d’admirer, le sourire des enfants, les yeux ronds, la bouche en cœur, à s’extasier devant la lumière des guirlandes électriques dans le chalet que j’occupais, parmi d’autres chalets aux trésors éclectiques, aux produits divers et variés, certains avariés malgré l’hiver. Et moi rangeant la mienne, de lumière, au fond d’mon cervelet, des fois qu’il y aurait surcharge, que les plombs sauteraient, on n’sait jamais. Enfin quand bien même c’est pas si grave, tant que ce ne sont pas ceux de ma bouche, tant qu’ils ne sortent pas d’un canon de fusil, tant que les fusibles tiennent le coup. Et puis c’est fini la chasse non ? Tiens en parlant de chasse, ça m’fait penser à la neige, mais n’allons pas trop vite hein, la descente risque d’être vertigineuse, même sur une verte, certes il n’y a pas de bosse, mais on attrape vite des bleus. Alors si c’est pour finir dans le rouge et broyer du noir, moi je dis, autant faire du hors piste, dévaler hors des sentiers battus, ça vaut pas de l’or, y a beaucoup de risques, mais là au moins on a toutes les chances de tomber à pic. La loi des séries, comme dirait l’autre. Cascades en chaîne, sans chaînes c’est le dérapage assuré, mieux vaut s’équiper, que de faire tout ce chemin pour des clous.

Oui, voilà, il est fini ce marché de Noël, le dernier à fermer, les fermiers ont vidé le poulailler ; c’est évident, un marché de Noël, ça va jusqu’au Jour de l’An, et même au-delà… Une évidence toute picarde, toute locale. C’est là qu’on observe et subit le défilé des dindes venues nous gaver de leurs foies douloureux et de leurs tissus adipeux. Eh oui, l’alcool est volatil mais les calories sédentaires, rien à faire, c’est dans l’air du temps, c’est dans l’art culinaire. Pour peu qu’elles souffrent de problèmes urinaires, moi je dis, emmenez-les chez le vétérinaire, faites quelque chose, euthanasie ou Epiphanie, mais il faut choisir, ou alors ça va moisir. Emanations d’odeurs étranges, oscillant entre le suave et le rance. On est loin des fragrances d’avant les fêtes, des visages maquillés à outrance, des grands-parents outrés d’assister au carnage infantile sous un sapin déguisé en vrai à coups de neige carbonique. Pour peu que le chapon se soit fait carbonisé et que le chaperon ait oublié son panier, c’est la fin des asticots ! On pèche par excès de faux-filet, on oublie de bien mastiquer, et on se retrouve chez le médecin pour dégazage incontrôlé. L’estomac flatté de tant d’opulence se laisse aller à quelque flatulence. Ça n’est pas très distingué, me direz-vous, et j’en conviens, mais c’est chimique, comme dit mémé, et elle s’y connaît mémé, elle vit pas dans des chimères. On lui fait pas à elle, elle sait ce que c’est que les catastrophes gastriques, les rebellions oesophagiques, les coliques néphrétiques, les nappes phréatiques qui n’ont plus rien à envier au gloubiboulga de Casimir, celles en plastique et le Mir express pour parer aux abus des alcooliques frénétiques. « Quand z’ai bu z’ai encore soif » . C’est plus l’île aux enfants, c’est « l’hallu » des éléphants. Après le tourbillon infernal le roupillon hivernal, on met un bémol et on somnole, on laisse macérer les mélanges, organes en mode vidange, cycle long, faut pas confondre le pastis et l’alcool à 90° ; méninges en mode reliquat de veillées sans surveillance, cycle court, 40°, linge délicat, dégâts des eaux bues avec modération, larmes de destruction passive à l’apéro, et voilà le résultat, plus blindé que moi, tu pleures, plus accroc que moi, tumeur.

Ah lala, « Tom Sawyer » … ça y est, je connais le générique par cœur, (il a pas voulu aller chanter ailleurs) « il n’a peur de rien, c’est un américain… » , oui, vous voyez comme moi, c’était clairement énoncé depuis longtemps déjà, l’Amérique n’a peur de rien, sauf d’elle-même. Elle peut faire exploser cinq fois la planète, de par son armada d’armes de destruction massive, c’est pour dire, vous ne pouvez la détruire qu’une fois ? Tss, ridicule. L’Amérique avance, « pro-graisse », inonde mètre par mètre les pays pas encore irrigués par ses idéaux, pas encore pliés à ses desiderata. Une fois que c’est fait, la première mondiale ramasse ses affaires et retourne chez sa mère, ne prend pas la peine de nettoyer les lieux après son passage, c’est bien trop indigne, enfin voyons. En passant, si elle pouvait récupérer son cerveau à la consigne avant qu’on ne le considère comme bagage suspect. Oh ! Faut dire, pour le peu qu’il contient, on n’perdrait pas grand chose ( « Comment ose-t-elle ! .. »  « Je n’sais pas, j’n’ai pas eu à réfléchir.. » ). Comment pouvaient-ils savoir, ces gens, qu’en laissant se déverser dans l’eau les déchets toxiques des métaux lourds amenés sur place, à 110 km au nord de Manille, y aurait un millier de victimes, y aurait des enfants avec une dystrophie céphalique digne des meilleurs fils d’horreur, même Elephant Man aurait peur. Je pense à ces mères qui enfantent d’êtres défigurés, à l’âme déjà fissurée des erreurs d’outre-atlantique. C’est pas marrant, et je suis bien d’accord avec vous, c’est même dramatique, malheureusement c’est vrai. Pouvaient pas savoir… Du plomb, du mercure, « ah bon ? Vous êtes sûrs ? », Non non, pensez-vous, ils ont du avaler un ballon d’hélium, pour jouer à la montgolfière, c’était dimanche, ils n’avaient rien d’autre à faire…

Si vous vouliez vous acheter la compilation des chants de Noël de Roch Voisine, ne le faites pas ! Promenez-vous toute une journée dans le marché, et en rentrant chez vous, vous vous demanderez ce que vous étiez partis faire. Ah, attention, une annonce micro… « et n’oubliez pas, dans 10 mn au chalet de l’information, une distribution gratuite de vin chaud ! » Gratuit, vous avez dit gratuit !! Poussez-vous !! Je ne vous dis pas pour la tartiflette, la galette, les viennoiseries, et le jus de pommes fraîchement pressées, la ruée vers l’or !! La poussette devient une arme redoutable, écrasant un pied par-ci, la patte du labrador par-là, tous les moyens sont bons pour arriver premier. D’en haut on aurait pu penser à une meute de spermatozoïdes fonçant droit sur un ovule. Oui, enfin voilà quoi…

L’on vient prévenir à 18h55 que les chalets peuvent fermer à 18h45 s’ils le souhaitent, c’est gentil merci… C’est à se demander si chaque être humain n’est pas réglé sur un fuseau horaire, ce qui fait souvent croire au patron qu’un employé arrive en retard, alors que non, il n’est pas en retard, il est juste en décalage horaire, persuadé d’arriver à l’heure… à son heure.

Et le Père Noël, le fameux, l’unique, l’exceptionnel.. qui avec sa patience infinie (de 14h à 17h c’est jouable ) reçoit les enfants dans son chalet tous les jours, (à condition d’avoir été chercher son ticket au chalet de l’information et de faire la queue bien sagement, récitant la longue liste de jouets qu’il aimerait trouver près du sapin (pendant que les parents calculent déjà ce qu’il ne leur restera pas à la fin du mois) le matin du 25 décembre (en réalité déballés la veille au soir en raison d’une bande d’enfants survoltés et incapable de fermer l’œil, et de parents exténués de tant de préparatifs, de tant de précautions pour ne pas trahir le secret)

Aaaah, plus de patinoire discothèque (si si, j’vous jure),  plus de canon à neige, oui ça va avec. Plus de fanfares ni d’annonces d’avis de tempête à 14h15 alors que tout le monde vient d’ouvrir son chalet. Juste le ronronnement des ordinateurs, l’odeur du café qui vient de passer. une douce chaleur qui ramollit quelque peu l’esprit..

On est revenus le 26 décembre, bah oui, c’est tellement amusant, on n’avait pas l’intention de s’octroyer un dimanche après-midi quand même. C’est pas que j’avais la gueule de bois, ni que je me sois ramassée une bûche, non, loin de là. Je m’étais simplement dit, oh c’est dimanche c’est cool, ouais, bien sûr, je me suis souvenue, oui c’est bien dimanche, mais non, tu ne passeras pas ta journée à te traîner de ton lit à la table, et de la table au canapé. C’est pas pour aujourd’hui, encore loupé. Ça fait trois dimanche que je perds.Et puis vendre des guirlandes électriques originales avant Noël, c’était déjà un exploit, mais les vendre, après Noël, ça tenait carrément du miracle, ou du non-sens absolu !

Mais surtout, le 26 décembre, la catastrophe, le cataclysme, qui a ravagé des millions de foyers, anéanti des centaines de milliers de vies…. Silence stellaire, douleur planétaire, l’impact est légendaire, et dérangent les festivités…

Allez donc réconforter les populations aigries par le gris d’un drapeau qui s’affole dans les tempêtes balayant certaines régions. Les toits des mieux lotis s’envolent, les sans-abris délogent des trottoirs, trop exposés au regard des nantis ; anéantis d’indifférence ils tirent leur révérence à la vie qui les a rongés, le réverbère n’a plus rien d’autre à éclairer que les pas de porte et le seuil de pauvreté. Même avec un salaire régulier, un foyer à loyer modéré, la précarité s’installe sur le canapé, votre premier canapé, à vous, livré par un vieil homme au costume rouge élimé (vous avez d’la chance, la livraison est offerte pour tout achat d’un montant supérieur à 200€, avec la possibilité de régler en 4 fois sans frais ou sang chaud, ça dépend de votre rhésus ; pas besoin de s’appeler Crésus, pour meubler son intérieur).

Les grandes surfaces lui facilitent la tâche, et mettent en rayon huit semaines à l’avance tout ce qu’il faut pour passer un joyeux réveillon. Les gens hâtifs d’oublier les factures se réfugient dans les préparatifs, mais que préparent-ils, au final ? La revanche, la belle ? Il faudrait pour ça qu’il y ait déjà égalité, un partout l’avenir au centre. L’année à venir ne sera pas pire, pas forcément meilleure, c’est juste reparti pour un tour, tour du monde en 365 jours, Philéas Fog peut se rhabiller et remballer ses affaires, passer un coup d’balai et retourner dans les airs, plus besoin de montgolfière, la planète se fait aussi petite que l’écran 36 cm et nous dévoile sans pudeur les horreurs qu’on lui inflige…

Ça donne envie tout ça hein, ça met l’eau à la bouche. Bon, vous m’excuserez, j’vais me prendre une douche, dans une demi-heure je vais bosser…

Signaler ce texte