Europe : droit dans le mur (Suite 1)
Robert Drabowicz
Le 30 mai 2010, j’ai dénoncé les méfaits d’une Europe à la dérive en écrivant : « Europe, droit dans le mur ». Sans prétendre être un Nostradamus des temps modernes, j’y augurai de bien mauvaises choses à venir, inévitables conséquences d’une grave imprévision et inconscience, tant économique que politique. Question : « ou en sommes-nous aujourd’hui ? »
Difficile de nier que la dégringolade annoncée continue inexorablement sa descente aux enfers. Fort heureusement, une nouvelle donne est apparue avec l’émergence du tandem Merkel-Sarkozy. Ce qui fait dire aux esprits moqueurs, mais pas du tout dénués de bon sens et, bien moins encore, de pragmatisme, que l’Europe a désormais un nouveau nom : « Merkozy » ! Qui contesterait qu’à présent, l’Europe repose sur les décisions essentielles de ces deux-là ? Certains inconscients crient au loup en fustigeant cette dominante allemande - ce qui est tout à fait exact – et en reliant l’évènement aux sombres desseins d’un passé germanique douloureux. Une belle bande d’idiots en vérité ! Quoi que l’on prétende ou l’on dise ; l’Allemagne demeure aujourd’hui l’unique véritable puissance économique qui surnage dans une Europe à la dérive. Le moteur de l’économie étant l’argent, force est de constater que seule l’Allemagne est encore en situation financière crédible. Force est aussi de constater que c’est elle qui tient l’édifice à bout de bras. Le miracle allemand ? Oui et non… Tout cela n’est dû qu’à cet esprit germanique discipliné, volontaire, prêt à faire des sacrifices pour le « Heimat ». Et ils l’ont fait bien avant tous les autres ! Résultat ? Une Allemagne disposant d’une richesse en bien meilleur état que tous ses voisins et partenaires européens. Nicolas l’a compris : l’Allemagne est devenue la pierre angulaire d’une Europe malade d’un système économique qui avoue ses limites et annonce son agonie prochaine. Nicolas a aussi compris que c’est à Berlin, et non plus à Bruxelles, que se décide l’Europe. Enfin, il a compris que sans cette force économique allemande l’Europe n’existe plus ! Clairvoyance politique, Merkel et Sarkozy ont compris qu’il leur fallait attraper ensemble le taureau par les cornes si l’on voulait faire quelque chose pour tenter de sauver ce que j’appelle depuis longtemps : « l’inévitable ».
Pourquoi « l’inévitable » ? Tout simplement parce que tout a déjà été trop loin. Tout simplement parce qu’il n’y a pas eu suffisamment de courage politique pour « oser » prendre de bonnes décisions en demandant, notamment, à la Grèce de se retirer de l’Euro pour refaire sa santé économique sans mettre en danger celle des autres. Nous sommes entrés dans une logique de perdant. Les matchs s’enchaînent et se perdent les uns après les autres ! Et Nicolas de courir à Berlin pour demander à Angela de jouer les pompiers de service. Et Nicolas (trop belle occasion ; opportunité de récupération politique), de donner une image laissant croire qu’il – enfin, la France – est l’autre pièce maîtresse de ce tandem. Peut-être aussi de faire croire que la France contrarie et tempère l’hégémonie allemande en répliquant et en pesant sur ses désidératas ? Quel leurre… Mais, sacré nom d’un chien ! : contrer avec quoi ? Avec quelles richesses ? Avec quelle puissance financière ? Avec quel capital confiance sur la place financière internationale ? La réponse est simple : il suffit de regarder l’état de notre dette, de notre croissance, de notre taux de chômage galopant, de notre P.I.B, de nos finances publiques et j’en passe… et des meilleures. Comment pourrait-on croire que les Allemands en sont dupes, Angela la première ? Oui, sans aucun doute, la première force économique européenne, tant par sa santé que par l’impact de son volume est, sans aucune contestation possible, l’Allemagne. Ce pays est à présent un véritable catalyseur, le pilier et le ciment d’une Europe – disons-le gentiment - qui se fissure inexorablement de tous les côtés.
Imaginons un seul instant que demain le gouvernement d’Angela Merkel soit débarqué. Arrive au pouvoir, un courant politique nettement moins disposé à laisser se poursuivre le fait que l’Allemagne – donc le peuple allemand – continue à être le plus gros contributeur des égarements européens. Alors, je pose une simple question : où va-t-on chercher l’argent qui manque pour boucher les trous des autres ? La Grèce ne paiera pas ses emprunts européens. Cela, je l’ai déjà dit. Et ce qui s’est passé jusqu’à maintenant ne peut m’être opposé : il y a énorme cadeau grec ! De toute façon, il n’y a pas de choix ; la Grèce est exsangue. Sur le dos de qui ? Eh bien… sur le nôtre bien évidemment ! L’État français ne dispose pas d’une « planche à billets magique ». Ce financement perdu, si on ne le demande pas directement aux Français (taxes, impôts, etc.), leur sera indirectement ponctionné par le biais d’autres leviers économiques tels que, par exemple, la réduction des dépenses de l’État. Logique, rien de bien abscons là-dedans.
La Grèce coulera. Ce n’est qu’une question de délais. Elle nous laissera sa dette. D’ici là, combien aura-t-elle pompé dans les caisses des autres ?
L’Italie ? Pas mieux : le pire est à venir. Avec le plan d’austérité de 20 milliards décidé tout récemment par le nouveau gouvernement de Mario Monti, l’Italie annonce que malgré cela elle entrera en récession économique l’année prochaine. Une autre Grèce ? C’est à craindre fortement ! De même, l’Espagne où un marasme économique met sa population active au chômage, dans des proportions plus qu’inquiétantes. Onde de choc : une très substantielle baisse du pouvoir d’achat - pour ne pas dire un plongeon - annihilant toute velléité de relance et de reprise économique. Eh oui, toute relance économique passant nécessairement par une relance de la consommation de masse... Et le Portugal, l’Irlande ne sont guère mieux lotis… La France, quant à elle, se fait sérieusement attaquer par les nouveaux faiseurs d’indices de confiance. Nous en subissons déjà les conséquences en devant emprunter avec un taux qui est le double de celui de l’Allemagne.
L’Allemagne ! Encore et toujours elle… Décidément, tout revient vers elle. On se compare. Oui, logique, puisqu’elle est devenue « la » référence. N’en déplaise à tous ces Français germanophobes qui entendent déjà le bruit des bottes de la Wehrmacht marteler leurs têtes. Ces incorrigibles Français qui, s’ils il leur arrive d’être d’accord sur une mesure coercitive, le sont, mais à condition que cela ne se passe pas chez eux. Ces « sacrés Français » qui veulent tous aller au ciel, mais ne veulent pas mourir pour autant !
Les Allemands ne sont pas du tout dans cet esprit-là. Après Margaret Thatcher, une autre dame de fer vient de se révéler en Angela Merkel. Assurément, l’Être politique féminin le plus couillu depuis. Souhaitons que cela dure, car le jour ou il lui prendrait l’envie de nous lâcher… le sursis dont nous disposons (encore) ne tarderait pas fondre rapidement et de nous précipiter dans ce qui ne manquerait pas d’être probablement - je le crains - le plus grand séisme socio-économique de tous les temps. Et je n’ose, ici, même pas envisager les dommages collatéraux : énormes ! Angela Merkel sait maintenant deux choses : elle sait que c’est elle qui tient le manche de l’Europe, elle sait aussi qu’elle le tient par le bon bout. Même si Nicolas Sarkozy tente à chaque fois de l’attraper par l’autre côté. Futé et malin, celui-là ! Charme français ? Il semble savoir – lui aussi – prendre quelque chose par le bon bout : elle ! Gageons que son intelligence et son opiniâtreté font le reste et prions pour qu’il soit encore là après mai 2012. Imaginez-vous notre François Hollande dans les pattes d’Angela ? Euh… non, plutôt dans ses griffes. Tout cru, qu’il se fait bouffer « le petit François » ! La lionne aura vite fait d’en faire son quatre heures. Que personne n’en doute !
À 7 ou 8, l’Europe était bien. Était-ce à ça que pensaient de Gaulle et Adenauer ? Je serai prêt à le parier. À 12, je pense que l’Europe était arrivée à son point maximum de saturation et donc de rupture. Après, on a voulu « mondialiser » l’Europe. Cela n’avait plus de sens. Seulement de l’intérêt pour les « traine-misères » qui sont venus s’y coller. Ils en profitent tous très bien. Eh oui… notre industrie, nos usines, nos investissements en ont profité pour filer se « décentraliser » là-bas. Où ? Ben… en Europe, pardi ?! Mais pour faire quoi ? Pour gagner plus d’argent, cela s’entend. En attendant, tous ces outils de travail manquent à la France. Les chiffres du chômage, la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de vie en témoigne. Qu’importe, puisqu’on est en Europe et qu’on se montre tous solidaires en tentant de sauver les Grecs !
« Merci l’Europe ! », peuvent dire les Polonais, les Hongrois, les Tchèques, les Roumains et consorts… Ces gens ont si peu apporté, mais ont si bien profité. Bénie soit l’Europe ont dit un jour les Grecs. Quels idiots : ils auraient certainement été plus heureux s’ils n’y avaient jamais mis les pieds ! Le pire est que tous ces pauvres gens n’ont même pas profité de l’argent reçu. Là-bas, tout a été englouti sitôt arrivé : le trou était abyssal ! Ils n’en bénéficieront donc jamais.
Tout de même : de qui se moque-t-on quand on pense que l’État - c’est-à-dire nous - est venu au secours de certaines grandes entreprises françaises au bord du gouffre lors de la dernière grande crise en renflouant ses caisses, ce qui ne les a pas empêchés de poursuivre leurs investissements et implantations hors de France ?
Renault en est une flagrante démonstration : en Roumanie, Espagne, Portugal, Slovénie, Turquie… etc. Personne ne s’étonnera de constater que ce sont tous des pays où la main d’œuvre est nettement moins chère qu’en France…
Pour finir, je repose à nouveau la seule question qui ait un véritable intérêt à la conclusion de cet article. Elle est surtout adressée à un citoyen lambda pro-européen (encore) convaincu :
« Qu’est-ce que l’Europe, alors promise si riche de retombées économiques par nos politiques, lui a apporté depuis et de mieux dans son assiette de tous les jours ? »
Ce qui fait défaut à mon avis pour que cela ait une petite chance de marcher ? En fait, je crois qu’il manque tout simplement un vrai patron dans cette gigantesque entreprise qu’est l’Europe…
Oui, la gouvernance économique est l’un des premiers rouages de ce patronat ! Obligatoire, cette chose-là ! Mais… ces idiots n’y ont pas pensé. Gravissime erreur.
Mal construite, car mal pensée et mal ficelée ; donc "insuffisamment" construite. Sont venus s'ajouter à cela de graves erreurs telles que cet expansionnisme effréné et irrationnel.Je suis d'accord avec stef, surtout pour la perte de souveraineté. Cependant difficile à éviter quand on bâti une usine à gaz telle que celle-la. Rien de pire pour une entité économique qu'une ligne hiérarchique horizontale...
· Il y a presque 13 ans ·Robert Drabowicz
Il n'y a pas une grande différence entre le fonctionnement économique d'une entreprise et celui d'un État. Tout est d'abord une question de recettes et de dépenses. Et cela, c'est un ancien chef d'entreprise qui le dit ! Quant à l'Europe, elle n'est pas ici traitée en tant que continent, mais en tant qu'entité socio-économique. Tout à fait d'accord avec vous,Edwige, sur la différence qu'il y a entre économie et finance. Il est vrai que le sujet Europe est difficile à résumer dans un texte que j'ai tenté de faire court. Tant de choses à dire encore (j'en suis bien conscient!.)
· Il y a presque 13 ans ·Robert Drabowicz
Un texte fourni qui prête à discussions ! : A dissocier économie et finance. Les états ne sont pas des entreprises. L'Europe c'est un continent etc... Merci !
· Il y a presque 13 ans ·Edwige Devillebichot