Excusez du peu.

Christophe Hulé

Je ne ressens aucune gratitude dans ces propos qu'on m'agresse, pardon adresse.

J'ai fait tout comme il faut, une enfance sans histoires, beaucoup de questions sans réponses.

Tout petit, j'ai marché sur les rochers au pied des falaises.

J'ai péché la crevette ou le bouquet avec la bichette, le couteau avec le sel, la coque avec le trident.

Je n'ai connu que le Plat Gousset à Granville, excusez du peu, avec quelques centimes en poche pour le cornet de glace.

Et la piscine pleine à marée basse, et ce plongeoir à marée haute que seuls mes grands frères osaient affronter.

On avait ces Noëls merveilleux, qu'on préparait des mois à l'avance, et auxquels on pensait toute l'année.

Et le Carnaval qui durait trois jours, chaque année, on trouvait un thème pour se déguiser.

Et tous les entre-deux, kermesses ou autres, fête des Rois, chandeleur, Pâques, et tous ces rites qui nous faisaient patienter à table des heures entières, communions, baptêmes, mariages …

Aujourd'hui je ne sais plus dans quel monde je vis, on ne parle que de gros sous, de la guerre, des « spoliés » d'Arlette. 

Où sont les « neiges d'antan » dont parlait le grand Georges.

D'ailleurs il n'y a plus de neige, ou si peu.

Les considérations consuméristes à la con, la realpolitik.

C'est chiant de devenir adulte !

Je ne reconnais plus mes frères et sœurs, ni même mes parents.

Je sais bien qu'il faut que le temps passe, mais en arriver là, quelle misère !

Qui doit-on blâmer ?

Est-ce là le progrès ?

A l'époque on était couillons sans doute, mais au moins on était heureux.

On ne peut rattraper les valeurs d'antan, c'est le sens de l'histoire.

Mais enfin quand je vois où nous en sommes, j'ai quand même le droit de m'interroger.

On associe souvent le passé aux contraintes et à l'embrigadement.

Moi je crois tout le contraire, mais c'est mon opinion.

En tout cas je suis heureux d'avoir vécu cette préhistoire d'avant le grand déclin.

Peu me suivront sans doute, je n'ai aucune illusion à ce sujet.

Moi je me souviens de mes amours de plage, pas de sexe étant trop jeunes, le paradis perdu quoi !

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