FELLATIO

franck75

Fellatio

En entrant dans l'appartement de Nicolas tout à l'heure, je me suis dit, Franck, tu as deux façons de te suicider ce soir: l'une, physique, en te jetant du trente deuxième étage, l'autre, sociale, en lisant à tous ces gens le texte que tu as préparé.

Ma peur du vide et une chemise à laquelle je tiens beaucoup m'ont conduit assez vite à préférer la seconde.

Le sujet, donc, disons-le tout de go, sera une fois encore d'ordre sexuel, car je n’ignore pas à quel public je m’adresse. Je vais parler de… fellation. Oui, oui, de fellation, the blow job dans la langue de Shakespeare ou de Clinton, il pompino dans celle de Dante ou de Rocco Siffredi, c’est à dire cette pratique dont une longue et vigoureuse tradition orale a perpétué l’usage jusqu’à nos jours.

A ceux et surtout à celles qui en douteraient, rappelons tout d'abord que la fellation n'est pas une privauté accessoire, une gâterie périphérique dans la sphère des relations intimes mais qu'elle y tient au contraire une position centrale. Ma grand-mère le proclamait jadis devant mon grand-père rougissant, "les hommes, c'est comme les casseroles, ça se tient par le manche". Belle image en vérité qui nous suggère avec la caution de l'expérience que si la femme est constituée d’une infinité de zones érogènes, l'homme, lui, n'en possède qu'une, même si elle est parfois de taille: son sexe. Pour se gagner les faveurs d’un nouvel amant ou préserver son couple de la débandade, la femme doit donc faire montre envers l'organe sus-dit d'attentions soutenues, et surtout de savoir-faire.

Savoir-faire, savoir-faire... entends-je déjà protester dans les rangs féminins, pas besoin de savoir-faire quand on aime; les gestes de l'amour, c'est bien connu, sont naturels... ils ne s'apprennent pas, ils sont spontanés. Faux! rétorqué-je avec force. D'abord, qui vous parle d'amour?... Ensuite, vous qui trépignez, vous êtes-vous demandé pourquoi tant d'hommes vous ont déjà quittées "sans explication", disiez-vous, "par peur de s'engager", ajoutiez-vous?... Par frustration, oui... parce que vous aussi sans doute vous manquiez de ce précieux savoir-faire… Comme le dit un ami dont je ne peux hélas citer le nom: "On ne quitte pas une fille qui s... bien". Ignorer ce fait pour une femme, c'est se condamner aux petites annonces du Nouvel-Obs bien avant sa ménopause.

A votre décharge, la vérité est que dans ces matières intimes on ne dit pas clairement les choses. On suggère, on insinue, on sous-entend, on échange des sourires en coin, des clins d'oeil complices... mais sur la façon de faire, en réalité, on ne pipe mot... On fait comme si tout le monde savait et avait toujours su. Imaginez un professeur de physique qui enseignerait ainsi le théorème d'Archimède: "Oh la la ! Archimède, je ne vous en dis pas plus... le corps, la poussée, le liquide, tout ça...". Quel serait le niveau des élèves ?...

Eh bien oui, la fellation, c'est comme tout, ça s'apprend... C'est de la technique, nullement réservée aux suckeuses en socquettes qui se font leurs dents de lait sur nos membres cobaye, mais destinée à vous toutes, baroudeuses du coït qui vous croyez au sommet du kama soutra. Mais s'il existe des livres de recettes pour réussir le boudin blanc, l'andouillette rôtie ou la banane flambée, il n'existe rien de tel, à ma connaissance, sur la fellation et c’est bien regrettable. Un manuel de cinq cents pages suffirait à peine, d’après moi, à en aborder tous les aspects (respiratoire, rythmique, turbo dynamique, physiologique, nutritionnel...) et je me tiens prêt sur la demande d'un éditeur courageux à en ériger le concept.

Mais en attendant cette peu probable perspective, je ne ferai ici que répondre à quelques questions qui me sont parvenues dernièrement par e-mail.

Kenza, de Sucy-en-Brie: "Bonjour docteur (sur Internet, on se fait passer pour qui on veut). Dans une fellation, doit-on faire entrer aussi les bourses?"

Ma réponse: Kenza, comme dans un rapport sexuel classique, cela n'est pas indispensable. Seule Linda Lovelace dans le film "Gorge profonde" s'en faisait une spécialité, mais elle était payée pour ça. En général, les bourses, comme les témoins de Jéhovah ou les vendeurs de Rank Xerox sont priés de rester sur le seuil.

Laure, de la Queue-en-Yvelines:  "Faut-il avaler, docteur?"

Ma réponse: C'est là une question délicate Laure. Beaucoup de femmes répugnent en effet à ingérer le sperme de leur partenaire. Mais comment dire le désarroi de l'homme face au rejet de sa semence? Fait-on pousser un arbre pour en laisser pourrir les fruits? Recrache-t-on l'hostie après le rituel sacré de la communion? La jouissance de l'homme est une offrande, Laure, ne l’oublie jamais...

Loana de Nogent-le-Rotrou, une question sur le même thème: "Doc, quand j'avale ça me fout la gerbe, quoi faire?"

Ma réponse: Pour ne pas risquer de fâcher ton ou plutôt tes partenaires, Loana, je te conseille plusieurs choses. La première c'est de t'entraîner toute seule chez toi: mélange du blanc d'oeuf avec un peu d'eau de javel et tu auras la texture, la couleur et le goût du liquide séminal, c'est un truc de professionnelle. Si ça ne marche pas, voici alors différents subterfuges: juste après la fellation vide-toi discrètement la bouche sous les draps, ou bien alors dans un kleenex en faisant semblant de te moucher. Tu peux aussi, comme le hamster, conserver la semence de ton partenaire et t'en délester un peu plus tard dans l'évier, le cendrier de l'ascenseur ou, pourquoi pas, l'eau de la piscine. Mais entre nous, Loana, ne peux-tu pas t’arranger pour éviter cette extrémité?... Les hommes aiment à voir le fruit de leur plaisir inonder le visage ou les seins de leur partenaire, ne l'as-tu pas remarqué dans certains films spécialisés? C'est peut-être là une solution de compromis, qu'en penses-tu? Apprends seulement à reconnaître l’instant où l'homme est sur le point de s'abandonner. En général, son souffle devient plus court, ses doigts se crispent sur ta nuque et parfois même il se met à couiner. Ecarte-toi vite alors pour recevoir son hommage!... Tu verras, il t'en sera reconnaissant... A propos, Loana, viens-tu quelquefois à Paris?

Une dernière question, enfin, avant de conclure; elle provient de Kimy, une jeune Américaine travaillant à Paris: « Voilà, doc, mon boss m’oblige à lui faire des trucs dégoûtants avec la bouche. J’ai peur de perdre mon travail si je refuse. Quel conseil me donnez-vous? »

Ma réponse : « Oral sex is no sex, Kimy,  l’as-tu donc déjà oublié ? Tout ça n’est sûrement pas si grave, tu ne crois pas? Quelques marques de familiarité, tout au plus, de la part d’un patron surmené qui a besoin de se détendre… Et puis entre nous, Kimy, « Better a blow job than no job», non ? »

Signaler ce texte