Extrait 2 du phénotype de mon futur avorton

alexandra-basset-9

Un épais magma de fumée blanche se déploie en dragons. Ils errent dans les hauteurs du plafond. Leurs gueules ouvertes, en dents de scie, ricanent de ma personne hautement méprisable. Puis, ils disparaissent dans une odeur de nouilles chinoises en décomposition. En face, mon maneki-neko, ridicule chat-automate en porcelaine, me salue frénétiquement. J'ai eu la chance de l'adopter dans un attrape-touriste à Barcelone. Je l'ai sauvé des abus de ces malfrats japonisés. Immédiatement, ses couleurs clinquantes ont plu à mon sens esthétique de pie. Le doré, j'adore. A l'évidence, ma chambre est infestée de relents des pays de l'est. 

Au vu de l'excentricité des tergiversations qui m'habitent, j'ai vraiment besoin de sommeil. Pourtant, c'est impossible. Et merde, demain je bosse. Je vais subir toute la journée -jusqu'à mercredi, avoir l'air bizarre, trembler dès qu'on m'adressera la parole, que vont penser mes collègues ? Et le patron ? Je suis une abrutie finie, qui se retourne le cerveau avant de commencer la semaine.


Après la parade enchantée, je retrouvais toujours mes lugubres abîmes, dans un état encore plus lamentable que celui dans lequel je les avais laissés. Accablée par la nostalgie naissante de ces moments heureux et disparus, je souhaitais seulement dormir. L'intensité des sensations suscitées par la drogue m'avaient vidée de toute énergie. Pourtant, le mental continuait sa course folle, ignorant mon état d'épuisement physique et psychique. Cela me plongeait dans un profond désespoir, contrastant avec le délicieux vertige qui l'avait précédé. La recherche de l'euphorie perpétuelle était devenue le moyen le plus sûr pour retrouver mes enfers bien réels. Ces derniers s'étaient enflammés en mon absence. Des pensées vaseuses et répétitives m'empêchaient de trouver le repos. Je vivais des réminiscences de souvenirs non désirés ou des cauchemars futurs non advenus.


Voici ce qui arrive quand on se vrille la tête au THC après avoir abusé de la cocaïne.

L'esprit se dégonfle comme une baudruche. Il devient flasque. Il perd de sa prestance et rétrécit dans ses hérésies. Les obsessions se forment, les peurs deviennent réelles. Visqueuses, elles s'accrochent à vous. Et la réalité elle-même devient terrifiante. On désire la fuir, mais les préoccupations de la psyché nous y rappellent constamment : dans combien de temps sonnera le réveil ?

Je préfère ne pas savoir.


Signaler ce texte