Europe : une crise ? Quelle crise ?

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Très franchement… Qui aurait parié qu’ils seraient encore là 25 ans après ? A l’époque, passé quelques années de galère, les Suédois d’Europe raflaient le jackpot grâce à l’un des plus grands tubes de ces trois dernières décennies, The Final Countdown. La chanson imparable. A vous relancer le marché du synthétiseur en deux heures de temps.

Le quintet se couvrait d’or avant d’enfoncer, dans la foulée, le clou avec Rock the Night et la ballade Carrie.

Bien sûr, en 1986-1987, on ne se posait pas la question, d’autant que l’album suivant, Out of This World, continuerait d’imposer l’image de Joey Tempest et ses camarades.

Mais voilà… Le compte à rebours était lancé. Le hard FM prodigué, certes efficacement, par le groupe sentait déjà le faisandé. Trop pop, trop lisse. Certains riffs étaient bien tranchants, c’est vrai. Mais d’aucuns accusaient les blondins d’aiguiser leur lame trop proprement là où la sueur et les cicatrices s’imposent comme des valeurs importantes.

Trop belle gueule ? Sans doute. Dura lex, sed lex du fer à friser, mon bon ami. Bientôt, les belles permanentes de ces messieurs ne feraient même plus pâlir de jalousie les Brenda et autres Kelly des séries américaines. Même de gros consommateurs de laque comme Mötley Crüe ou Bon Jovi allaient durcir leur image.

Les temps changeaient. La concurrence devenait de plus en plus rude et la nouvelle décennie ne pardonnerait rien.

Au début des années 90, la scène hard rock subit une révolution venue d’outre-Atlantique : Metallica refaçonne les tables de lois avec le Black Album, entraînant dans son sillage, les trois autres mastodontes du Big Four du trash (Megadeth, Slayer et Anthrax). Dans le même temps, Guns’n’Roses, Pantera, Skid Row, Rage Against the Machine, Nirvana et l’ensemble de la famille grunge explosent. Même les vieux de la vieille comme Aerosmith et Kiss reviennent meilleurs que jamais (Pump et Get a Grip pour les uns, Revenge pour les autres), mettant fin à une infâme période de vaches maigres.

Sur le Vieux Continent, à l’heure où le traité de Maastricht est signé, l’union ne fait pas vraiment la force. Après l’échec de l’injustement décrié No Prayer For the Dying, Iron Maiden retrouve des couleurs avec Fear of the Dark sans, pour autant, atteindre le niveau d’antan. Black Sabbath et Deep Purple tentent de recoller quelques morceaux. Def Leppard se tire une balle dans le pied avec Adrenalize quand Scorpions commence à apprendre les rudiments de l’assistance respiratoire.

Dans cette revue des troupes bien pâlichonne, Europe ne s’en sort finalement pas si mal, même si comme pour les groupes précités, les ventes de disques sont en baisse. Les cinq musiciens décrètent une pause à l’issue d’une tournée qui les emmène jusqu’au Japon et entrent dans un silence long de douze années, ponctué, ça et là, de projets solos.

Du bois dont on fait les Les Paul

Il faut attendre 2004 pour voir la bande à Joey revenir sur le devant de la scène. Bon point pour les bonhommes, il n’est pas question de surfer sur la vague de la nostalgie. Avec l’album Start From the Dark, Europe tire à balles réelles. Secret Society, en 2006, et Last Look at Eden, trois ans plus tard, confirment le virage heavy des Suédois qui ont musclé leur répertoire à un point tel qu’il est parfois difficile de les reconnaître.

Bag of Bones sort aujourd’hui et confirme la bonne forme des presque quinquagénaires. Comme lors des trois épisodes précédents, le son reste énorme. Un constat pour le moins banal lorsqu’on connaît le pedigree du producteur Kevin Shirley (Iron Maiden, Dream Theater, Rush, Black Crowes, Slayer…).

Pour sa neuvième livraison, le groupe opère toutefois un retour à quelques fondamentaux. Joey Tempest a beau expliquer, dans l’autobiographique Not Supposed To Sing the Blues, que, vu l’endroit d’où il vient, il n’est pas censé chanter la musique des champs de coton, l’album laisse un très doux parfum de blues rock en bouche (l’excellent Demon Head et ses nappes discrètes d’orgue Hammond). Et si la chanson en question rappelle un peu le Deep Purple de 1984 et l’ambiance Perfect Strangers, la pièce d’ouverture, Riches To Rag fleure bon, elle, le Led Zep des débuts.

L’interlude Requiem (plaisir solitaire du claviériste Mic Michaeli) et l’acoustique Drink and a Smile, ballade country plutôt intéressante, mis à part, le sac d’os apparaît bien fourni en riffs : Firebox, Doghouse, Mercy You Mercy Me sont autant de brûlots dont peu de gens auraient cru Europe capable il y a encore quelque temps.

Dix. Et si quelques vieux travers semblaient inévitables (la mièvrerie assumée de Bring It All Home et un My Woman, My Friend sans grande personnalité), on note que les Suédois sont encore de ce bois dont on fait les Les Paul.

Neuf, huit. Leur petit dernier est truffé de bonnes idées. Sept. Et si Not Supposed To Sing the Blues s’impose comme un single accrocheur, le raz-de-marée de 1986 n’est toutefois pas à l'ordre du jour. Six, cinq. Mais peu importe l’absence de tube… Quatre. A ce stade de leur carrière, Tempest, Norum et les autres ont largement laissé derrière eux cette quête du graal. Trois. D’autant qu’ils semblent aujourd’hui meilleurs musiciens qu’ils ne l’ont jamais été.

Aussi, avec Europe, le luxe est tout autre. Deux. C’est, par exemple, pouvoir écouter Bag of Bones en oubliant que ses géniteurs sont responsables de ce gimmick de synthé connu jusque sur Saturne et au-delà. Un. C'est aussi oublier les permanentes et le look d’antan. Même si c’est parfois difficile. Zéro

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