Festival de cannes...

Jean Claude Blanc

Même nos vieux éclopés ont droit à leur festival...de cannes

                     Festival de cannes

Dans mon petit village, toujours c'est l'usage

A la maison de retraite, s'y retirent nos sages

La pension est modeste mais au moins l'avantage

Du festival de cannes, en mimer les images

 

Y'a pas de tapis rouges, flopées de photographes

Juste quelques parents qui posent leur paraphe

En guise de vedettes, on a de drôles d'artistes

Cabossés, éclopés d'avoir trop trimé

On en fait un cliché, pour l'album des regrets

 

Ne montent plus les marches, leurs jambes ankylosées

Il faut un ascenseur, pour atteindre le palier

On songe à ces starlettes, avides de succès

Qui se font enfiler pour atteindre les sommets

 

Le repas est servi, sans fleurs, sans manières

On ne les envie pas, ceux de la Canebières

On se refait le film, souvent d'un œil distrait

Admirant les étoiles, trop vives pour durer

 

On couvre de Césars, ce théâtre surfait

Tout en mangeant sa soupe, au goût de réchauffé

Défilent les sirènes, savamment maquillées

Tandis que la mémé, enfile son tablier

 

C'est par procuration, qu'on jouit du spectacle

On mourra sans connaitre, la rampe des Oscars

Mais pourtant satisfaits, de voir se conjuguer

La misère et la gloire, la morale sauvegardée

 

A Noël, c'est promis, on va faire le sapin

Pour les uns le cercueil, pour d'autres le festin

On décerne le prix, à qui est le doyen

Qu'a franchi sans encombre, les écueils du chemin

 

Joue les paparazzis, dénichant mes anciens

Recueille leurs sornettes, qu'ils inventent sans fin

Je suis de ce pays, faut pas m'en raconter

Quand on en a bavé, on veut pas s'en vanter

 

Durant leur sainte journée, figés à la télé

Programme ressassé, aucune nouveauté

On doit se contenter, de contempler le temps

Valeureux paysans, c'est votre propre écran

 

Un festival de cannes, à la mode auvergnate

Pensionnat de vieillards, au sort calculé

De têtes couronnées, on n'en aura jamais

Mais c'est mieux comme ça, on reste maitre chez soi

De se congratuler, on devrait y penser

Allumer les bougies, de notre dignité

En se foutant des spots, des gamines bronzées

Avant tout rendre hommage, à nos pommes ridées

 

Mais malheureusement, la mode est au succès

On s'abreuve de paillettes, de Champagne éventé

Ne dure que quelques jours, la fête du ciné

En toute éternité, subsistent nos ainés

 

C'est pas un jeu de rôle, la juste vérité

Y'en a qui voient partout, quelques sous à tirer

De ces vies insolites, on en fait des clichés

Les rides des années, servent la publicité

 

Je fais un bras d'honneur, à toutes ces clameurs

Se prennent pour des héros, n'étant que des acteurs

Sûrement bien payés, pour jouer les misères

En endossant les peines, du quidam ordinaire

 

Le public est conquis, que demander de plus

Même les vieux rancis, se sont perdus de vue

C'est le feu d'artifice, au pays des délices

Attendant de sucer, les fleurs par la racine

 

Faudrait changer le titre, de cette belle romance

Toujours un festival, mais de chaises roulantes

Dans les asiles de vieux, ce n'est pas la Provence

On n'a que la tisane, pour croire en l'espérance

 

Avant de s'endormir, on se repait de rêves

Vêtu d'un beau costard, au bras d'une cavalière

L'avenir dure longtemps, mais la jouissance est brève

Que l'on soit riche ou pauvre, on finira sous terre

                                                                                                                  

Au début du printemps, on pense aux transhumances

Dans mon pauvre internat, y'a jamais de vacances

Chaque jour que Dieu fait, festival de béquilles

Faut surtout pas se plaindre, quand l'un de nous expire

 

Les dorures des bijoux, envahissent la place

On se regarde pas assez devant sa glace

Etant tellement avides d'originalité

Qu'on déguise nos charmes, de fringues mal fagotées

 

Mon papy dans son coin, tout seul se régale

Un bout de saucisson, c'est son repas frugal

Se contente de peu, mais c'est son festival

Se raconte des histoires, sans connaitre la faim

Au bas du grand écran, s'affiche le mot « fin »

JC Blanc           mai 2013 

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