Être sorcier, c'est démodé !
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La boîte-aux-lettres avait été l'objet qui avait déclenché le plus d'agitation dernièrement au sein d'une petite maison d'un quartier modeste de Londres. Deux semaines auparavant, Ambrine avait reçu sa lettre pour Poudlard. Pour elle qui était d'origine moldue, cela avait été un véritable choc ! Sa mère avait même fait une syncope et son père un AVC. Mais ça, c'était seulement le premier souci du monde sorcier (ces derniers ne peuvent pas effacer toutes leurs traces et les moldus en subissent parfois les conséquences), car, même si la jeune fille était encore loin de s'en douter, être sorcier, c'était vraiment pas cool. Pourtant, quand elle avait lu cette lettre et compris tout son contenu (ce qui lui avait valu de longues heures de réflexion), sa première réaction avait été "Waouh, la classe !". Elle était encore loin d'imaginer ce qui l'attendait...
Ambrine passa ses derniers jours au milieu des Moldus à sortir avec ses amis pour voir des films ou lécher les vitrines, réviser ses cours de mathématiques (matière qui la passionnait) ou encore traîner devant la télé avec un gros pot de crème glacée. Si on lui avait dit que dans quelques jours la télé serait un échiquier et le pot de glace un grand verre de jus de citrouille, elle serait sans doute restée chez elle. Mais personne ne lui avait dit. Rendez-vous compte ! Arriva alors le jour où Ambrine dut aller faire ses courses pour la rentrée. Son père revint de chez le boulanger (oui on va dire qu'il est sorti de l'hôpital) avec une belle baguette bien cuite et sa fille (la mère a pas survécu on va dire) dut s'y reprendre à plusieurs fois pour lui faire comprendre que c'était une baguette magique qu'il lui fallait.
Sur le Chemin de Traverse, la première boutique visitée fut donc Ollivander's. Quand celui-ci proposa à la jeune femme d'essayer une baguette en bois d'érable remplie de ventricule de dragon, cette dernière ne put s'empêcher de prendre les sorciers pour des destructeurs de la pire espèce. On disait que les Moldus polluaient la planète, mais eux ne se gênaient pas pour massacrer des dragons ! Première déception, vite effacée par la joie d'essayer sa baguette (joie qui n'allait pas durer). Aussitôt la baguette achetée (avec une monnaie qui comportait trois sous différents, quelle absurdité !), les deux compagnons de galère filèrent acheter un répugnant crapaud en guise d'animal de compagnie. Seuls eux étaient autorisés, avec les chats (qui mettent des poils partout) et les rats (qui se feraient manger par les chats). Chez les Moldus, une multitude d'autres animaux existaient ! Ambrine accepta donc le crapaud, ce serait "mieux que rien", se dit-elle. Sauf que celui-ci ne parlait pas. Où était donc la magie alors ? Deuxième déception. La troisième boutique fut celle des livres, suivie du magasin de chaudrons puis d'une sorte de magasinier pour... le reste. Le chaudron pesait lourd, et n'avait pas l'utilité d'une cocotte minute, fit remarquer le père (qui était un grand cuisinier). Une fois les courses terminées, ils rentrèrent chez eux, et après l'enterrement de la mère, il fut temps de se rendre à la gare.
Là-bas, ils durent s'y reprendre à plusieurs fois pour passer le fameux mur du quai sans faire souffrir davantage leurs pauvres nez. Chez les Moldus, personne n'aurait eu une telle idée pour rejoindre un quai, et pourtant, les cachettes ne manquaient pas. Une fois la bise faîte et les adieux prononcés avec des airs dignes d'un film mélodramatique, la jeune fille monta dans le train et s'installa dans une cabine vide. Très vite, une grosse dame frappa à la porte pour lui demander si elle souhaitait prendre des friandises. Comme ces dernières avaient un air plus que bizarres (périmées, sans doute), Ambrine préféra refuser, mais tenta tout de même une question ;
"Vous n'auriez pas plutôt du pain de mie ?"
Vu la tête que la grosse dame tira, cela signifiait sans doute que non. Ainsi, le pain de mie était inconnu dans cet autre monde ? Dur. L'année s'annonçait difficile ! Et pourtant, Ambrine n'était pas au bout de ses surprises.
Quand elle arriva au château, le premier événement qui l'étonna fut la répartition : pourquoi donc séparer les gens ainsi ? Les directeurs souhaitaient-ils déclencher des guerres d'emblée ? En plus, le Choixpeau schlinguait salement. Mais elle n'eut pas le choix et le garda sur la tête le temps qu'il se décide. Aussitôt après qu'il eut crié "Serdaigle !", Ambrine se dépêcha de l'ôter et se dirigea vers la table qui criait joyeusement en tentant d'enlever les résidus que le vieux fripé avait laissé dans sa chevelure dorée. Le repas commença et le système étonna encore la jeune fille : les plats se remplissaient tout seuls... Les sorciers se fichaient donc du gaspillage ? Quels ignobles gens ! Plus le temps passait et plus Ambrine sentait qu'elle n'était pas dans le bon monde. Et les jours suivants furent de pires en pires : elle n'apprenait quasiment que des choses qui lui seraient inutiles ! En plus, le choix des métiers dans le monde magique était sacrément réduit, contrairement à celui dans le monde moldu, où on pouvait rêver de devenir princesse, cosmonaute ou vétérinaire. Non décidément, ce monde était plus que décevant et cette école, ennuyeuse. Et si les sorciers se vantaient d'avoir des objets plus qu'utiles, Ambrine conservait le doute. Le rapeltout par exemple, indiquait seulement qu'on avait oublié quelque chose, mais n'aidait pas à savoir quoi. Et les balais... N'en parlons même pas, ils étaient si inconfortables qu'Ambrine trouvait toujours un prétexte pour sécher les cours. Même la pierre philosophale était d'un ridicule... ! Les Moldus, eux, avaient de redoutables médicaments, un système quasiment efficace de clonage... Tant de choses plus pratiques ! Et puis, ils étaient restés au siècle dernier : pourquoi utiliser encore des plumes qu'il faut tremper sans cesse dans de l'encre quand les stylos existent ?
C'était trop. Deux jours plus tard, Ambrine était devant "Les douze coups de midi", un ramequin de pop-corns à la main, et un large sourire sur le visage. Rentrée chez elle, dans le meilleur des mondes.