Figuier pique et colle et gratte
nou007
Assise à l'ombre d'un figuier, j'hume l'odeur douceâtre de l'arbre. Une légère brise ramène une mèche sur mes yeux, que je ferme... puis rouvre pour attraper une feuille de figuier qui était à terre. Je fais courir le bout de mes doigts sur son côté rugueux, mi-désagréable, mi-fascinant. "Mi-figue, mi-raisin...", pensai-je.
"Lila ! Viens manger !" L'appel m'arrive depuis la fenêtre de la cuisine où Maman a préparé le repas. Le repas, oui, mais le dessert ? Je me lève d'un bond, mes pieds nus résonnent sur le sol en terre. Mais je n'y porte pas attention, je ne vois que cette figue, violette, bien mûre et charnue qui semble à portée de main, là-haut sur la branche.
Je tends le bras, me mets sur la pointe des pieds, m'étire au maximum. Non, ça ne suffit pas.
Alors je me retourne vers l'arbre et enlace le tronc. L'écorce m'écorche légèrement tandis que j'escalade l'arbre en quelques gestes flous. Me voilà vite à califourchon sur la branche qui porte le fruit convoité. Je n'ose pas avancer et m'étire à nouveau, cette fois mon corps tout entier appuyé sur la branche... Ça y est... je l'ai ! Je me redresse lentement, la figue en main, sans trop la serrer pour ne pas l'abîmer. Toujours à cheval sur ma monture végétale, je contemple les belles nuances violet bleuté de ma figue. Et cette petite goutte de sève si blanche là où le fruit fut séparé de sa branche.
"Je ne devrais pas y toucher", me raisonnais-je. Mais je ne suis pas raisonnable et je pose mon index sur la perle laiteuse. Je relève mon doigt et le joint à mon pouce. Héhé, ça colle. C'est idiot mais ça me fait rire.
"Lilaaaa !!!" Maman s'impatiente.
Je saute au pied de l'arbre et commence à sautiller dans l'herbe sèche en direction de la maison. Pourtant quelque chose me dérange, ou plutôt me démange... Comme une légère chatouille sur mon avant-bras et jusqu'à mon épaule. J'y jette un œil et voit une fine ligne de fourmis en balade. Elles me seront grimpés dessus quand je grimpais moi-même sur mon figuier. Est-ce que lui aussi m'a ressenti comme une chatouille ?
Je souffle sur mon bras, un souffle tiède qui rafraîchit pourtant ma peau rougie de soleil. Rien, les fourmis vibrent à peine. Elles sont bien accrochées... Sans pitié aucune, je balaie alors mon épaule d'un large geste de la paume. Comme des petits grains de sable, les fourmis s'envolent au vent. Désolée, mes petites...
Je reprends nonchalamment mon pas sautillé et rentre manger.