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Extrait de : "L'homme qui jouait aux dés"
laure-morganx
Dans la partie du monde dirigée par les «classés I» s'organise un incroyable reality show : «Qui peut devenir immortel ?» Voilà maintenant des siècles que les immortels règnent sur un monde en paix,
Chapitre II
Le meilleur des mondes
AN 1043DU RÈGNE DES CLASSES I
« Nous sommes éduqués à croire, et non à
savoir. La croyance peut être manipulée.
Seul le savoir est dangereux. »
Frank Herbert –1969 (calendrier JC)
– Le Messie de Dune
LIS
Lis Caserie s'installa sur son siège, prête pour une nouvelle nuit blanche. Elle était heureuse. Après dix ans d'études et de galère, elle était reçue brillamment à l'examen de Docteur en médecine. Un coup d'œil aux écrans de contrôle et pour la première fois depuis des lustres, elle alluma son holophone, non pour étudier, mais pour se distraire et rêver.
C'était la bande annonce de la plus regardée des émissions. Une voix de speakerine rappelait que le grand jeu concours : « Qui peut devenir Immortel ? » allait bientôt commencer. Les sélections débuteraient dans quinze jours, préinscription obligatoire en ligne.
Lis zappa rapidement sur un film. Ce genre de
reality show l'agaçait.Les Classés Immortels
gouvernaient ce monde depuis plus de 1000 ans.
Devenir un Classé I impliquait de lourdes
responsabilités, une maîtrise des technologies et des sciences hors du commun et beaucoup d'argent. Complètement à l'opposé de l'organisation d'un jeu où justement n'importe qui pouvait prétendre à devenir un
CI ! Il obtenait alors un poste au sein du gouvernement d'Erald et le financement de son traitement régénérateur à vie ! Du grand n'importe quoi !
Elle avait beau habiter la mégalopole Adiquaène
depuis dix ans, elle gardait toujours en elle la culture des Akériens. Obtenir les choses par le travail et le don de soi, respecter les gens et la vie en général, garder un sens critique et moral sur les événements et sur soi-même. Elle deviendrait immortelle par son talent et non en gagnant un vulgaire jeu !
Lis décrocha vite des images qui défilaient devant elle pour se perdre dans les cuves situées en contre bas de la cabine de surveillance. Nostalgique un bref instant, elle ressentit à nouveau son incompréhension
quand elle avait découvert, à l'école, l'existence des mégalopoles et de leurs technologies. Les explications, confuses pour une petite fille, de ses parents sur la paresse, le manque de conscience d'une société trop gâtée et surtout sur l'aspect malsain qu'il y a de vénérer d'autres humains ne l'avaient pas convaincue à l'époque. Lis se rappela de ses cris, « je suis seulement née ici, et l'on m'impose d'y rester ! Je veux
avoir le choix, je veux étudier, avoir la belle vie, être immortelle moi aussi ! ».
Adolescente, devenir une Classé I était devenu
non plus une lubie mais un véritable objectif.
Cependant, Lis avait muri. Assoiffée de savoir, elle désirait, plus que tout, offrir à son peuple l'accès à des technologies qui lui permettrait de mieux lutter contre les effets, atténués par les siècles, certes, mais toujours néfastes, de la contamination des terres et lui rendrait la vie moins pénible. Accéder au pouvoir pour changer les choses et aplanir les inégalités ! Très
déterminée, la jeune femme était partie avec la
bénédiction de ses parents.Ceux-ci, bien qu'accablés de tristesse, avaient dépensé l'ensemble de leurs économies pour lui fournir des faux papiers plus vrais que nature. Sa destination : la Cité d'Adiqua, siège suprême des CI, dirigée par Erald le Bienveillant.
Lis Caserie s'était ensuite débrouillée seule. Elle
avait déniché un travail, repris ses études. Elle avait profité de cette société, émerveillée chaque jour par le confort dont elle jouissait, les technologies mises à disposition du plus grand nombre. Pourtant, l'éblouissement du départ avait fini par faire place à l'objectivité. Les Adiquaèns possédaient tout ou presque. Ils avaient même l'espoir de devenir immortel
un jour. Hormis les épidémies récurrentes et létales de prions morphogènes, combat prioritaire des Classés I jusqu'à présent tenus en échec, rien ne pouvait entacher leur bonheur. Néanmoins ils étaient, pour beaucoup, égoïstes, exigeants et paradoxalement dépourvus de curiosité d'esprit et de sens critique. De plus, les mégalopoles se trouvaient face à un problème
sanitaire majeur, les « virtuodépendances ». En effet, l'usage du tout technologique dépassait l'entendement. Ainsi l'imaginaire, où tout était permis, se matérialisait désormais en 7 Dimensions. Certains natifs perdaient leur capacité de discernement et développaient alors
une véritable addiction doublée d'un comportement à risque.
En opposition, des mouvements dissidents se
constituaient, « anti-immortels », «anti-technologies »… qui flirtaient de près avec le terrorisme. Fréquemment, on leur attribuait des origines akériennes. Lis ne s'en étonnait guère. Certains clandestins, une fois passé le stade du « rêve adiquéen », finissaient par rejeter cette société. Leur fierté akérienne les empêchait alors de rentrer chez eux. Ils devenaient ainsi de vrais hors la loi, malheureusement.
Lis soupira. Elle n'aurait pas eu de complexe à
rentrer chez elle si l'ambition de devenir une CI – pour son peuple – n'était pas si ancrée en elle.
Le scintillement de la cuve secondaire la fit
sursauter. Elle se pencha pour mieux observer. RAS.
Elle zooma sur l'écran de contrôle, toujours rien. Lis se mit à rire. Il ne s'était jamais rien passé dans cette usine de recyclage des ADN. Elle y travaillait de nuit depuis neuf ans sans qu'il ne se soit jamais produit le moindre incident. Les cuves étaient remplies de déchets riches
en bases azotées, phosphate, enzymes, eau et autres molécules, ayant servi notamment à la fabrication de bains de jouvence pour les Classés I. Ils étaient purifiés et retraités sur place pour fabriquer à nouveau des médicaments et autres pansements biochimiques aux propriétés miraculeuses pour le commun des mortels.
Véritable forteresse technologique, l'usine ne
nécessitait la présence que d'un seul gardien la nuit et d'une dizaine d'employés le jour.
Lis se rassit confortablement, ses rêveries l'avaient fait halluciner. Dans peu de temps, son travail serait beaucoup plus stimulant. Elle se spécialiserait dans l'étude des prions morphogènes et trouverait un moyen de les éradiquer. Ainsi, elle obtiendrait son ticket pour
l'immortalité, première étape du changement.
POUR LIRE LA SUITE : http://www.edilivre.com/l-homme-qui-jouait-aux-des-20bcf568e7.html#.VYf6d6zy10c
ou http://www.decitre.fr/livres/l-homme-qui-jouait-aux-des-9782332816702.html
VERSION E BOOK et PAPIER