Faste chasse (aux loups)

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J'ai ça dans les gènes. L'instabilité. L'inconstance. Ça colle aux basques. De la boue, de la vermine qui grouille et suinte à travers chaque pore de ma peau. C'est comme l'odeur de merde : tenace et nauséabonde.

Alors je marche, vite,  je cours bientôt. Dans l'urgence. Afin d'échapper à cette gangrène qui menace de s'emparer de moi.

Une foutue maladie qui atteint tout le monde. Une connerie pure et dure. Chacun  des membres finit par devenir un petit tas de fiente, et c'est bientôt mon tour. Ça menace d'exploser. 

En attendant je te regarde t'enfoncer,  te faire engloutir par ces miasmes familiaux qui flottaient autour de toi, à l'affût. Attendant le moment propice pour venir te bouffer les yeux. Le cerveau.

Tu me fais honte. Tu ne vaux pas mieux qu'Eux, tous ces gens que tu méprisais. Toi aussi, désormais, fais partie de ce clan de petits merdeux insipides au cœur solitaire. Félicitations ! 

Aucun doute, tu es l'un des nôtres. Le nier n'a jamais été une solution. Ça a toujours fait partie de toi. Dans ton sang. Peut-être cette noirceur s'était-elle endormie le temps de quelques années. Mais le naturel revient au galop, comme on dit. Ça n'a jamais été aussi vrai.

Tu me dégoûte. Il y a toujours eu cette distance. Depuis ces gestes mal placés, crades, abusés. Longtemps je m'en suis voulue de t'en vouloir.

« C'est toi ma famille »

Ta famille, hein ? Quel joli mot ! Ça règle tout, hein ?!

Non, non. Tu n'as aucune excuse.

Pour ce que tu viens de faire non plus. D'où t'es-tu attribué le droit de détruire des vies ? Te sens-tu enfin adulte ? Enfin libre ? Comme si tu attendais cette tornade depuis des siècles. Remarque, oui, tu l'as titillé, ce bordel. Tu l'as cherché, sans trop l'assumer, lâche que tu es. Ça aussi, c'est dans nos gènes. Crois-moi ! J'en ai fait les frais également. Mais les erreurs et le temps sont censés nous faire mûrir, grandir. C'est comme si tu n'avais pas compris pourquoi on s'acharnait à vivre. Les gens qui t'entourent t'ont tout donné. Apparemment même l'envie de les quitter.

Je n'ai pas d'autres mots pour toi. Si ce n'est ceux-ci. Pas de peine, pas de déception.  Trop de rancœur et de dégoût envers toi depuis des lustres. Finalement cette situation me sert bien : une occasion parfaite pour faire l'impasse sur toi. Tu étais le dernier restant.

Me voilà belle et bien seule maintenant. Dans cette course folle, contre la montre, contre les monstres. Cette chasse infinie entre les démons du passé – ces loups affamés, les dents affûtées, l'esprit aiguisé, mangeurs d'âmes esseulées. Cela me fiche la frousse, savoir que cette merde n'est pas loin derrière. Prête à nous faire tomber un à un.

Je pars déjà en vrille depuis trop longtemps, j'ai déjà du mal à garder une stabilité dans ma vie… déjà trop de mal à résister à l'irrésistible envie de tout foutre en l'air. À ne pas répondre à toutes ces voix, tous ces appels de l'ombre. Non ! Je refuse. Quitte à passer pour un mouton… non. Juste à quelqu'un qui vit. Qui tente de ne pas tout prendre pour acquis. Essayer de voir le bon côté des choses malgré le voile opaque devant les yeux. Bien que mes veines soient remplies de poussière et non d'étoiles, au contraire.

Un jour je combattrais cette peur de construire des choses. La destruction est ma destinée. L'ombre a le pouvoir. Elle régie tout. Quand je nous regarde j'ai honte, et une partie de moi cherche encore, se demande pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là. À quel moment tout a dérapé ?

Les fondations de base devaient elles-mêmes être bien instables… et maudites. Je ne vois que ça.  Elles étaient poursuivies par des tonnes de loups, monstrueux, mais encore jeunes et lents. Surtout curieux ! Et voilà que, non seulement ils se repaissent de ces deux bases blindées à souhaits d'horreurs et des secrets, mais en plus on leur en donne d'autres ! Quatre belles âmes vides à torturer. Pour cela il a fallu attendre, y aller petit à petit. Un coup de crocs par-ci, un coup de griffes par-là. Jusqu'au moment propice où les failles sont suffisamment nombreuses, où nous somme tellement à bout que l'on côtoie l'ombre de trop près. Déjà un pied dedans. Dans la trappe, le piège gluant. C'est à ce moment qu'ils ont frappé, pour les autres.

Ne reste plus que moi. Gardent-t-ils le meilleur pour la fin ?  Sans prétention aucune… Leur coup sera-t-il plus… fort ? Mémorable ? Le coup de maître ! 

Quelle sera mon issue ?

En attendant je cours. Je me retourne mais je cours. Marche vite. Le pied lourd. Les chaînes, le boulet. Le poids du vide, de l'absence et de la rancœur. Je presse le pas, vitesse augmentée, vue troublée ; je ne fais même plus attention à ce que m'entoure.  Tout est flou, incertain. Si peu important.  Je mets un point d'honneur à alimenter cette sensation, à ne poser mes bagages nulle part.

Vous ne me trouverez jamais.

La chasse continue.

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