EXTASE FLOTTANT, LA SIESTE

Nadia Esteba

LA SIESTE

Extase flottant, d’une sieste qui n’a rien d’imposé où dans un délire poétique et déroutant rien ne se tient et où tout semble logique les images et messages se succèdent à la vitesse grand V. Pas du tout comme celles de mon enfance où celle des colonies de vacances qui ramenaient certains à la nostalgie et faisait pleurer doucement des enfants. Je parle des grandes vacances où le silence d’après-midi n’a plus rien de vivant. Il fallait nombre de négociations pour consentir à aller s’allonger comme une condamnation à mort. Je cherchais des prétextes, la soif, la peur. Je voulais ma poupée Rosette. Quelle poupée? Il y a longtemps que tu l’as oubliée au pied du mur du cimetière; il fallait y faire attention! En effet dans l’extase d’une contemplation du PASTOUREl, sa maison aux tuiles rouges le palmier, là bas tout au fond et ces vignes à perte de vue, avant la route, avant l’étang, avant la mer, je l’avais oubliée. Je n’aimais pas cet abrutissement où tout me semblait dénué de sens dans le ralentissement des pensées. Je savais que la poupée confisquée était revenue à la maison, car elle était mon alter ego, ma confidente et jamais nous ne séparions. A partir du nombril jusqu’au cerveau il me semblait ressentir un malaise dont le centre était sans aucun doute cet endroit je ne sais pas pourquoi «la bédille» me donnait cette sensation physique de sombrer dans l’abêtissement.

Rien à faire, rien à dire, seul avec soi même avec les mouches qui elles aussi participaient à la scène, dans la torpeur; je leur donnais un nom mais elles se ressemblaient toutes, collantes «tissouses» surtout celles qui avaient réussi à entrer dans la chambre.

Les autres «Aphrodise» las «arnhos de passa temps» s’agglutinaient en une masse noire sur le portail. Il y en avait autant que de moutons de FAJOLLE. Mon père alors, trouvait l’idée habile de me faire écouter le tic tac de la montre à gousset du grand-père: écoute mon cœur …Mon Cœur, écoute le cœur de papa et il remontait la montre oignon qui n’était pas à l’heure. Le doux battement régulier apaisait mon souffle qui s’accordait avec le sien ; tic tac, le clic- clic, présent à mon oreille, le métal poli contre la joue jouaient un rôle de substitution et la magie opérait . « Hou! noun de noun , soun afrousos, disià la mameta» Plus rien. C’était un vide, vertigineux d’où je me relevais titubante sans souvenir la tête confuse. Mais la sieste est aussi propice aux songes dans la torpeur accablante de l’été où l’on est obligé de rendre les armes.

En cette saison, maintenant, je cherche ce rituel même la nuit pour me réveiller et reprendre le rêve; c’est un plaisir du sommeil où il me semble que Dieu existe, les mondes parallèles où des contes de fées s’élaborent où on me souffle des réponses et même des poésies.

J’y vois des tableaux merveilleux aux couleurs extraordinaires, intenses, organisées en taches mathématiquement élaborées; des chefs d’œuvre qu’il faudrait noter pour les reproduire, mais les champs de fleurs sont fugaces les aquarelles s’effacent; reste la fulgurance de beautés merveilleuses entrevues.

En phrases lapidaires, le vent, criait l’imposture, dans tous les tons de bleu et même en transparence. Ses poèmes brisants, se fracassaient contre la vitre de l’indifférence. Alors il tempêtait, pur, surtout pour qu’on l’entende, le souffle lumineux, des mots comme des yeux, au regard impossible,immense et décalé,du Monde qui avance. La poésie a-t-elle un avenir? Hommes sans épaisseur, dans les odeurs d’essence et le bruit des voitures.

Mais laissons les souvenirs personnels, pour en extraire le meilleur et pourquoi ne pas parler de ce que tous partageons en commun, le passé et l’avenir pour ceux venus après nous , ce qui est mythique pour nous comme le ROUET, les Tamaris protecteurs d’amours sous leurs chevelures et leurs odeurs sera pour eux le MOULIN de contes de fées, ravissant avec son toit brillant en paillettes ,là où ils allaient enfants donner du pain vieux aux canards l’esprit aussi léger que le vent, ou cette grande avenue que jadis nous arpentions en allées et venues à la nuit tombée ,de la Place à la «Fabrique» aujourd’hui bordée de palmiers.

Dans ces rêves courts, est ma lucidité. Une certaine tristesse, un regret, le même goût véritable d'avoir vécu intensément avant et de ne plus ressentir en y mettant du cœur. Dans une paix de village sans surprise où pour seules montagnes nous avons des serres aux crêtes émoussées; où les heures scandent de façon rassurante la journée et les lendemains de travaux définis par avance. Pas de méchanceté ordinaire du moins, on en en semble protégé. Les anciens, ne manquaient pas de lettres ni d’humour, aux veillées les contes ou histoires fusaient, de l’oxymore absurde au calembour que l’un devait déjà avoir lu dans une gazette: escota «une nuit où je dormais éveillé, assis sur un banc de pierre en bois, un jeune vieillard qui lisait un journal plié en quatre, dans le tonnerre en silence, me dit cette nuit sera le plus beau jour du monde». Chacun y allait d’un couplet supplémentaire en inventant des histoires à dormir debout c’est le cas de le dire; tout le monde s’y mettait; de la JAOUFFI à l’HERMINIE en passant par le buraliste qui n’était pas le dernier à se prendre au jeu. Tout cela est bien loin presque effacé. De temps en temps, une étreinte, mais pas d’effusions, une tendresse réelle en «potonets cantarèls», un baiser sur la joue ou le front Ils me semblaient philosophes, leur plus grande joie étant de faire peur aux enfants ou de les faire éclater de rire toujours patients toujours disponibles. Des histoires de fantômes couraient les rues. Quelqu’un a dit: «on n’est heureux ou malheureux que par comparaison de ce que l'on a et de ce que l'on a perdu". Elles, elles avaient perdu un mari des enfants; seuls les robes noires et foulards noirs enveloppant les cheveux tirés en chignon, en attestaient eux, une épouse une mère. Jamais ils n’en faisaient mention, leur peine était intime.

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