Factorisation d'émotions
Petite Plume Volcanique
Déjà longtemps que je n'ai pas frappé quelque chose sur ces touches. Je crois qu'il est grand temps de s'y remettre.
« C'est fou comme on voudrait parfois rentrer dans la tête d'une personne pour savoir ce qu'elle pense. » Voilà par quoi je voudrais commencer. C'est vrai que ça résume bien la chose ; c'est comme une factorisation : on diminue l'équation, et la toute petite phrase cache en réalité une idée énorme, compliqué et terrible. « Rentrer dans la tête de quelqu'un », lire ses pensées, ressentir ses sentiments, voir par ses yeux et toucher par ses mains. Vous connaissez la douleur qu'est de ne pas comprendre quelqu'un ? La douleur de chercher, de se retourner, de tout faire pour voir à travers cette personne, sans jamais y arriver ? Eh bien je dirais que ce n'est même plus une douleur, ce n'est plus si douloureux. C'est juste étrange et terrifiant à la fois. On s'imagine toutes sortes de choses, bien plus folles les unes que les autres. On imagine, on ne voit pas. On dit que l'on est toujours plus attiré par les choses inaccessibles, intouchables. C'est bien vrai ! Encore une factorisation, une réduction ; mais un concentré de vérité. Alors, à votre avis, comment réagit-on lorsque l'on n'arrive pas à voir à travers une personne ? Lorsqu'elle est la seule qui reste une équation sans aucune réponse ? Eh bien on s'acharne. On s'accroche, on se bat, on pleure tant c'est difficile. Elle nous attire, c'est comme une drogue, une addiction. Puis vient le moment où l'on baisse les bras. Les efforts ne servent à rien, la bataille est perdue d'avance ; l'équation restera sans réponse. Et après avoir tant donné, on finit brisés, détruits et bouffés par la rage et la haine. Bouffés de colère contre le monde qui nous entoure. Avalés jusqu'au dernier gramme de vie. Fini les espoirs et les batailles. Tout n'est plus que haine autour de nous ; tout brûle, et le brasier en devient impossible à éteindre. On finit, perdus, trop consumés. Abattus, au fond du trou, sans même plus avoir la force de pleurer. Et on comprend que, finalement, l'équation n'a pas de solution ; qu'elle ne vaut pas tout ça. Et on essaye de tourner la page, on essaye de mettre tout ça au passé. Mais on n'y arrive pas, et on n'y arrivera pas. Tout cela reste une partie de nous, que l'on essaye de dissimuler tant bien que mal, mais qui est tout de même là. Et quoi que l'on veuille ou que l'on fasse, elle continuera de nous brûler de l'intérieur ; mais on arrivera quand même à se relever, à lever haut la tête et à regarder droit devant sois. Pourtant, parfois, la douleur ressurgira, comme un poignard, et nous transpercera, de toute sa force. Elle nous abattra, en seulement quelques dixièmes de secondes. Et là, on craquera ; on s'effondrera sur le sol, on pleurera, sans jamais réussir à s'arrêter. Chaque sanglot sera suivit d'un second. Et ainsi de suite. Seulement, tout ça se jouera dans l'ombre, au milieu des ténèbres de la nuit qui camoufle la peine et les cris de rage et de douleurs de ces milliers d'inconnus. Mais peut-être est-il temps pour moi aussi de factoriser, de réduire cette équation restée sans réponse ? C'est tellement difficile. Un développement est toujours plus simple : étaler ses sentiments, toutes ces pressions et douleurs, c'est toujours plus simple que de tout barrer, de tout concentrer en une seule et unique phrase. Factoriser, c'est barrer la route à nos émotions, c'est mettre un mur pour les stopper et les faire diminuer. Factoriser, c'est la solution de l'équation. Et pourtant, factoriser, c'est concentrer sa force, la garder comme une plaie ; c'est empêcher le mur de craquer. Pourtant, il finira par céder. Et tout ressortira. Il faudra alors le reconstruire, pierre par pierre, le plus vite possible. Et factoriser, de nouveau. Alors si, moi aussi, il me faut factoriser le tout, et bâtir un monde tout entier en une phrase, je dirais « Ce qui compte, ce n'est pas la profondeur à laquelle tu tombes mais la force avec laquelle tu te relèves. ».