Extrait Journal (14)
Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké
Un concentré des 40 pages que j'ai écrit lors de mes 3 mois d'hospitalisation psychiatrique en 2013. Un vrai témoignage de bipolaire/borderline. J'ai juste enlevé les passages qui parlait de mon ex ; en respect de mon partenaire actuel. Le fait que le texte soit long peut vous faire fuir ; mais soit ne partez pas et prenez tout votre temps ; soit lisez en diagonale, soit ne lisez pas ;-)
23 août 2013 – MeurT.rie.
La psychiatre d'hier m'a meurtrie. Que voulez-vous que je vous dise de plus ? T. est venu en visite. Comment construire en quelques mois seulement une relation qui n'a pas existé depuis 21 ans mais aurait du ? C'était donc des silences assourdissants.Une gêne. Un amour non verbalement transmissible. Un missile qui me tombe dessus : où sont partis mes mots ? J'aime T. mais je ne sais quoi lui dire.... à part de vivre. J'ai porté mon masque (à cause de ?) grâce à T. Seulement je n'arrive plus à m'en défaire. Personne n'aide les personnes masquées, on ne connait pas le danger de leur vraie personnalité. J'avance toujours masquée. Ou je recule. Je ne saisis plus. Je n'oxygène plus. Je ne suis qu'un surplus.
24 août 2013. Alice au pays des merveilles.
J'ai mal. C'est facile, c'est en trois lettres. Son contraire, le bien, est en quatre lettres. C'est pour cette raison qu'il pèse plus lourd sur la balance. Donc je suis au sommet de la douleur. Rien d'étonnant en sorte. Je m'ennuie et ressent un vide chronique dont je ne sais faire la critique. J'ai perdu tous mes sens, je ne sais plus faire la nuance L'alcool, la nicotine, les anxiolytiques et le sexe ne sont que des plaisirs éphémères. C'est pour cela que je cohabite avec ce vide chronique. Cohabiter, c'est n'en avoir que la moitié.
Donc je suis étonnée, c'est plutôt que le vide chronique m'habite et m'habille. Ne pas savoir s'en défaire, c'est l'enfer. Faudrait-il que j'apprenne la leçon ? Avec mes pertes de mémoire ? J'aimerai être stupide et entrer dans la folie. Plus de ruminations prisons, ne plus gamberger pour ne plus végéter. La folie ou Alice au pays des merveilles. Un rêve éveillé. J'aimerai être à Saint Nazaire. J'aimerai être à la terrasse d'un café. J'aimerai fumer une JPS. J'aimerai mettre les pieds dans l'eau. J'aimerai m'occuper de mes animaux. J'aimerai aller à une brocante. J'aimerai retrouver l'appétit et manger une crêpe beurre sucre au Croisic. J'aimerai retrouver le goût de la lecture. J'aimerai retrouver la force d'écrire.
J'aimerai écrire une histoire imaginaire qui ne parlerait pas de moi. J'ai une idée, mais je suis tellement lasse.
25 août 2013 – Il bruine.
Il bruine. Cela fait des "panser" grisées. A un moment, quand on est déprimé, peu importe le flacon tout comme peu importe le temps. Le soleil de l'été nous étouffe, il ravit les badauds et leurs rires estivaux nous crissent les oreilles. L'éclaircie tardive ne permet pas à notre mélatonine de comprendre assez vite qu'il est temps de dormir. Le soleil nous agresse la vue, il brûle les rétines. Et encore ces badauds qui fanfaronnent. Le bonheur des autres ne nous réjouit plus. Combien donneront-nous pour faire partie de toute cette petite tribu épanouie ? Même si c'était gratuit, le sommeil nous appelle...
L'hiver, il fait toujours nuit et l'on ne voit pas pourquoi nous ne sommes pas en hibernation.
Le froid nous fait violence, il prend tous ses droits. Pas une once de clareté, comment se sentir éveillé ? Tous les gens sont rabougris. Certains, victimes d'une dépression saisonnière. Quand on déprime, on aime ni voir les gens gais, ni voir les gens tristes.
Je suis dans une dépression qui n'a pas de saison. Je n'aime que le vent, parce qu'il me caresse en tout temps. Il est aérien, il est généreux, il a envie de faire échapper les idées folles de ma tête.
Ma dernière hospitalisation, j'ai passé trois heures sur un banc, dans un bois, à écouter "Comme d'habitude" de Claude François. Il bruinait. Y avait-t-il du vent ?
Je me suis sentie zen.
25 août 2013 – Il pleut.
Passé. Pas de souvenirs. Je riais sur les photos. Cheese ? J'étais blonde, c'était beau. Qu'est ce qu'on s'emmerde en hôpital. Surtout en chambre double. Comment faire mon monologue ? C'est en voiture que je me parle le plus. Mais on m'a pris mes clefs. Sauf celles de mon 17m², mais, c'est loin ?
Je commence un livre qui ne parle pas de moi. Chouette. Il s'intitulera « Léo te taire ». Ne cherchez pas, vous verrez.
Ce vide dont tu parles est intérieur. Il a une profondeur abyssale et on a l'impression de tomber "de l'intérieur" dans un trou sans fin et sans fond. Ton écriture pour restituer tout cela est magnifique !
· Il y a plus de 8 ans ·Sy Lou