Faits d'hiver sur mes sommets

Jean Claude Blanc

chronique d'une journée d'hiver, fier auvergnat je manque pas d'air....

                         Faits d'hiver sur mes sommets

Il gèle à pierres fendre, dehors c'est l'hiver

Petit matin frileux, j'émerge de mon pieu

La bise, cette rebelle, jamais bon caractère

Sur mes terres d'Auvergne, elle ne manque pas d'air

Ne cesse me tourmenter, tout seul en ma chaumière

 

Instinctif rituel, péquenot enraciné

J'entrouvre mes volets, pour voir le temps qu'il fait

Ne suis pas étonné, qu'encore en février

La virginale ouate, de son matelas épais

Ait pu couvrir les prés, pendant que je dormais

 

Les rafales de poudreuse, me picotent les yeux

Féérie de tourbillons, aux poussières cristallines

Le brouillard bon complice, sans doute, son intime

Se mêle aux volutes, qui montent jusqu'aux cieux

Les croyants en rajoutent, « s'élèvent jusqu'à Dieu »

 

Pour ma part distrait, m'extasie ce spectacle

Enfant, je suis resté, avide de miracles

Mon imagination, toujours est en quête

De changer neige en forme, d'étranges silhouettes

 

Monstres échevelés, qui gémissent à perpète

Linceul purgatoire, à en croire les oracles

Je viens y retrouver, l'histoire désuète

Celle de mes ancêtres, qui encore tempêtent

Fourbus, ridés, vieillis, indestructibles Etres

Ignorant que le ciel, est tombé sur leur tête

 

En cette arrière-saison, parcourue de frissons

Me reviennent en mémoire, les dictons d'autrefois

C'est bien plus poétique, d'en rire d'une autre façon

Que le « bonhomme Noël, là-haut plume ses oies »

 

Ma maison, mes pacages, en cette saison sommeillent

Propriétaire terrien, à 60 ans passés

L'hiver, va sans dire, n'est pas comme l'été

Etant de ce pays, sur mes valeurs, je veille

Que d'émerveillements, cette période sans soleil

 

Février rigoureux, faut se protéger le cou

Attendre encore des mois, que chante le coucou

Ici, sur nos sommets, paresse le printemps

Pas se découvrir d'un fil, avril encore méchant

 

Pour l'heure, pas la chaleur, seulement la chandeleur

Retour sur mon passé, toujours évocateur

Dicton de par ici, que je crois volontiers

« L'hiver se passe ou prend vigueur », sacrée journée…

Derrière ma fenêtre, prostré, halluciné

Au loin mon châtaignier, végète à faire pitié

Mais son histoire à lui, ne date pas d'hier

En a passé du temps, à panser ses misères

Totem, royal seigneur, trône sur le village

Encaisse les outrages, les éclairs, les orages

Nous épargne les humeurs, du ciel en fureur

Protecteur, généreux, même nous offre ses fleurs

 

La bise incisive, nous mord la figure

Par les moindres fissures, nous couvre d'engelures

N'y a pas âme qui vive, mais justes quelques traces

De pattes de moineaux, affamés, qu'ont la poisse

 

Vous conte, de mes vers, mes journées ordinaires

Qui ne sont après tout, que simples faits d'hiver… 

Mais traduits en patois, évoquent l'atmosphère

Sauvages mes montagnes, cependant j'en suis fier

C'est dans l'austérité, qu'on forge son caractère

 

Sévère avec moi-même, je sais de qui tenir

Souffrir le martyr, le corps s'endurcit

L'esprit s'y réconforte, en mystifiant le pire

Morale au coin du feu, on en meurt guéri

 

Février 2015, température moins 10

Restera dans les annales, comme un affreux supplice

Pour les poules mouillées qui croient battre un record

Explorateurs factices, qui ont perdu le nord

 

Paysage carte postale, d'une saison en deuil

Sur les branches des sapins, n'y a plus d'écureuils

Ici tout est blancheur, alanguie la nature

Le ciel, les champs, et l'âme, future leur aventure

 

Le temps ne compte pas, même il prend tout son temps

Mais les gens impatients, le traite de fainéant

Aujourd'hui, le slogan, c'est faire tout en courant

Les citadins pressés, ne vivent pas vraiment

 

Planté derrière mes vitres, instant de symbolisme

Mon raisonnement fulmine, quand c'est le cataclysme

Engrangeant des idées, j'apaise mes pensées

Pour vous les resservir, ciselées et peaufinées

En moi, il pleut des larmes, de rêves inassouvis

Mais l'ouate de la neige, mes regrets, amortie

 

Cruelle réalité, finalement salutaire

Pour toucher au bonheur, faut connaitre la galère

Pour quelques flocons épars, pas de quoi, piquer colère

La mort qui nous habite, nous rend tous solidaires     JC Blanc  février 2015 (appel des cimes)

Signaler ce texte