Fin d'année

amaende

Je pense que les poches de pantalon ont été inventées par un gars de 17 ans, maxi. A l’époque ce n’est pas qu’on ne pensait qu’à ça, non, ça pensait carrément à notre place !

Certaines (mauvaises joueuses) diront que cela n’a pas changé, que les mecs ont deux cerveaux. Un dans la voiture, et l'autre entre les jambes, par exemple, et que, etc... Et bla-bla-bla... Ma poutre dans ton oeil !... Peut-être. Mais en tout cas, et maintenant, c’est carrément moins violent.

A l’époque, avec tout ce maelström hormonale qui se mettait en place (bien que moi, à part les boutons sur ma tronche...), ça nous empêchait carrément de vivre, et de nous comporter normalement. Réfléchir par exemple, n’était plus en notre capacité. Nous étions sur des charbons ardents en permanence. Et ces derniers étant, bien sur, mis au fond de nos slips, pour préciser...

Qu’importe, voilà enfin ce dernier jour de l’année. On se casse de ce bahut ! ...pour aller réviser.

Mais nous, ce qu’on voulait c’était arrêter cet instant ou être projeté dix ans plus loin. C’était voué à l’abattoir, cette jeunesse. Toi à droite, moi à gauche, toi qui voteras à droite, et moi qui continuera toujours à espérer n'être plus déçu par la gauche, toi qui redouble et l’autre qui se casse, en ville, à la fac, dans la boite à son vieux, au chômdu, redoublement pour les plus chanceux, etc… La fin d’une génération : de la maternelle jusqu’ici, tous ensemble à la vie à la mort !

Bac à part. Foutu Bac !

Alors forcément, et vu que c’est autant une première fois que la dernière, on boit jusqu’à plus soif, le goût de gerbe de cette vie aux lèvres, comme la coupe... On fume comme des grenouilles, le pécos pendus aux lèvres du bord de la vie déjà gâchée avant d'être jamais vécue...

Puis y’a ta cops'. Que t’y a un peu fricotté avec, déjà. Que tu sais pertinemment et qu'heureusement, il y a cette séparation du cordon ombilical des études supérieures. Que ce sera ton amour de jeunesse éternelle. Que dans dix ans, ses gamins et les tiens auront comme un goût de « cousination » quelque part. Quelque part comme au fond de votre regard par exemple, lors des week-end du 1ermai ou de la Toussaint, où tous les fils et filles plus ou moins prodiges de France, retournent voir leur vieux et leurs pays déjà morts, mais juste en attente de l'annonce de l'enterrement officiels...

C’est comme un adieu. Une impasse. Faut que tu y passes. Elle aussi. C’était écrit depuis bien 3 ans... Nous formions un couple de façade pour faire comme les autres. Un truc tacite de non-dupes. A deux, personne ne pouvait nous chercher querelle. Un rien de tendresse que nos vieux s'interdisaient de nous donner encore. Un début d’amour matériel et physique que nous devrions apprendre tôt ou tard, quoiqu'il en soit. Autant expérimenter ce premier pas entre nous. La première fois. Entre frère et sœur si je puis dire. Frangine que je n'ai jamais eu. Elle non plus. Fils et fille unique, mais pour quoi faire ?

Après tous ces litres de baisers, ces milliers de caresses que lorsque je rentrais chez moi je devais expurger manu-militari (me fais-je bien comprendre ?), ce devait arriver. Et que dire de cette pulsion sourde et s'amoncelant comme les nuages d’un orage de fin août ? C'est la première fois que je l'entendais. Que je la ressentais. La première fois que j'écoutais mon corps et sa logique de fonctionnement. J'étais sexué et plus ou moins hormoné, fallait assumer la part d'ombre de ce fait. Faillait que « j’expulse ».

Mais autre chose, encore. Que j'envoie tout chier en l'air. La fin de la jeunesse insouciante, celle de notre clan, de mes vieux et ce petit pays si tranquille. Impossible de me noyer d'alcool et de tarpé, fallait que je me noie sous ces caresses et dans ses formes. Me perdre en elle et sa pure bonté. Que je disparaisse dans son corps d'amour. Que je fourre à mourir de ma petite mort comme de mon enfance.

Sa robe tunique diminuait au fur et à mesure que l'échéance qui ferait de nous homme et femme se faisait inéluctable. J'avais bloqué sur ce fin triangle de tissus. Je croyais réellement le voir au niveau de son entre-jambe quand elle relâchait sa convenance sociale de fille sous l'effet des différents expédiants de cette dernière soirée...

C'est quand tout devient noir, qu'une pâle lueur te fait office de feu. La mienne de lueur, c'était Pauline. Ses jambes, son corps souple d'enfant, miroir du mien quelque part. Une flamme de femme vacillante sous les remontées d'alcool. Et ce triangle de culotte là comme un panneau de circulation : attention. « Attention, franchis ce cap plus rien ne sera pareil bon-homme » . 

Je l'ai allongé sans rien dire. La mâchoire serrée de concentration. Je me suis posé la question si elle était vraiment d'accord. J'ai donc pris mon temps pour la déshabiller et pas trop la remuer. J'avais une conscience totale de mon environnement. Pt'être la perception « plus large » de Marie-jeanne, en fait. J'avais d'autant plus mon temps, que je savais que c'était inéluctable. Elle aurait pu dire n'importe quoi (« non » mise à part), n'importe qui aurait pu arriver nous déranger. Sauf à ce que la Terre s'effondre sous nos corps, nous allions nous mêler à la vie, à la mort. Nous n'avions jamais échangé nos sangs, mais nous allions noyer nos corps l'un dans l'autre. Je l'ai mis à nu et contemplé. Elle a feint de cacher sa nudité. Avait-elle honte de sa belle poitrine, car il n'y avait quelle qu'elle dérobais de ses mains à mon regard ? Ou était-ce le dernier nœud sur ce cadeau qu'elle m'offrait ?

J'ai regardé son corps. Un corps ou Son corps ? Ses hanches sans forme et son sexe poilu et frisé. Déçu et bien dégouté de toutes ces images de cul qui sont bien loin de cette réalité. On m'avait vendu des ventres plats, des hanches body-buldées, du bronzage intégrale sur des minous imberbes (!?), je contemplais simplement la vérité. Aveuglant de sincérité. Désarmant de réalisme. La même différence que les images à la télé et ce que tu peux voir de la vie de tes propres yeux. Car, là, sous tes yeux, là, dans la rue, cette forme parterre, c'est réellement une personne humaine allongée à même le sol.

... 

Ça m'a rassuré quelque part. Pauline était bien Pauline. Elle était à mon image. Elle était ma cote à mes côtés, depuis pas mal d'année... Mais je ne serais plus son phare dans cette mer de vie...

Demain ce serait fini.

Je suis allé en elle. J'analysais presque mes sensations au centimètre près. C'était comme si je mettait une clé dans une serrure. La précaution de ne pas faire un seul petit bruit, car je savais que de l'autre côté de la porte il y avait un autre monde. Quelque chose, comme tout un entrainement de rouages prêts à se foutre en branle au moindre bruit ou geste... Je ne voulais pas encore mettre en action tout ça. Pas de suite. Il me fallait encore quelques heures de répits, à défaut de bonheur. Pauline était de plus en plus partante pour le coma de la vie. Lâcher prise à notre innocence. Putain, ce qu'elle était belle !

...

Le froid et l'humidité du petit matin nous ont réveillé. Nous avons récupéré nos affaires. Des sous vêtements d'enfant, un jean et une robe de provinciaux, un pauvre tee-shirt que je sentais flottant sur mon torse de petit d'homme n'ayant pas encore fini de grandir. Pourquoi faut-il qu'il y ai toujours un petit matin, le lendemain ?

Je ne sais pas si nous avions réalisé que c'était la première fois que nous étions vraiment ensemble. La dernière fois aussi. Je ne me rappelle plus quand nous avons effectivement constaté que nous n'étions plus "ensemble". Je sais que nous avions fêter notre bac ensemble. Qu'on a fait les cons tout l'été. Mais nous étions devenus sérieux. Nous n'étions plus bourrés-défoncés les autre fois où nos corps se sont retrouvé à se re-mélanger. C'était mieux, mais moins « investis » aussi. Nos études respectives était définitivement trop éloignés, et intellectuellement et géographiquement. Nous avons continué à se revoir à l'horizontale jusqu'au jour où elle s'est ramené avec un gars.

C'était juste un soulagement pour moi.

Une grosse inquiétude aussi pour elle, par rapport à cet « étranger ».

Une autre aussi pour moi. Différente.

D'autre filles se sont senties de la soigner, depuis.

PHIL.

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