Fureur d'écrire

heathcliff

Unique et seule. Il n’y a que toi à cet instant. Le reste n’est plus là. Il n’y a que toi, ces mots et cette mélodie incessante, ces quelques larmes sur ta joue. Même pas triste ou mélancolique, même pas heureuse ou exaltée, même pas agitée ou fatiguée, juste là. Et l’extrémité de tes doigts qui martèle le clavier, plus vite, encore, toujours. C’est impulsif.

Ces coups que tu assènes mentalement, cette rage, soudain, ce bouillonnement, ce cri, cette nervosité à fleur de peau qui ne te quitte pas. Qui te tue. Qui te laisse en vie. Même pas mal. Même pas folle. Juste là. Cette danse effrénée qui commence au moment où elle se termine. Cette attente de quelque chose qui ne viendra pas, cette chose qui n’existe pas. Blasée. Encore et encore. Comme en équilibre sur un fil. Même pas peur. Les yeux rivés sur l’écran blanc, l’écran de ta vie, de tes conneries, tu cherches encore, mais quoi ? Et la mélodie qui s’éloigne, qui te quitte et t’abandonne et toi qui la rappelle à toi. Il n’y a que vous. Rien d’autre n’importe. Redevenue Enfant et ingénue. Sans âge. Sans rien. Rien que ce truc irréel qui torture tes sens et te foudroie, te laisse là, seule. Même pas incomprise. Juste conne. Juste sans rien. Et tu continues. Voilà que tu continues à écrire sur ce putain de clavier, et tes doigts qui s’effritent au bout, tu t’en fous. Il n’y a que ça, tu ne sens plus rien, peut-être, et ton dos se courbe, et ton souffle se fait court. Cette envie de courir, de tout changer, de mourir et d’exister à la fois qui te prend aux tripes, qui t’embrasse et t’assassine, cette musique encore qui sort de tes oreilles, ta voix éraillée qui crie toute seule, sans raison, cette pulsation qui secoue tout ton corps. Même pas meurtrie. Même pas seule. Toi et ces putains de lettres qui se suivent, encore et encore, en lignes sur l’écran blanc, ton ordi qui gueule avec toi, et tu ris, tu pleures, et rien n’a plus de sens, il n’y a que cette folie qui t’envahit, cet accès de surdité au monde qui t’enveloppe, fait de toi, une autre, fais de toi ce que tu veux être, n’importe qui. Le temps ne s’écoule plus, le temps n’est plus là. Il ne fait que t’étreindre et te relâcher à jamais. Toi. Rien de tout ça n’est vrai. Ta main traverse ton clavier incolore. Plus rien n’existe. Cette folie furieuse te crie de tout bousculer, d’hurler seule, de crier avec les autres, de fermer leurs gueules à ces cons. Ne secoue pas la tête. Reviens, ne pars pas. Cette mélodie qui s’étouffe et t’abandonne, te laisse, l’écran devient noir, tes larmes se sont taries, tes rires se taisent à jamais. Adieu. Adieu.

Signaler ce texte