Exercice

uris

Le 20h03 du 27/09/22

Je regarde Chris Offutt, assis sur sa chaise, le cul lacéré par le faux confort de sièges mal rembourrés. Mon cul, aussi, peine. Mais puisque le mieux est ailleurs, j'accorde une légère avance à Monsieur OFFUTT s'agissant du confort en ce qu'il tient dans sa main gauche un généreux verre de vin. Ma gourde, au sol, n'est remplie que d'eau. Amateur que je suis. Quand est-ce que les buvettes intégreront les rencontres littéraires ? Voilà une idée pour ma librairie future : l'alcool à profusion. Ne faites pas lire ça à mon banquier. Ne sachant boire, les banquiers sont persuadés qu'alcool et business ne font pas bon ménage. Le football m'aura au moins appris ça. Personne ne s'ennuie avec une bière à la main. Un jour viendra, ma librairie ouvrira, et avec elle des évènements desquels personnes ne voudra plus partir. Comme un repas entre frères sans entrées ni desserts, avec comme nul autre consistance que son apéritif.

Le 20h03 du 28/09/22

Annuler est devenu un réflexe chez moi. Entre le moment où j'ai envie et le moment où il faut se mettre en mouvement, il passe toujours un long nuage après lequel je préfère rester avec moi-même. Je m'intéresse à tout, à condition qu'on me laisse ne m'intéresser à rien.

Le 20h03 du 30/09/22

Il m'est venue une idée précise de récit. L'idée est encore dans la pièce. La fenêtre ouverte cherche à l'attirer. Je cours et la retiens. Sorti du lit, je m'assieds et allume mon ordinateur. Je sors aussi mon cahier et un stylo bleu. Incapable à présent de retrouver le fil de cette idée truculente, je tente par tous les moyens de retrouver la trace de mon rêve. Mon idée de récit m'est venue grâce au Grand vertige, de Pierre Ducrozet, c'est tout ce que je sais.

Le 20h03 du 01/10/22

300g de farine
3 œufs
3 cuillères à soupe de sucre
3 cuillères à soupe d'huile d'olive
50g de beurre
Si vous n'avez ni verre doseur ni balance, 300g de farine, à l'œil nu, c'est la quantité de farine qui permet de faire un puit sans toucher le fond du saladier avec les doigts. Et si vous n'avez pas de beurre, n'en mettez pas. C'est comme ça qu'on aime cuisiner à la maison, et c'est comme ça qu'on aime nos crêpes : avec plus d'envie dans les yeux qu'on en a eu au moment de faire les courses.

Le 20h03 du 03/10/22

C'est beau la Russie. Ça me brise le cœur de la voir maltraiter aux informations. C'est un pays où réside la lenteur que j'aime tant, celle qui soigne notre besoin de résultat, de satisfaction. Ne voyez pas dans ces termes une prémisse de la fable C'était mieux avant. C'est mieux maintenant, mais c'est mieux avec la Russie. Je crois que l'on a tous besoin d'un peu de Russie dans nos vies. Et puis cette immensité d'espace propose une telle richesse de lieu pour isoler les cons, ce serait fou de ne pas en profiter. Je ne parle pas des idiots, j'estime en faire partie et je nous crois vraiment inoffensifs. Je parle plutôt des connards, des connasses. Il y a un problème de lexique. On a accordé trop peu d'importance à la manière de nommer les connards.

Le 20h03 du 04/10/22

Cornerstone, Benjamin Clémentine.

Le 20h03 du 05/10/22

Écrire à la bibliothèque, c'est un peu comme manger un kebab dans la plonge d'un restaurant Bocuse. On est entouré de classiques, ces « livres qui n'ont jamais fini de dire ce qu'ils ont à dire ». Il y a aussi ceux que personne ne consulte – ceux-là me console - me remettant à l'esprit le conseil de Dany Laferrière : « Si tu as l'impression que tout a déjà été écrit, souviens-toi que tout n'a pas été lu ». Alors, qu'il s'agisse de marquer l'Histoire ou simplement de remplir une étagère, je me dis que le jeu en vaut la chandelle.

Le 20h03 du 06/10/22

Écrire au théâtre, c'est impossible. D'abord parce qu'il fait noir. C'est une raison majeure. Ensuite, les téléphones n'y sont pas tolérés. Comme si la vie devait s'arrêter par respect pour cet art si noble. Le théâtre vient du peuple. Il a été fait pour le peuple, et le peuple est bruyant. Me vient à l'esprit ces sports populaires où il est interdit aux spectateurs d'expulser le moindre soupir. Incapable d'interdire au gueux les loisirs qu'elle leur a volé, elle parvient tout de même à lui en interdire toute jouissance. Voilà selon moins la victoire la plus humiliante de la bourgeoisie.

Le 20h03 du 07/10/22

Écrire en terrasse est ridicule. Comment ne pas passer pour un vieux poète maudit qui tente de vains sonnets plus bancals que les tables sur lesquelles il écrit ?

Le 20h03 du 08/10/22

« C'est du cachemire ! » me dit la fille engrossée derrière son stand. N'y voir aucune grossophobie, elle est simplement enceinte. Enfin j'imagine. Aussi, je n'affirme pas qu'elle ait été engrossée derrière son stand. En soi je n'ai aucune preuve me permettant de réfuter cette hypothèse, simplement le labeur me paraît dater de quelques confinements maintenant, les brocantes ne devaient donc pas être autorisées. Peut-être est-elle infirmière de profession et tenait-elle un stand de dépistage pendant la troisième vague. Vous admettrez que cela fait beaucoup de supposition. Je crois que nous pouvons affirmer que son plaisir ne lui est pas venu sur un stand. Je n'ai moi-même pris aucun plaisir sur le sien, je déteste le cachemire.

Le 20h03 du 09/10/22

« Quand je mourais d'ennui de n'être que moi… »

Le 20h03 du 13/10/22

Le public des rencontres…Où sont les jeunes adultes ? En terrasse, probablement, même sous la pluie. Même Sarah, qui d'ordinaire est volontaire à ce genre d'ennui, ne m'a pas demandé si elle pouvait m'accompagner à cette rencontre. Je me retrouve avec les mamans de gauche du 6ème, et les grands-mères seules de toute la région. Heureusement, ce soir, les chaises sont confortables, et il y a du vin.

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