Expliquer la folie
Jean Claude Blanc
Expliquer la folie
Suffit d’un fait divers, pour qu’on passe les plats
Sociologues, psychologues, animent les débats
Décortiquent de loin, les tics du renégat
Comment est-ce possible, le connaissent pas le gars
Sûrement, peut-être, sans doute, vaseuses explications
Nous repassent tout en boucle, les médias en faction
Aux heures de grande audience, nous livrent le moindre indice
Deux jours de boulot, pour scientifique police
Tout est chronométré, entrecoupé de pub
Flambeurs présentateurs, occupent le crachoir
La télé nous encense, pas catholique, le tube…
Ce qu’il faut s’en voir, pour faire durer l’histoire
La ménagère, curieuse, figée devant son poste
Tellement terrifiée, en oublie sa popote
A chaque seconde qui passe, nouveau rebondissement
Il ne faut pas louper, l’épisode précédent
Pendant ce temps le type, inconnu, court toujours
L’Etat a engagé, sa troupe de chasse à courre
Il faut le dénoncer, par presse, interposée
Pas l’attraper trop vite, fait vendre du papier
Qui c’est ce mec, enfin, qui nous mène par le nez
Est déjà profilé, l’air Méditerranée
On nous cache son nom, pourquoi, on sait que trop
Ferait pas bon effet, au pays des fachos
Est tenu en haleine, le spectateur frustré
Machinalement dès l’aube, allume la télé
Pour mettre de l’ambiance, dans son 3 pièces, cloitré
Se mitonne à l’écart, de réacs pensées
Mais nous faut revenir, à l’objet du délit
Un blessé de la vie, existence purgatoire
Fusil à pompe en mains, rebelle, maniaque, d’un soir
Foutre la trouille au pays, l’apprenti est ravi
Amateur djihadiste, pauvre jobard sans gloire
N’a plus que pour amie, sa fidèle pétoire
Prêt à donner sa peau, narcissique mytho
On marche dans sa combine, lui tendant le micro
On va en faire des pages, rajouter des galères
Comme ça suffisait pas d’affronter neige et congères
On tricote entre nous, l’étoffe du héros
En cette morte saison, on n’en fait jamais trop
Le fêlé pour l’asile, traduit tueur à gages
Rappelle « la France a peur », du regretté Gicquel
La haine, on nous propose, à grand renfort d’images
On est en overdose, y’en a marre des conseils
Sans nous en rendre compte, on fait publicité
D’un pauvre demeuré, ambitieux, sans succès
A pousser le bouchon, on va l’encourager
A dépasser les bornes, enfin se trucider
Expliquer la folie, impossible défi
On voudrait désigner, les manies de l’esprit
L’horreur n’a pas d’odeur, on ne peut la prévoir
Sur les cerveaux tordus, on n’a pas de pouvoir
La société moderne, génère des robots
Ça marche sur des roulettes, auto, boulot, dodo
Loups garous solitaires, restent sur le carreau
Ne faut pas s’étonner, qu’ils veuillent péter plus haut
Sur le champ de bataille, survivent les samouraïs
Des vengeurs masqués, qui vident leurs entrailles
Jusqu’à leur dernier souffle, seront toujours des nazes
Pour marquer leur passage, travestis kamikazes
« Chronique d’haine ordinaire », merci cher Pierre Desproges
Quand on s’aime plus soi-même, alors on s’arroge
Le rôle du mercenaire, sans toucher dividendes
Que son corps à donner, tu parles d’une offrande…
Consommateur télé, comme tous mes congénères
Je me laisse bluffer, par surfaits commentaires
Compassion, voyeurisme, trop souvent vont de pair
Arbitres de nos malheurs, on sanctionne l’arbitraire
Expliquer les fêlures, d’une société malade
Revient à mettre du sel, dans la mer saturée
Plus t’es dans la panade, plus t’en fais des salades
Passablement masos, on exhibe nos plaies
Retour à notre gus, perturbé et paumé
Lui trouve pas d’excuses, mais me fait cogiter
Il n’est que le reflet, d’un système corrompu
On ne veut pas entendre, la vérité qui tue
On vit dans l’abstraction, pour fuir réalité
On rêve, on s’illusionne, d’un univers parfait
Ainsi se manifestent, ceux qu’on croit si mignons
En ont fait leurs choux gras, TV, informations
Pendant qu’on parle de ça, on pense pas au pognon
JC Blanc novembre 2013 (clin d’œil à Desproges, avait tout prédit, le bougre…)