Fillette

lfgv26

Son Prénom? Son nom? Personne.

Assise sur un banc, elle regardait les passants. Elle partageait cette infime partie de leur vie. Voilà un moyen détourné qu'elle avait trouvé pour que des gens partagent son existence. Grâce à ce banc elle avait enfin des amis. « La petite fille du banc blanc » , qu'on l'appelait. Elle avait perdu son nom. « La petite » , « la fillette » , ça sonnait innocence, non ? Et pourtant, ça sonnait comme une horreur si égarée sur la Terre… Voilà qu'avec ces mots elle reprenait sa place de personne oubliée. Elle était bizarre, sûrement un peu trop différente de ce qu'étaient les autres… Alors elle s'imaginait aux côtés de personnes aimantes. Voilà une idée qui la faisait sourire, même parfois rire. Son rire s'était peu à peu envolé. Rien que la pensée de devoir retourné au foyer empêcher la moindre esquisse de sourire sur son visage aux joues creusées et aux paupières gonflées. . Le foyer. Ce terme ne lui inspirer que du mauvais. Là-bas sa jovialité s'était envolée. Envolée, comme les oiseaux battent des ailes pour rejoindre les nuages, comme les ailes des anges, comme la brise d'automne qui berce les feuilles flamboyantes. Elle s'était envolée comme sa voix, comme ses envies, comme tout s'envole un jour. La vie a des ailes .Peut-être… ces ailes sont-elles faîtes de papier ? Petites plumes faîtes de papier, bercées aux quatre vents, perdues dans les airs, parties rejoindre l'océan. Mouillées, ces ailes s'émiettent. La vie s'émiette. La joie s'émiette. Tout. Au final, tout est éphémère. La petite fille le savait, et pourtant elle espérait. Parties ses envies, partis ses rêves. Les plumes faites de de papier les avaient emportés. Et pourtant, certains savaient que « la fillette », chaque soir à son chevet, priait. Elle espérer reprendre gout à la vie, pouvoir sourire et même à nouveau rire. Mais dès que la moindre pensée positive germait dans son âme, voilà que l'image de ses parents, allongés, dans une mare de sang, en train d'agoniser, de crier… Voilà que l'image de ses parents le jour de leur mort vient s'ancrer un peu plus profond dans l'abime qui se creuse chaque jour dans l'âme du bout d'choux.

Est-ce ce jour-là, « petite fille » , le jour de leur décès, que tes ailes de papier se sont émiettées ?

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