Fillette pas gâtée par la vie
Jean Claude Blanc
Quotidien d'une fillette, pas gâtée par la vie
Ne cesse ramener ma fraise, impossible me taire
Défenseur éternel des causes humanitaires
Ce soir, une fois encore, je pique ma colère
Contre ceux qui nous gouvernent, en laissant de côté
Les vieux, les émigrés, et les handicapés
Sachant que la plupart, risquent pas aller voter
Le monde de Zoé, quelle bonne occasion
Montrer la négligence d'élus de la Nation
Jeune fille à fleur de l'âge, handicapée moteur
Cependant intelligente, en a gros sur le cœur
Subsiste d'allocations, pas de légions d'honneurs
Son message sur la toile, sorte d'appel au secours
Seulement à ses fidèles, ne peut qu'avoir recours
Souhaitant se faire entendre, par les parvenus sourds
Pour confier sans détour, ce qu'à chaque heure, subit
Dépourvue de ses membres, mais si sensible d'esprit
Ainsi depuis toujours, fait son chemin de croix
Soutenus par ses parents, ses amis, et sa foi
Alerte vaillamment le Secrétaire d'Etat
Résultat consternant, ne lui répond même pas
Changement de Président, plaidant le renouveau
Son espoir renait, d'être mieux considérée
Vue son infirmité, ne pouvant pas bouger
Hélas que du pipeau, car c'était bien trop beau
A peine au pouvoir, supprime emplois aidés
Condamnée à jamais, tracter son défunt corps
Que les larmes pour pleurer, inconsolable sort
Mais pas folle la guêpe, ayant toute sa tête
De ses petits doigts fragiles, pianote sur internet
Dénonçant ces élus, conteurs de sornettes
Instruite, clairvoyante, même si elle n'en a pas l'air
Assidue pour apprendre, ordinaire écolière
Pouvant pas se déplacer, à pieds ou en scooter
Se voit collée à ses basques, une assistante scolaire
On s'imagine pas, nous autres en bonne santé
Ce que c'est difficile, de faire une simple dictée
Dès lors qu'on est privé, de gestes, de réflexes
Zoé accoutumée, n'éprouve aucun complexe
Peu leste de ses mains, pour elle, pas un prétexte
Laïque, égalitaire, notre chère République
Qu'auprès des biens portants, majorité de chanceux
Se montre moins généreuse, chez les paralytiques
Les laisse dans leur coin, mourir à petit feu
Notre petite minette, fière de ses effets
Malgré son torse difforme, ses yeux brillent la gaieté
Visage tout en beauté, par contre la dent dure
Envers ces fonctionnaires zélés de la Préfecture
Qu'en guise de visite, lui présente la facture
Pas plus tard que cette année, en juin 2017
S'est fendue d'un courrier, sans tambour ni trompette
Auprès de la Ministre, de Solidarité
Quelle se décarcasse pour tous ces déglingués
L'autre l'a même pas lu, de suite au panier…
Gamine pince sans rire, de cervelle pas impotente
N'attendais pas miracle, de cette grande dame puissante
Juste un peu d'empathie, rassurée, s'en contente
Tandis que comme prévu, sa dépêche poste restante
Va faire de la résistance, tenace insistante
L'abreuver de twitters, formules désobligeantes
Sage philosophe se dit « un mal pour un bien »
Va pas aux députés, mendier quelques privilèges
Préfère la tendresse de son clebs mutin
Les douleurs qu'elle endure, soudain s'apaisent, s'allègent
Sachant qu'un de ces jours, avec FN dans le four
« Eux tas de nazis, mort douce », pour elle du tout cuit
Tandis que frêle Manuel, coquelet de basse-cour
Prend ses jambes à son cou, pour pas avoir d'ennuis
Mademoiselle Zoé, bien que pas à la noce
Estime qu'en ce monde, y'a des peines plus atroces
Inspirée par Baudelaire, son pauvre albatros
On a coupé ses ailes, ne roule plus sa bosse
En cette période de crise, de violences à outrance
Ce n'est pas vraiment drôle d'être sous la dépendance
D'une personne étrangère, dont c'est le noble métier
Faire à bouffer, vêtir, essuyer les fessiers
(Rémunérée pour ça, pas une réjouissance)
Comme aide-ménagère, patience, persévérance
Dévouée et aimable, ne se plaignant jamais
Je sais que toi Zoé, tu en es désolée
Le seul homme de ta vie, qu'en ton logis demeure
Je ne sais pas pourquoi, tu le prénommes « Fisher »
Pêcheur, poisson d'avril, sans doute sacré frondeur
Muet, langage des signes, pour tchater de bonheur
Je pencherais plutôt, pour un bel animal
Considérant ton pieu, recouvert de poils
Partageant bavardage, bavant sur vos soucis
Tous deux martyrisés, par cette chienne de vie
Ce monde sans pitié, tu me l'as suggéré
Je marche à tous les coups, railleur désabusé
Désignée contre ton gré, pudiquement soi dit
Selon les poules mouillées, qui fuient les tragédies
Tu fais partie pauvrette, « des blessés de la vie »
Incurable naïf, rêveur extasié
A me voiler la face, prisonnier de mes pensées
A perdre mes illusions, je risque de régresser
Grabataire, alzeimer, me guette l'hospice des vieux
Attacher sur un lit, asile d'aliénés…
J'arrête cet étalage, afin t'en épargner
Toi qui t'en vantes pas, pourtant pas glorieux
Gratiné ton destin, impossible à soigner
Certains conjurent le ciel, pour pas désespérer
Selon les forts en gueule, « La science fait des progrès »
Braves cons bienheureux, ayant une peur bleue
Que leur tombe sur le râble, ce mal pernicieux
Qui ne les lâchera pas, implacable sans adieu
Y'a pas de fatalité, pour toi je fais des vœux
Zoé enfin sauvée, d'affligeants préjugés JC Blanc nov 2017 (pour Inès)