Frère inconnu
Jean Marc Kerviche
- Soixante-dix années se sont écoulées, moi, qui n'ai pas eu de vie, qu'as-tu fait de la tienne ? Es-tu heureux au moins ?
- On peut le dire, oui ! Je n'ai appris ta non-existence qu'à ma quatorzième année et j'avoue avoir été surpris en le découvrant au cours d'une dispute entre nos parents, vite réprimée par notre tante. (Nous savons tous que les enfants ne ratent rien des dissimulations des adultes).
Et pour te répondre le plus honnêtement possible, je dois te dire que j'ai vécu en solitaire jusqu'à mes vingt ans, nos parents étant souvent absents de la maison sans cependant manquer de soutien… Que j'ai alterné les gardes multiples, des années de pensionnat et que j'ai fait l'apprentissage de la solitude en nourrissant mon imagination par des lectures et des jeux où la réflexion dominait comme les mécanos et les casse-tête… Que j'ai souvent fait des allers retours entre la Bretagne et Paris pour accompagner notre mère auprès de nos grands parents âgés, ce qui m'amenait à souvent changer d'école.
Et même après cette révélation, j'avoue ne pas m'être trop posé de questions… pour épargner probablement notre mère.
Et je ne m'en pose d'ailleurs pas davantage aujourd'hui, si ce n'est qu'à ce moment-même au sein d'un atelier d'écriture de la rue des Cascades où vient d'être donné un sujet portant sur notre enfance et comment nous l'avons vécue, comme une introspection personnelle à rebours avec la consigne de faire intervenir une personne existante ou non, réelle ou fictive, comme un témoin qui pose une question à laquelle nous devons répondre.
Alors, à bien y réfléchir et puisque tu n'as jamais eu la parole, curieusement j'ai pensé à toi.
- Oui, et alors, ça te fait quoi ?
- Me dire que ma vie aurait pu être tout autre car un frère m'aurait évité la recherche de copains, d'amis, d'alter ego… un frère aurait pu me servir de confident, de soutien, nous aurions vraisemblablement connu les mêmes écoles, les mêmes gardes multiples, les mêmes pensionnats… nous aurions dispensé nos conseils l'un pour l'autre en écartant les avis des parents, échangé nos ressentis, partager nos peines et nos chagrins, connus nos premières expériences et nous nous serions aidés mutuellement pour les surpasser… nous nous serions amusés, jalousés, chamaillés, peut-être battus… comme ce qu'ont vécu tes quatre neveux... Quatre neveux que tu n'as jamais pu connaître…
Quelle émouvante pensée !!
· Il y a presque 6 ans ·Louve
Ainsi va la vie ! Et on fait avec... ou sans !
· Il y a presque 6 ans ·Jean Marc Kerviche
J'ai eu deux demi-frères qui n'ont jamais su que j'étais leur sœur et moi je ne l'ai appris qu'à l'âge de 25 ans. Je peux vous dire que ça m'a fait "tout drôle" ! C'est la vie, c'est vrai !!
· Il y a presque 6 ans ·Louve
Il existe un film d'Éric Caravaca que l'on peut voir en replay en ce moment à la télé "Carré 35".
· Il y a presque 6 ans ·Édifiant sur les non-dits.
Jean Marc Kerviche
J'ai aussi adoré un film "Le fils de Jean" Rien est dit mais tout se devine.
· Il y a plus de 5 ans ·Jean Marc Kerviche