Etrange rêverie

rocheponthus

1. Etrange rêverie

Qu’est ce que la souffrance comparée au néant ? Marre de tout ce charabia humaniste ? Justification unique de la médiocrité. Peur d’exister plus que de mourir ?  Tête haute de plaisir, de péchés capiteux, de luxure cadente. Rendez vos biens et tirez le ticket gagnant ; le hasard pour seul déterminisme, maître ou esclave ; les seules vies dignes d’intérêt, à l’extrême.

Intrigant, s’il ne s’était agi que de l’attendre dans ce café minable du sous-jacent, jamais, je n’aurais ouvert cette feuille de chou, drôle d’annonce, drôle de journée, fringante journée vécue au rythme de cette pluie acide,  dévoreuse  d’espoir, angoissante rêverie d’une femme meilleure, je me plais à oublier, à céder, à me rendre…à vivre.

 J'entre et tu t'arrêtes de travailler. Tes yeux roulent sur la proie, espoir qui dilate ton tissu cérébral, adoucit ton poivre et te ramène à la cuillère à café que tu tournes en mirant les passants, en minaudant sur la réalité. Tu ne sauveras pas la planète ce soir. La pluie a rongé ton cerveau et maintenant tu te désembues devant un corps. A moi. Comment la jouer ? Attaquer, défendre. Tu laisses la main et je sursaute de plaisir. Rendre tes biens c'est te rendre à l'évidence que tu as tout à gagner. Position de repli dans la feuille de chou d'où tu t'extrais à nouveau : maître ou esclave; de qui, de quoi ? Je m'assieds, l'imper détrempé, à cheval sur la chaise d'où je te vois et où tu fais semblant de ne pas me regarder. Petits joueurs enrôlés de force dans la grande tombola du qui perd gagne. Je me lève... je suis nue.

Transpercé, tu lis dans mon esprit ; ton âme discute, j’ai peur, ta singularité me fragilise, quelle contenance adopter ? Le message, ne pas perdre de vue le message, quel message ? Serais-je déjà en train d’oublier la raison de ma présence, la raison de cette attente ? Je m’obscurcis, m’enfuis, me retrouve pour ne plus te nier ; ton parfum flotte, d’âcre l’atmosphère est devenue suave, je ne te vois plus  je te sens ; je palpite. Combien de temps suis-je resté dans ce coma extatique ? Faire vite, le temps  est compté ; chaque seconde voit la mort de plus près ; je perçois chaque tonalité, chaque opportunité, l’annonce pour seule échappatoire, merveille de couardise, suprême  liberté de se rêver chevalier et naître  palefrenier. Homme je suis, homme : dangereuse constatation, dangereuse situation que de ne pas savoir comment faire, que de ne pas savoir être. Tu t’es levée ; je ne savais toujours pas  marcher. Notre histoire aux oubliettes de ta mémoire, je m’enivre de ton souvenir, de nos espoirs ; je descends plus bas pour te rattraper, rien n’y fait, la route m’est désormais barrée. Je déambule, l’âme flouée de temps perdu, rongé par cette putain de pluie acide qui de nouveau m’envahit. De toi, de moi, je suis prisonnier ; de nous je suis dépossédé, rien à faire d’apprendre de la vie pour la perdre à nouveau ; ma colère gronde, me gronde de tant d’aveuglements, de tant d’essoufflements. Je ne sauverais pas la planète, peut être, avec beaucoup de peine,  cette minuscule âme qui me tient lieu d’existence. Un pas, un pas de plus,  encore un pas, et encore un pas de plus, toujours un pas à la fois, ne pas risquer de recroiser les pas ; histoire de, pas à pas, apprendre à  renouer  le fil du destin. Sur ces pas j’aimerais te voir te poser, t’ancrer dans cette quête … pour être.

Tout prendre, s’il était remonté, j’aurais pu tout lui prendre ; son corps, son esprit, ses rêves, ses angoisses, dans mon cœur je l’aurais adopté. Devais-je savoir marcher pour deux ? Ai-je raison d’avoir  peur ? Je ne sais rien, je ne sais plus, je  fuis ; je m’évade au nom du passé, si pratique passé, satellite de ma terre, élégante éclipse pour mon présent ; je m’absous au prix de mon éternité sacrifiée. A jamais je renonce à la maîtrise de mes actes, à qui perd gagne, je me désire palefrenière : Femme de je serai, femme je ne saurais être. Je m’engage en fauteuil roulant, que suis-je donc en train de faire ? Vers quels abîmes mes craintes m’emmènent elles ? Comment faire pour me réveiller sans me tuer ? J’entends sa voix, elle résonne, se fait  pressante, stressante, il est venu me sauver ; il s’arrête, pourquoi n’avance-t-il plus ? Il me regarde, des larmes coulent sur ses joues, me tance discrètement de lui tendre la main, moi je veux qu’il la prenne violemment, qu’il m’arrache de ma torpeur ; il marche, me lâche, se fâche. Libre, il me veut libre, libre d’être adoptée à mon tour ; ensemble pour plus d’âmes … pour plus de vérité.

Je suis seul, l’annonce me susurre des mots doux, m’appelle vers plus de mystère, vers le présent de mon néant. Agir, je dois agir, rendre les armes, passer à autre chose, lâcher, fuir, revenir, partir, accrocher, raccrocher, détacher, enlacer, briser, rêver, prier, vomir, dormir, pleurer, rire, remplir, baiser, tuer, sauver, égorger, éjaculer, sombrer ; fatigue, je veux oublier. Une vie, je demande juste une vie de répit. C’est l’aube, j’avance, le soleil tend ses premiers rayons, je me délecte à leurs contacts. Ma nuit est finie, bientôt Il m’illuminera complètement, je verrai clair. De mon destin, en chemin j’aurai décidé.

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