Extrait livre 2

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Les Landes. Région du sud-ouest de la France tout à fait charmante, accueillante, presque envoûtante. Emma adorait ce coin de l’hexagone. Elle y avait passé des moments magiques en compagnie de sa famille ou de ses amis. A l’époque, quand elle avait une vingtaine d’années, elle aimait y séjourner quelques jours chaque été dans la maison que son oncle René lui prêtait. Elle y avait ses petites habitudes. Elle parcourait à pieds ou en vélo les chemins qui longeaient les grandes plages, pique-niquait sur le sable chaud, face à la mer, dormait quelques heures l’après-midi, bercée par le bruit répétitif des vagues, dévorait ses livres préférés, allongée à l’ombre des pins, marchait les pieds dans l’eau et la tête dans les étoiles, s’extasiant devant la dextérité des surfers et s’enivrant de la beauté du paysage. Le soir, elle retrouvait ses amis pour aller danser et s’amuser jusqu’au petit matin puis ils allaient ensemble au marché déguster des plateaux de fruits de mer fraîchement pêchés. Epicurienne de nature, Emma ne se lassait jamais de goûter les produits du terroir, les différentes saveurs proposées dans les plats locaux, les foies gras cuisinés à l’armagnac, les confits goûteux et les vins de Tursan, identifiables par leur parfum de réglisse.

Assise sur sa terrasse parisienne ensoleillée, noyée dans ses pensées lointaines, elle s’abandonnait, repensait à ces délicieux moments, avec un léger pincement au cœur. Elle n’y était jamais retournée depuis que son oncle avait vendu sa propriété, alors qu’elle avait 32 ans. Elle aurait tant voulu la lui racheter, hélas ses finances de l’époque ne le permettaient pas. C’est dans cette maison, en août 2005, qu’elle avait connu le grand amour de sa vie. L’unique amour, celui qui avait transformé son quotidien, chamboulé ses habitudes, ouvert son esprit et son cœur, celui pour lequel elle avait tant vibré et tant souffert, celui dont elle ne s’était jamais remise. Sa mémoire était intacte, ses impressions encore fortes, et le départ de ses voisins avait innocemment provoqué un raz de marée d’images colorées, de visions séduisantes et de paroles échangées. Une larme tiède et salée, coula sur sa joue poudrée, effaçant le maquillage sur son passage et laissant apparaître une petite trace plus foncée. Ses yeux éteints regardaient dans le vide, fixaient le néant, les souvenirs heureux que son cerveau lui imposait, tels des extraits d’un vieux film romantique et émouvant, faisaient battre hâtivement son cœur dans sa poitrine. Elle était d’humeur nostalgique, mélancolique, son corps était submergé par des sensations et des émotions pourtant enfouies, presque oubliées. D’une certaine façon, elle jubilait car elle ne s’était pas sentie aussi vivante depuis bien longtemps mais, comme si cette renaissance avait un prix, chacune de ses pensées ne parvenait à se dissocier d’un profond sentiment de tristesse. Sa gorge était serrée, son visage fermé, une douloureuse impression de solitude l’envahit inopinément. Du bout de son index, elle caressa sa bague en or, sertie de diamants, portée à l’annulaire gauche, puis elle s’essuya les yeux avec son mouchoir en papier. Le bonheur peut s’envoler en un rien de temps, en une seconde, quand on a la chance de pouvoir le vivre un jour, il faut le vivre sans aucune restriction ou modération, pensa-t-elle. Elle se leva et alla dans la cuisine se servir un grand verre d’eau minérale et une tasse de café. A cet instant précis, elle enviait terriblement le jeune couple. Leur jeunesse, leur beauté, leur énergie, leur amour. La vie est une étoile filante, en un battement de cil, les années défilent, en un claquement de doigts, l’inéluctable déclin se perçoit. Si une fée vagabonde, au détour de son chemin, était passée par ici pour lui proposer d’exaucer un de ses vœux, elle lui aurait sans hésitation demandé de l’expédier d’un coup de baguette magique, une cinquantaine d’années dans le passé. Elle repartit nonchalamment sur sa terrasse en grommelant qu’elle était épuisée et que malgré ses bas isolants et rafraîchissants, elle ne supportait plus ses jambes lourdes.

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