Être ou ne pas être Charlie ?

Nicolas Miot

Texte rédigé le 12 Janvier 2015, suite à la marche nationale du 11 janvier.

En prélude de cet article, il me parait important de définir d'entrée pour toi lecteur qu'il ne s'agit pas d'un énième « Je ne suis pas Charlie ». Au contraire, le sous-titre de cette missive sans prétention aurait pu être : Pourquoi ai-je décidé d'être un Charlie.

Mais venons-en au fait :

            Après le choc, après la tristesse, après l'union et après l'hommage, il est temps aujourd'hui de tirer une première conclusion du drame qu'a vécu, il y a maintenant une semaine, le monde. Un drame fédérateur, un deuil commun, une histoire à écrire. La France a perdu des esprits libres, des artistes indépendants, des créateurs de pensées, mais aussi et surtout des personnes qui sont mortes pour leur travail, pour leurs convictions et dans l'exercice de leurs fonctions. Un acte irréparable qui n'aurait jamais dû se produire dans une société civilisée, un acte impardonnable (sauf pour Charlie Hebdo), une attaque brutale contre l'une des valeurs phares de notre monde : la liberté d'expression.


            Outre le deuil et les rassemblements, le plus bel hommage que nous puissions rendre, nous citoyens, à nos disparus, est de ne pas nous laisser avoir, de ne pas nous endormir pour ne pas que ces morts soient vaines. Parce que chacun d'entre nous dispose d'un œil ouvert pour voir l'actualité, d'un sens critique pour se forger une opinion et de moyens libres d'exprimer nos idées, n'est-il pas temps de devenir réellement des « Charlie » ?

            Pour ma part, le combat est engagé, j'ai décidé de devenir un Charlie. Les événements de ces derniers jours m'ont fait l'effet d'un électrochoc. Moi qui étais désinvolte, prêt à quitter la France, je me sens engagé, indigné et motivé plus que jamais. Demain s'écrit dès aujourd'hui et armé de notre plume, nous pouvons faire de nos mots, de nos idées, l'encre d'un jour nouveau. Dans ce qu'il a produit de meilleur, mais aussi de pire (récupération politique, surmédiatisation religieuse, amalgames, violences diverses et j'en passe…) le mouvement « Je Suis Charlie » peut signifier plus qu'un simple rassemblement, plus qu'un hommage mais surtout plus qu'un débat entre identités religieuses ou entre couleurs politiques. Alors oui, je n'ai ni honte de le dire, ni envie de le cacher : Je Suis Charlie, et voilà pourquoi :


- Comme Charlie, j'imposerai à présent un regard critique sur ce qui m'entoure, sur l'actualité, sur les médias.

- Comme Charlie, je jouirai et abuserai de mon droit fondamental: celui de m'exprimer, d'avoir une opinion, de porter un message. Mais surtout, je défendrai la primordiale liberté d'expression.

- Comme Charlie, j'entrerai en action, je me réunirai, j'échangerai, je partagerai des idées, des projets, des conneries etc…

- Comme Charlie, je ne me laisserai pas influencer, je construirai ma propre opinion, je croiserai mes sources, je m'informerai.

Finalement, comme Charlie je serai citoyen, dans sa définition la plus primaire : Celui, celle qui, jouissant du droit de cité, prend part à la vie politique et publique de la cité. Et le premier piège dans lequel je tenterai de ne pas tomber est celui que l'on nous tend actuellement : celui de déplacer un mouvement national pour la liberté d'expression en direction de polémiques religieuses.

Je Suis Charlie et je ne suis pas un politique.

Je Suis Charlie et je ne suis pas un religieux.

Je Suis Charlie et je ne suis pas (plus) un bienpensant.

Je Suis Charlie et (hélas) je ne suis pas un dessinateur.

Je Suis Charlie, parce que je regarde, parce que je réfléchis, parce que je parle.

Et, comme un dernier hommage, un message pour demain :

LES ÉPOQUES DÉGUEULASSES SONT PROPICES AUX CHEFS-D'OEUVRE.
GEORGES WOLINSKI

Signaler ce texte