Fée d'hiver

absolu



Il savait, depuis le début il savait… mais il n’en a rien fait… pourquoi ? Pourquoi n’a-t-il pas mis la distance ? Pourquoi m’a-t-il gardée à proximité de son âme sans que je puisse en toucher l’enveloppe ? Comment peut-on apprivoiser un cœur, qui une fois pris, n’ira plus jamais pavoiser ailleurs ? Lavoisier avait raison, rien ne se crée, tout est perdu, ou quelque chose comme ça. Pendant ce temps-là je suis en transit, dans un sas, d’autres dans leur transat, passent des accords tacites, jouent l’avenir d’une génération sur un coup de dés…

« L’aider ? C’était perdu d’avance.. » , ma vie s’est épépinée et les épines m’ont transpercé chaque parcelle d’humanité. La perfidie rend les gens acides, ils absorbent la vie à tour de bras perfusés, prennent le meilleur de nos moelles et jettent les restes au bas de l’échelle. Ils brûlent la surface sous anesthésie, et nous laissent les chairs à vif, génocide du corps, violation d’un autre genre, les mystères de nos êtres épiés par les regards avides d’intimité.

La sentence une fois prononcée, elle peut être exécutée… Même exténué, l’on est tenu d’exister.. « il faut que tu » … « tu dois faire »… Persécuté d’impératif et de phrases toutes faites.

La vélocité des propos fait effet de somnifère, les omnivores dévorent tout sur leur passage sauf vos soucis, les esprits affamés d’autres vies que la leur livrent une lutte sans merci à toute proposition, réveillent vos vieux démons, s’entêtent jusqu’à vous laisser la cervelle décharnée, s’acharnent et obtiennent votre démission.

Vous regardez des émissions déjà diffusées à longueur de journée, lobotomie non prise en charge par la redevance télé ; vous ne dressez plus le couvert, une table pour une seule assiette, c’est prétentieux ; vous êtes à découvert, et qui sait, bientôt convoqué au service du contentieux. Est-ce la peine d’invoquer les cieux, pour si peu.. d’allumer un cierge ou deux ?

On oublie d’éteindre la gazinière, le riz cramé colle au fond de la casserole, on nous retrouve allongé par terre sans connaissance, d’avoir joué un rôle ; on finit au dispensaire, dispensé de services rendus à la société, dispensé d’avoir une vie exemplaire, une raison d’être soi-même, d’être même encore sur terre, une raison d’être. Une oraison jamais récitée résonne dans le vide d’une place désormais inoccupée.

« Vous n’aviez qu’à pas circuler, avant, y avait quelque chose à voir. Fallait vous garer, quand bien même ça aurait fait toute une histoire » . Ca lui en aurait fait une, à elle, en tout cas, quelque chose qui aurait gravé un peu d’elle et lui en chacun de leurs instants, qui aurait pris vie au creux de ses reins, qu’ils auraient bercé, au creux de leurs mains...


« Un fait d’hier, oublié au présent

Une fée d’hiver, qui ne verra pas le printemps…

La glace fondra, sous un dernier battement d’elle ;

Le froid conserve, la chaleur décompose :

Les ailes pourrissent au soleil

Du monde avec lequel

Elle n’était plus en osmose… »

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