Fait divers

pouet

Et pourtant, tout cela avait plutôt bien commencé…Mes amis, le beau temps, la piscine, l’alcool et la bonne humeur qui va avec.

Ma vie, en même temps qu’elle prenait forme, prenait aussi un sens. L’amour, l’arrivée de mon enfant, ce petit ventre qui grossissait de jour en jour. Je m’imaginais chaque matin, en posant ma tête sur ce gros bidou, son petit corps en train de se former. Les mini-pieds, les mini-mains, ces doigts tout fins et tous mignons. J’étais déjà gaga de cet enfant. Fille ou garçon, peu m’importait, je l’aimais et l’aimerai de toute façon.

Fini les errances, toutes ces questions existentielles à la con, le mal être de mon début de vie adulte. Je suis comblé, et attends le futur avec bonheur et sérénité. Après la tempête de l’adolescence et une jeunesse un peu brouillonne, arrive le calme d’une vie de famille.

Elle m’a aidé, m’a assisté, m’a fait mûrir. J’ai compris beaucoup de choses à ces côtés, je suis devenu un homme.

Mais cet après-midi, j’oublie un peu tout ça, je ne suis plus le futur père de famille, le mari amoureux. Entouré de mes amis proches, je redeviens, l’alcool aidant, le jeune homme un peu bordélique, fêtard, parfois border-line, parfois cherche merde. Je cherchai juste à profiter, m’amuser à fond, faire des conneries avec les potes.

Et puis, c’est parti en couille, je ne sais plus vraiment pourquoi, un regard, une parole…Peu importe. Mais ce n’est pas vraiment ce que je me suis dit sur le coup. Aidé par mon caractère bien trempé, j’ai réagi violemment, impulsivement. Je me souviens en train de me faire vider de la boîte par les videurs. Et voilà, on en arrive au tournant de ma vie, peut être le dernier d’ailleurs. Un ultime virage beaucoup trop précoce. Un coup de feu en l’air, des coups de poings, des coups de pieds, le bruit jouissif de la chair qui vient se fracasser contre les os, du sang, du bruit, de l’adrénaline…

Tout se confond dans mon esprit, je ne vois plus leurs visages, ne sait plus d’où viennent les cris. Enfin, je me retrouve à terre, inconscient, inactif. Un pavé de la taille d’un écran vient de s’échouer sur mon crâne. D’accord, je me suis déjà battu, d’accord, cela peut être jouissif de donner des coups de poings, en prendre…Mais ôter la vie à un homme, briser son existence, et celle de ses proches, de sa future famille. Comment peut-on en arriver à de telles extrémités ? Comment le beau peut-il en quelques minutes être remplacé par la laideur ? Le bien par le mal, dans un même esprit ? Voilà donc ce qu’est l’être humain. Car oui, on ne parle pas ici d’une bête féroce, mais bel et bien d’un homme, apparemment sain d’esprit, comme vous, moi, et mon futur enfant, que je ne verrai peut-être jamais…

A terre, ils continuent à me rouer de coup, comme si après ma mort, il fallait encore salir mon image, me transformer en monstre, me rendre méconnaissable, défiguré.

Aujourd’hui je lutte, pour lui, pour elle, pour moi. Mon but dans la « vie », ou ce qu’il m’en reste, n’aura jamais été aussi clair. Plus de soucis à la con, plus de prise de tête, juste tenter de reconnecter mon esprit à ce cerveau, puis à ce corps, pour relancer la machine. Pour qu’ils arrêtent de pleurer tous les jours au dessus de ma carcasse. Pour que lui ne pleure pas dans quelques années. Pour que je ne reste pas qu’un fait divers macabre.

 Baudelaire disait «Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l'horreur de la vie et l'extase de la vie.»

Cela résume parfaitement la situation. L’Homme doit sans cesse rester sur ses gardes. En un instant, tout peut s’embraser, tout peut être brisé. Un enfant va naître, un père va l’aimer. Ce dernier n’est plus que joie, allégresse et amour. Puis arrive le vice, et tout ce qu’il y a de sentiments de plus pourris chez l’homme. Qui peut le mener aux pires extrémités, à la limite de la folie.

La vie est éphémère, on finit toujours par mourir.

La beauté l’est tout autant, elle finit toujours par pourrir.

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