Être de celles et non de ceux

Violaine Delemer

   Je suis de celles qui absorbent les mots, qui dansent avec eux dans les silences des pages, mais qui se tiennent en retrait de la plume. Celles qui laissent éclater leur voix en cris, mais sans mélodie chantante. Celles qui esquissent des pas, mais sans la scène d'une performance éblouissante. Celles qui scrutent et dissèquent les couleurs du monde, mais sans jamais poser le pinceau sur la toile. Celles qui désirent la délicatesse du roc, mais sans la puissance de le sculpter. Celles qui admirent les créations, mais sans se voir créatrices.

Je suis de celles qui griffonnent des mots sans cohérence, sans trop espérer être lues.

Toutes ces facettes que je ne suis pas appartiennent à d'autres, et celle que je suis résonne certainement dans le désir de ceux qui m'observent. Insatisfaite, tel est mon fardeau.

Insatisfaite de mes actions, de mon être, de mes paroles, de mes pensées. Insatisfaite d'exister parmi les autres. Je sais que je ne suis pas seule dans cette tourmente intérieure, mais si peu parviennent à saisir véritablement cette réalité.

Nos différences expliquent cette incompréhension, et pourtant, ici même, je n'apporte guère de révélation. Je m'efforce simplement de m'apprendre à mettre en mots ce malaise, à exprimer par des phrases simples, dépourvues d'objectif précis, cette douleur diffuse.

Qui parmi nous lira ces mots ? Qui parmi nous partagera ce ressenti ? Qui, parmi nous, demeurera après que ces mots se soient évaporés dans le vide des possibles, dans l'océan des existences, laissant derrière eux cette question, toujours suspendue dans l'éther du temps.

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