Feu ardent

cerise-david

Quelque part entre l'hiver 2015 et le printemps 2016

C'est comme si le temps c'était suspendu. Comme si sa fuite effrénée c'était stoppée nette. Se fracassant contre un mur. Des sacs de sables et quelques blocs de ciment… la carcasse d'une vieille voiture calcinée et emboutie comme seul témoin de la rencontre.

Je ne peux pas expliquer ce que je ressens. Je peux tout juste trouver les mots pour le décrire. Je sais juste que c'est là. Comme ces larmes amères qui n'en finissent plus de couler à chaque occasions. Avec ou sans raison, avec ou sans importance. C'est compliqué. Je ne sais plus vraiment si j'ai acceptée ou abdiquée. Si j'ai choisie ou si je subie. Je ne sais plus, pas. J'ai juste mal là. J'ai mal au réveil, au lever et à l'appel de mon prénom. J'ai mal avec alcool et même sans sommeil. Je ne sais plus quoi regarder, mes pieds, l'horizon. Je sais juste que ce n'était pas ce qui était censé se passer. Que comme d'habitude il a fallu qu'il y ai un mais. Un mauvais pour pas changer. Me reste plus qu'à trouver mon plan B. Celui où je m'adapte, celui où je me relève. Encore. Pourtant, je suis fatiguée au point de vouloir rester là. Ne plus bouger. Au point où même les mots deviennent douloureux. Quand mes doigts sur le clavier deviennent hésitants. Tremblants. Que ma vision se brouille. J'aimerais tellement mettre un point à tout çà. Tout. Un point final. Et déchirer la page, la broyer, brûler les copeaux et ne plus jamais écrire, ni de suite, ni de début, encore moins la fin. 

Je suis comme ce yoyo au bout des doigts des gamins. Qui viennent choquer la main de leur propriétaire et qui finissent toujours par s'emmêler. Je suis comme la toupie qui tourne jusqu'à s'essouffler. Et qui finit par se casser la gueule de la table pour finir sur le carrelage. Explosée. Milles morceaux. Les dents en moins, le visage trempé. Je suis comme ce jouet entre ses mains. Quand il serre ma peau, mes cheveux. Et que je viens encore ronronner pour qu'encore il griffe ma peau ; je le laisserais même faire pire. Je le laisse démolir mon esprit. Le réduire en confettis. Pourtant j'étais forte… une forteresse de glace et de feu. Il aura suffi d'un lutin pour mettre mon royaume à genou. Pour que mon monde s'écroule sans catapulte. Sans huile bouillante, sans archers. Un simple lutin haut comme trois pommes. Empoisonnées. Quand dans ses yeux je devine l'immensité de l'abysse dans lequel il va m'entrainer. Et que captivée je le laisse m'emmener dans les pires recoins de nos âmes. Que je ne suis plus maitre de mon corps. Que mon esprit s'évapore comme neige au soleil.

Parce que j'ai cette sensation qu'il fait ressortir le meilleur de moi-même. Simplement, il est devenu indispensable. Même dans les pires moments. Quand plus rien n'a de sens, même ce qu'on ressent l'un pour l'autre… parce qu'au fond il serait temps d'accepter que l'on se fait du mal à se brûler. Encore et encore. Sans tarir, le feu nous brûle, nous immole. Nous condamnant à l'alimenter. Parce que quand il est éteint c'est tout mon corps qui tremble de froid. Comme une marionnette désarticulée. Un jouet en fusion. Sur qui on souffle, sur lequel il pleut mais qui doit continuer de réchauffer un cœur glacé. Qui ne lui donne ni bois, ni allumette pour briller. 

Un feu qui brûle dans un hiver si long… quand plus rien ne pousse autour de nous. Que les branches sont nues, que les feuilles tourbillonnent longuement avant de toucher le sol. Alors, il ne me reste plus qu'à relire les lettres, les mails d'un lointain passé. A éteindre la lumière, à regarder de l'autre côté. J'observe ce feu qui me consume et me fatigue… mais je ne peux pas l'éteindre. Et tu reviens toujours l'attiser. Tes mots, tes caresses, tes regards, tes baisers, ton silence. Je m'embrase. Et tu savoures ce moment, ce contrôle que tu as sur moi. Cette certitude qui te rassure, te rappelle que mon corps est à toi. Personne d'autre que toi. Tu es ce roi, qui ne jure que par amour mais qui part en croisade et laisse cette forteresse aux mains de mes pires angoisses. 

Qui me laisse seule face à moi-même avec quelques missives en poches pour affronter ces longs mois d'hiver qui nous attendent encore. Parce que oui, çà ne fait que commencer. Le plus dur est devant nous… le plus beau on l'a déposé quelques part, à la cime de nos sentiments. Maintenant, il nous reste la douleur, la peine, la tristesse, et ce vide immense qui nous laisse interdit d'air. J'ai lu ce soir que l'amour n'est pas gage de bonheur. Il est la preuve que l'on peut endurer encore plus de souffrance, repousser au-delà de l'imaginable nos limites.

Ce soir, je n'arrive même plus à imaginer un avenir à tes côtés. Je ne vois que le vide. Encore et partout autour de nous. Pourtant, de l'autre côté du miroir, malgré tout ce sombre décor, tu es là. Dans cet aura de lumière. Si c'est çà mourir, alors tu m'as tué. Pas aujourd'hui. Non un soir de juillet, dans cette forêt à même le sol. Quand ton corps et le mien n'ont fait plus qu'un. Pour le meilleur, et aujourd'hui, surtout pour le pire.

Tu es le pire qui me rend meilleur. Et je suis ce meilleur qui te rend pire. Et inversement. Comme les pièces d'un puzzle. Les coins en moins. Il nous manque quelque chose. Je n'ai plus de plan B, ni de Z. Je n'ai pas la clef. Ni de carte. Je suis là. Démunie. Je sais juste que je vais endurer le pire. Je peux juste me préparer. Parce qu'au final, je peux juste attendre le paradis. Avec ou sans toi. Loin de toi. Sans toi pour le reste de mes jours. Je sais juste que je vais souffrir. Je crois qu'au fond on est là pour çà. Miséricorde ou pas. Je pensais que çà serait plus facile avec toi. Disons que tu es la plus belle raison au monde pour souffrir. Et que tu prends ton rôle très au sérieux. J'avais juste pas révisé mon texte. Alors improvisons.


Je crois que çà commence par : 

Il était une fois, dans un château, un feu ardent…

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