Extrait 12, en incursion dans une journée-type d'un couple bloqué dans un van
souricettedunet
Mes chers lecteurs deux-mille-dix-septistes, après le faste et l'abondance des fêtes de fin d'année, il est temps de retourner à la dure réalité, à l'âpre vérité vraie, à l'origine de Manon des sources, à la question que tous ceux qui suivent ce blog de très loin ou d'un peu près se posent : mais qu'est-ce qu'on fout concrètement en road trip pour occuper nos journées, à deux, dans un van quand clairement, on n'a plus ni travail à accomplir, ni copains à voir, ni chatons à nourrir, ni poupons à garder ? Eh bien, on a le temps de faire ce que d'habitude, on ne peut pas... on se fait chier !Mais alors, comparer le nombre d'asperges qui rentrent dans une boîte de conserves Bonduelle ou Bondachat, à côté, c'est la vraie poilade ! En fait, c'est pas qu'on s'ennuie, bien au contraire, mais on bataille un peu sec. Qu'est-ce que vous croyiez hein, qu'on se la coulait douce sous les cocotiers australiens, dans le vent néo-zélandais, dans les forêts canadiennes ou les canyons américains ??? Ô Candides âmes ! Point de repos dans une maison sur roulettes !
Parce que, avant de finir les petons dirigés vers la mer, nos visages baignés par la douceur d'une lumière d'un soleil qui chauffe de ses derniers rayons notre cocon pour la nuit, il s'en est passé des péripéties domestiques depuis les aurores où ce même soleil est venu caresser malicieusement les carreaux de notre voiture aménagée ! La journée, imperturbable, débute toujours ainsi : les yeux s'ouvrent péniblement, nos corps reprennent lentement vie après une nuit passée à se retourner dans tous les sens pour trouver LA position, nos sens se réhabituent à notre environnement temporaire, et notre cerveau se rappelle confusément de l'endroit où nous sommes parqués. Où que l'on soit, la première pensée s'agite : "hum, j'ai l'impression qu'il faudrait que j'aille soulager le réservoir qui stocke mon urine dans un futur très proche de l'immédiat". Bien sûr, dans la réalité, la déclaration est tellement longue que mes pauvres sphincters se seraient déjà relâchés avant que je ne la termine, mais dire que notre première phrase au réveil, c'est "faut que je pisse", ça perd de son éclat.
Mais le manque de majesté matinale n'est rien à côté de la tourmente qui nous habite à chaque réveil car, si parfois l'on s'endort dans le ronronnement d'une rivière qui clapote, dans le bercement d'un bois qui crépite sous le poids d'animaux curieux, dans le ronflement d'un vent qui se frotte à notre véhicule, l'on se lève parfois sur le bas-côté d'une rue déserte la veille, mais piétinée par des joggeurs et des baladeurs de chiens le lendemain ! Et quand l'autre pimpin à vos côtés, bavant sur le coussin, somnolant encore, ignore tout de votre désarroi urètrique, c'est la panique à babord et à tribord ! Quelquefois, cédant sous l'urgence la plus urgente, mon compagnon enfile à la hâte un t-shirt et se propulse à l'avant du cockpit, pied au plancher, pour conduire le van à travers la ville à la recherche de toilettes publiques, d'un fast-food ou même d'un buisson qui ferait l'affaire tandis qu'à l'arrière sous la couette, je m'accroche à mon oreiller pour ne pas me payer la fenêtre à chaque virage un peu trop crispé...
La journée démarre donc sous des auspices plus ou moins beaux, selon que l'on ait eu la chance de trouver un endroit reculé de la surface du monde, ou de tomber sur le parking d'une grande surface... Une fois ces besoins primaires expédiés plus ou moins lestement, nous entamons notre série de tâches quotidiennes qui rythment nos heures d'errance. Là encore, selon le lieu, le programme, l'humeur, les missions sont plus ou moins accomplies avec ferveur... Le petit-déjeuner peut prendre des allures d'un réel festin au bord d'un lac avec jus de citrons pressés, thé, fruits, toasts et mots d'amour et d'eau fraîche, comme finir sur le tableau de bord à tartiner de la pâte sur du pain et boire du jus d'orange au goulot d'une énorme bouteille de 2 litres parce qu'on a plus de 7 heures de route devant nous ! Car dans un road trip, lorsqu'on ne se plante pas dans un lieu qu'on kiffe -pour parler comme les jeunes-, l'essentiel du temps en journée est passé sur la route, ce qui est, en somme, la définition même d'un road trip... Ainsi, une bonne partie de notre quota horaire est attribuée à la prise de décision de la route à suivre, en vérité rapidement essuyée car en tant qu'excellent copilote, tous les itinéraires me paraissent chouettes. Le reste du temps est imparti pour la conduite d'un point A à un point X, Y ou Z selon notre vitesse de croisière... Pour ma part, en trois longs road trips, je ne suis jamais allée plus loin que le point B, puisque, de toucher au volant, je n'ai guère trop le droit, un épineux sujet que je relaterai lors d'un prochain chat-pitre... Alors, pour éviter les conflits et garder une atmosphère Bob Marley friendly dans notre union, je m'attelle simplement au choix des musiques qui cadencent nos heures sur les routes et à la configuration élaborée des repas, ce qui, au final, n'est pas une affaire dans le sac, car pour concocter un repas affriolant avec des flageolets et des pois chiches, il faut de l'idée et de la fantaisie !
Mine de rien, avec ces mises au point et nos premiers kilomètres avalés, midi est déjà passé, mon ventre gargouille, et je salive d'avance en pensant au pot de pesto qui va agrémenter nos pâtes pour la troisième fois de la semaine. Malheureusement, je sors avec un véritable chameau qui ne commence qu'à ressentir les légers picotements d'un petite faim qui se réveille quand je suis déjà tombée dans les affres des tiraillements d'estomac... Il est 13 heures, le temps qu'il se décide à entrer dans la phase de recherche d'un endroit pour pique-niquer, il est déjà 13h30... On s'arrête enfin, mais de satanés moustiques se collent hardiment à nous. On change de bas-côté, mais on est trop près de la route, moi j'en peux tellement plus que j'ai envie de bouffer les pâtes crues à côté d'une benne à ordures, on trouve enfin un spot, j'en pleure presque de joie, l'adrénaline est juste trop puissante, il faut sortir les casseroles des boîtes, mince c'est de l'autre côté du van, l'eau met trois plombes à chauffer sur notre plaque à un feu, le gaz s'arrête, il faut le changer, il faut rallumer le feu, mais le vent est trop fort, il faut mettre des couvercles pour protéger la casserole, mais ils tombent sur le feu, et font des trous dans le plastique, les pâtes sont fin prêtes, al dente plus plus, il faut les passer à la passoire, sans toutes les faire renverser par terre, la moitié gicle sur les côtés... 14h30, ouf, on mange enfin ! 14h32, il faut faire la vaisselle ! Le jerrycan ne laisse s'échapper qu'un maigre filet d'eau, je dois me tordre pour arriver à grattouiller avec notre éponge unique les morceaux de pesto bien vert fluo qui s'agrippent à nos assiettes de plastique, je rince sous les quelques gouttes qui s'éparpillent le liquide, je fais tomber l'assiette dans la terre, tout est à recommencer, le manège reprend, mon homme à-tout-faire-sauf-la-vaisselle essuie quand même notre plastiquerie, il faut tout ranger dans nos boiboîtes, "merde j'ai oublié de remettre l'éponge" rouvrir le couvercle, refermer le couvercle, "c'est bon on a tout" et déjà reprendre la route !
L'après-midi, c'est le même topo, on roule, on chante sur Xavier Rudd, on roule, on change de CD parce qu'on connaît trop les paroles, on roule, on s'amuse à compter les voitures, on roule, on remet Xavier Rudd car on n'a que 4 CD de toute façon, on s'arrête prendre des photos, on roule, on trouve une fontaine à eau, on remplit le réservoir... Parfois, on doit s'arrêter faire des courses, on n'a plus qu'une banane qui fait la gueule dans notre bac, mais pas trop car on n'a qu'une glacière et qu'on oublie souvent d'acheter des glaçons, sauf quand on s'achète des bières, et encore... Punaise, on a encore oublié les cotons-tiges ! De temps en temps, gros palpitant dans la routine, on doit s'arrêter faire une lessive car même en utilisant les mêmes affaires à l'endroit et à l'envers, il arrive toujours ce moment inévitable où il faut les laver... Alors, on patiente comme on peut, on lit le journal du coin perdu où on s'est calés, on admire les machines faire tourner nos vêtements sans relâche, on prie pour qu'il y ait internet, chouette il y a internet, alors on envoie des messages aux proches en leur disant qu'on attend notre linge à la laverie... On nous répond que c'est pas glamour, et on acquiesce, mais a-t-on vraiment le choix ? Ensuite, on cherche désespérément notre coin pour la nuit, avant qu'il ne fasse nuit justement puis on pense aux épinards salade qu'on va se faire à manger, et on termine fatalement au SUBWAY, les épinards, c'est bien connu, c'est meilleur le midi... Doux Jésus, après plusieurs pirouettes, on tombe sur NOTRE endroit enfin ! On peut se brosser les cachous, tirer les rideaux opaques, lire un peu à la lumière de notre torche, ou se faire des battles de mots croisés, se pelotonner dans notre lit de fortune, pester contre notre envie impromptue d'uriner, maudite bière, sortir en culotte en pleine nuit en priant de ne pas marcher sur une queue de serpent ou de rat... On est crevés, il est déjà 21h... On ferme les petits pois, demain la journée risque d'être riche en péripéties : en plus, on doit prendre une douche...
Voilà à quoi se résume donc une journée type en van... Tout est malheureusement vrai de vrai, jusqu'au livre de mots croisés, merci à notre cher Bonzo. Mirobolant, n'est-il pas ? Contre la liberté gagnée à ne pas savoir de quoi demain sera fait, nous devons donc chaque minute réfléchir à toutes ces petites actions qui passent inaperçues au quotidien et qui ponctuent pourtant notre voyage. Et ce n'est qu'un échantillon ! Alors, si vous voulez en connaître plus sur les dessous d'un couple en voyage, continuez à vagabonder avec nous, la prochaine fois, je parlerai du sujet le plus délicatement croustillant de l'aventure ! L'hygiène ! Ne soyez pas déçus, je ne peux tout dévoiler sur la toile non plus :) !
Extrait de mon blog https//lasouricettedunet.com