Extraits d'Edilivre

mywritings65

Chapitre 1

Et voilà ! On y est arrivé ! Le train de 22h14 pour Ostende vient de faire son entrée en gare.

J'avais tout planifié depuis plusieurs mois. J'avais suffisamment économisé pour louer un studio là-bas et j'avais étudié comme une acharnée afin d'obtenir mon diplôme de tourisme. Je m'étais même trouvé un job en tant que serveuse dans un café/restaurant à la mer.

Désormais, j'étais prête. Je n'avais sur moi qu'un sac contenant quelques vêtements et mon ordinateur portable.

Les portes du train s'ouvrent devant moi. Et je monte sans un regard en arrière. Je savais qu'il ne viendrait pas de toute façon...

Je n'ai prévenu personne que je partais. Enfin si, j'en ai parlé à ma sœur parce que je ne me vois pas vivre sans elle. Elle m'a regardée avec des yeux paniqués signifiant : « Tu vas me laisser toute seule ici ? Mais j'ai besoin de toi ! ». Je lui ai expliqué mes raisons et elle a eu l'air de comprendre. Je l'ai rassurée en lui disant que je comptais garder contact avec elle.

Et je l'ai aussi révélé à mon petit ami, Thomas. Nous étions ensemble depuis cinq mois. Il m'avait toujours soutenue et avait toujours été présent pour moi. Vous sentez le « mais » arriver, n'est-ce pas ? Eh bien, il n'y en a pas. Jusqu'à présent, Thomas a toujours été parfait.

Je savais que cinq mois, c'était tôt pour habiter ensemble dans un appartement à la mer. Je ne me voyais pas avancer si vite. Et lui non plus. Mais il était de mon devoir de lui annoncer ce projet. Je ne vais pas dire qu'on était la moitié de l'autre et faits pour vivre ensemble mais il avait le droit de savoir. Et il fallait aussi qu'il sache que je ne partais pas à cause de lui.

Sur le chemin de la gare, je lui avais envoyé un message : « C'est le jour J. Je prends le dernier train pour Ostende ». Peut-être espérais-je qu'il vienne à la gare dans le but de me retenir ou qu'il arrive avec ses propres bagages. Mais non. Tout se termine donc ainsi.

Je ne regrette pas. Et je ne regretterai rien. Je me suis installée dans un wagon. Je pouvais laisser cette partie de ma vie derrière moi.

Oh, je sais ce que vous pensez ! Je ne dois vraiment pas avoir de cœur pour partir comme ça sans prévenir. Je ferai du mal à mes proches, casserai ce que nous avions construit, peut-être que je les perdrai à tout jamais. Ils vont se demander ce qui m'a pris, ne pas me comprendre, rejeter la faute sur eux-mêmes. Ils vont se dire qu'ils auraient dû remarquer quelque chose et me faire un signe quelconque, me montrer que j'ai de l'importance à leurs yeux. J'aurais pu leur faire une note expliquant que le problème ne venait pas d'eux mais de moi.

Mais je ne fais que partir. Ce n'est pas un suicide. Je reviendrai peut-être. Seul le temps nous le dira. Et peut-être que si vous étiez à ma place, vous agiriez pareil !

Il ne faut pas croire que je n'ai pas peur. J'ai vraiment les boules, en vérité. Oui ça me fait peur de les quitter. Ça me fait peur d'aller commencer une nouvelle vie ailleurs. Mais je sens que j'en ai besoin. Alors la peur, je la laisse de côté. Et mon petit cœur de guimauve aussi. Sinon... sinon je devrais faire demi-tour.

Chapitre 2

En général, durant les trajets, j'aime beaucoup regarder le paysage. Ça me détend et je m'amuse à inventer des histoires. Tout un temps, quand je voyais des champs, je me plaisais à imaginer une fille sortant de nulle part. Elle ne savait pas qui elle était ni ce qui lui était arrivé... Je l'avais appelée Camille Madison. Je trouvais que ça sonnait bien.

Mais à 22h15, en été, il commence à faire sombre. Tout ce que je pouvais voir, c'était mon reflet dans la vitre. Alors j'ai allumé mon ordinateur et j'ai commencé à regarder un film. J'avais trois heures de trajet devant moi donc il fallait bien que je m'occupe... même si je devrais changer de train à Bruxelles dans 45 minutes.

Oui, j'allais arriver tard à Ostende. Ou tôt le matin. En cette première nuit, je dormirai sur la plage. Personne ne débarquait à 1h30 du matin dans un hôtel... J'avais prévu un essuie et une couverture pour le cas où... j'ai bien fait.

J'ai opté pour « The Boys Are Back ». C'est un film qui correspond à mon humeur du moment. Les paysages font rêver mais l'Australie, ce n'est ni tout près, ni dans mes moyens. Je me contenterai de la mer. C'est déjà pas mal !

Vers 23h, nous étions arrivés à Bruxelles-midi. J'ai arrêté mon film et je suis descendue afin de prendre ma correspondance.

Je vous avoue qu'être toute seule comme ça, le soir, ça ne me rassure pas. Et depuis les attentats, un certain sentiment d'insécurité est né au plus profond de mon être. Mais bon, je me dis que si je parais occupée, on devrait me laisser tranquille. Alors j'écris. Je pense que tenir une sorte de journal de bord durant cette nouvelle vie n'est pas une mauvaise idée. De plus, ma vie quotidienne se résumera au néerlandais, écrire me permettrait de conserver mon français.

La correspondance est arrivée, je me suis installée et j'ai continué mon film.

Le cinéma est devenu une passion depuis que j'ai réalisé que les films m'aidaient à extérioriser mes émotions. Je ne suis pas du genre à pleurer facilement, je veux rester forte dans n'importe quelle situation. Devant les gens, je me retiens. Alors quand je suis seule et que je regarde un film émouvant, je me lâche. Bon là, je suis dans le train donc c'est pas le moment de pleurer, même s'il n'y a pas beaucoup de monde. Mais ce film-là, je le connais par cœur donc ça va.

J'ai dû m'endormir après le film parce que le contrôleur m'a réveillée. On était arrivé. C'est vrai que je suis plutôt du genre à aller dormir tôt. Les seules fois que j'ai fait des nuits blanches, c'était avec mes cousins. Une fois, on a réussi à ne pas dormir de la nuit. On en était fiers ! Mais à 4h du matin, alors que nous venions de déjeuner parce que nous mourions vraiment de faim, nous nous sommes endormis...

Mais pourquoi je parle de ça moi ?! Je viens de poser mes pieds sur le quai. Je suis à Ostende. La vie wallonne de la jeune Lindsay Barom est désormais loin derrière elle. Je démarre une nouvelle vie sur le sol flamand !

Ayant déjà été quelques fois à la mer d'Ostende avec mes amis, je savais où je devais me diriger. La ville était éclairée et le vent mythique de la mer du Nord se faisait sentir. Je m'étais préparée à cette éventualité, c'est pourquoi je portais un gros gilet en laine.

J'ai rejoint la plage sans aucun problème. Elle était déserte à cette heure-ci. Ça faisait bizarre de l'avoir pour moi toute seule.

J'ai installé mon essuie sur le sable, je m'y suis assise et j'ai sorti ma couverture. Je me suis allongée en me servant de mon sac comme coussin, et j'ai profité de cette nuit en plein air pour regarder les étoiles.

Ça m'arrivait souvent de les regarder ces temps-ci. A la maison, j'allais les voir sur le toit, en pleine nuit. Suis-je passionnée d'astronomie ? Je vous avoue que quand j'étais petite, ça me fascinait beaucoup. J'avais ce rêve étrange de vouloir devenir astronaute pour emmener toute ma famille dans l'espace !

Mais aujourd'hui, les choses sont différentes. Les étoiles me donnent l'impression d'être proche de mon père. Ce dernier est décédé il y a huit mois. Un soir, les flics ont sonné à notre porte et nous ont annoncé qu'il avait perdu la vie dans un accident de voiture.

Maman et ma sœur se sont mises à pleurer. Moi... je me suis dit que je devais être forte pour elles et pour tous les autres qui seraient dans le même état.

Vous me direz que tous les décès sont difficiles à vivre. Mais je trouve que les pires, les plus durs à accepter, ce sont ceux auxquels on ne s'attend pas. Quand la personne est en fin de vie ou chope une maladie grave, on s'y prépare. Quand c'est un accident, ça vous tombe dessus comme ça, sans prévenir.

En réalité, je n'étais pas du tout proche de mon père. Il était très présent quand j'étais petite : il s'occupait de ma sœur et moi, il jouait avec nous, il nous racontait des blagues, etc. Puis on a grandi. Notre anatomie a fait que nous nous sommes rapprochées de notre maman. Et cette dernière se préoccupait beaucoup de notre parcours scolaire. Au fil des ans, sans qu'on ne s'en rende vraiment compte, papa s'est réfugié dans son monde. Les excursions familiales n'existaient plus, il devenait assez radin. Malgré tout, il était toujours prêt à nous faire rire et, même si ça ne lui venait pas à l'esprit de nous offrir des petits cadeaux pour nous faire plaisir, il s'inquiétait de notre bonheur.

Alors oui, mon père était assez absent mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on s'était habituées à vivre sans lui. Je m'étais souvent demandé comment j'allais réagir face à l'annonce de sa mort, et quand j'étais en colère contre lui, je m'imaginais ne rien ressentir. Mais la manière dont on l'imagine et la manière dont on le vit n'est jamais la même...

Ça m'a fait beaucoup de mal. J'ai regretté toutes ces fois où je l'ai critiqué quand on parlait de nos parents avec…

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