Galère à Mumbay Intl Airport
Francisco Varga
Je dois payer un mauvais Karma. Alors que dans une précédente existence, j'étais incarné dans les plumes d'un Pigeon Voyageur, j'ai dû faire des choses pas très nettes. (article écrit avec une parfaite mauvaise foi).
Hall de l'aéroport de Bombay en Zone internationale.
Mon premier contact avec l'inde s'était jusqu'à présent limité à une salle d'attente un peu glauque et un autocar de pistes de l'aéroport de Bombay qui ne l'était pas moins. Pour tout dire, je n'en ai gardé que très peu de souvenir ni en bien ni en mal sinon un trouble sentiment d'oppression de la multitude.
Le second contact, vous l'aurez compris, à l'occasion de mon voyage retour a été bien plus rugueux et surtout douloureux.
Ca commence mal pour se précipiter dans le pire.
L'avion « jet Airways » avait décollé de Bangkok avec près de trois quart d'heures de retard. Je devais enchaîner sur une escale à Bombay d'un peu plus d'une heure trente.
Jusqu'à présent tout va bien. Je fais la queue pour me faire ausculter par des agents commerciaux, de police ou de douane qui feraient passer un maton dépressif des Baumettes pour un joyeux drille. Je dois courir dans les immenses couloirs de cet aéroport où je me sens encore plus étranger que nulle part ailleurs en Thaïlande.
Au bout d'une bonne dizaine de contrôles et de dégainage de passeport (passpoooo…. pas pliz… ça ne semble pas trop se faire ici d'être un tout petit peu courtois), je parviens au terme de mon jeu de l'oie douanier et je tends mes papiers au dernier agent sensé m'envoyer dans le bus en direction de l'avion…le fonctionnaire ou l'agent commercial, j'ai du mal à situer la différence, jette un œil méprisant sur mon bout de carton, me demande au passage une nouvelle fois mon passeport et me dit d'aller m'assoir. Le vol a du retard et il m'appellera d'ici un moment. Je ne suis pas seul et les places assises coutent cher.
Les minutes passent, ponctuées d'annonces en anglais et en hindî, mais là aussi j'ai du mal à faire la différence et surtout à en comprendre le moindre mot. Ce qui me rassure sur mon niveau linguistique c'est que pour passer le temps, j'avais engagé la conversation avec une digne demoiselle anglaise assez sage pour avoir connu Gandhi dans sa jeunesse. J'ai non seulement compris la plupart des subtilités de son discours mais j'ai même réussi à la faire rire de mes blagues un peu douteuses.
Je comprends que le moment de se rediriger vers le comptoir final est venu quand un attroupement se forme et devient rapidement une file d'attente impatiente. Chaque passeport est scruté par le personnel comme s'il détenait une vérité divine. Bref c'est long.
J'avance lentement mais je finis par aboutir à l'étape où je dois de nouveau dégainer mon Schengen. C'est alors que le scan de ma carte d'embarquement se passe mal. La machine clignote en rouge et sonne comme un buzzer après une mauvaise réponse. Il ne manquerait plus que je reçoive une décharge électrique.
Les emmerdements volent toujours en escadrille.
Le verdict tombe, je ne suis pas au bon comptoir et l'on m'indique que je ne suis plus sur Air India, mais sur Air France. Le problème c'est que l'avion a déjà décollé. J'aurais eu du mal à l'avoir vu la trotte que j'avais dû faire dans l'aéroport et le retard de l'avion qui m'emmenait à Bombay.
Il est plus d'une heure du matin. Je suis debout depuis 7 h 00. Je n'ai pratiquement pas dormi et je suis passablement agacé. Je me heurte à un mur. Une jeune femme peu souriante me demande pourquoi je n'ai pas répondu aux annonces. Mais quand je lui explique que je n'ai rien entendu et que je doute avoir été appelé, celle-ci s'emporte et m'explique avoir elle-même été derrière le micro et m'a appelé trois fois. J'apprendrai plus tard qu'elle avait confondu mon nom et mon prénom (faidiwaiiiii….. ben non, je n'ai pas compris, même quand j'étais prévenu).
A ce moment, je comprends que je suis entré dans une zone de galère dont j'aurai du mal à sortir et franchement la galère colombo, je m'en passe.
Je suis remis entre les mains d'un timide agent qui ne parle pas un mot d'anglais et me conduit au travers de la face obscure des coulisses de l'aéroport et me dépose dans un bureau bardé de femmes en saris défraichies par l'heure avancée et l'éclairage néon style pissotières de la gare du Nord.
L'incompréhension se poursuit… je dois encore montrer mon passeport, et j'attends… j'attends….pour m'entendre dire que l'avion est parti et que personne ici ne peut rien pour moi….Je sais que ça ne sert à rien, mais je me mets carrément en colère, ce qui n'avance pas du tout mes affaires.
Je me retrouve muni d'une réservation pour un vol, une carte d'embarquement d'un autre vol et un boarding pass plutôt incompréhensible… ce qui semble faire foi, c'est le griffonnage que l'on m'a remis sans explication lors d'un de mes précédents contrôles et qui aurait dû m'aviser qu'il y avait changement de programme.
Au-delà de la barrière linguistique, le personnel de l'aéroport est très peu coopératif et surtout avare d'explication. Bref… je suis dans une situation totalement absurde. Coincé en zone internationale, avec un papier tamponné comme quoi j'ai quitté le pays. Je suis assigné à une salle d'attente sans avoir le droit de revenir en arrière, sans pouvoir non plus avancer, sans internet, sans pouvoir revenir à Bangkok, le tampon de sortie excluant tout retour…je n'ai pas de visa pour l'inde et je n'ai pas de solution pour partir vers la France. Il n'y a de toute façon que deux vols par jours et les deux sont entre une heure et deux heures du matin… soit vingt – vingt et une heure plus tard.
Pas d'argent, pas de devises, pas de net….
Je finis par trouver un moyen de me connecter au net par une entreprise évidemment contrôlée par le conglomérat TATA… Tata en inde, c'est un peu comme Bouddha en Thaïlande, il est partout et peut prendre diverses formes mais tout le monde semble le respecter comme un dieu. Les accès réseau sont plutôt très bas débit et surtout extrêmes limités dans le temps. Je reçois un message de MO qui me dit ne pas avoir de problème de son coté (elle est passée par Taipei). Je suis soulagé pour elle.
Je check le web, et j'en profite pour collecter quelques numéros dont celui de l'assurance de la carte bancaire, celui du consulat à Bombay et de l'ambassade de France à Delhi. Je ne ressens pas encore la fatigue parce que je tiens sur l'adrénaline mais il est déjà bien plus que quatre heures du matin.
Il me reste un peu de connexion et j'appelle mon amie Sabrina pour la tenir informée de ma galère. Je passe un coup de fil au service de permanence de l'ambassade de France. Je comprends que je suis tombé sur une brave dame très gentille et compréhensive mais qui ne peut pas grand-chose pour moi à part me donner le 06 du consul de France à Bombay.
Je l'appelle, il a l'air bien réveillé pour une telle heure, mais il me dit que bon, ça ne l'étonne pas trop, que je ne suis ni le premier ni le dernier, et que je dois insister pour obtenir de l'aide auprès du personnel, des policiers, des douaniers. C'est drôle, mais j'ai l'impression qu'il tente de se défausser. Je comprends, je n'ai pas de solution pour moi même alors j'imagine bien qu'il ne doit pas en avoir beaucoup pour moi.
Je finis par trouver les douaniers plus sympas que le personnel commercial.
Les personnes les plus sympas sont étonnamment les douaniers et les agents de sécurité. Mais devant ce sac de nœud, ils me renvoient vers le personnel « commercial » et m'avouent qu'ils s'occupent de la sécurité et que pour le reste ils ne peuvent rien pour moi mais en profitent tout de même pour mater mon passeport. Il va falloir que j'y jette un œil moi aussi; ce n'est pas possible un succès pareil, il doit y avoir une photo de cul entre les pages…
Entre temps, mon crédit Internet c'est épuisé. Je sais que mon mauvais plan est heureusement couvert par l'assurance de ma Mastercard. Alors pour résumer ma situation, je suis dans la zone internationale à l'aéroport de Bombay, je n'ai pas de visa pour l'inde et ce n'est pas simple ni rapide d'en obtenir un. Je ne peux pas revenir sur mes pas, je n'ai pas de devises, pas de moyen d'en retirer, pas de connexion à internet et je dois booker un aller Bombay-Paris, mais il n'y a pas de guichet et personne n'a envie de m'aider. Je dois avoir une vraiment salle gueule ou alors ça ne le fait vraiment pas entre les indous et moi.
Sorti de la mouise totale par la France et les amis.
C'est finalement Sabrina qui m'aidera à me tirer de cette mouise en me bookant un billet à distance, en le recevant sur ma boite mail (il faut vraiment que ce soit une amie, mais je n'ai vraiment rien à lui cacher… c'est ça aussi un ami). Elle me transmet le numéro par texto et je mets encore une demi-heure à comprendre que je dois me démerder tout seul pour imprimer mon boarding pass sur une borne coincée quelque part dans un coin des coulisses. Evidemment c'est à moi de la trouver tout seul. Personne n'est disponible pour m'indiquer quoi que ce soit.
Je peux enfin reprendre ma route… pas trop loin, au moins je vais enfin sortir de cette salle d'attente. Je repasse la douane. Tout le monde se souvient de moi, mais j'ai droit à une nouvelle fouille en règle. Ça va, je n'ai pas à me déshabiller ni me pencher ni tousser; je reperds juste une nouvelle demi-heure, mais je ne suis vraiment plus à ça près.
Longue attente chez les escrocs
Je prendrais bien un café, mais je n'ai pas de devise. J'avise un bureau de change qui prend la visa, mais là encore on ne se comprend pas… j'essaie vainement de lui expliquer que je voudrais la contrepartie de 30 euros en Roupies.
Je pensais avoir vécu des sommets avec les tuk-tuk Thaïlandais, mais j'étais bien loin du compte par rapport à l'inde. Sur la vitre du changeur, le cours de l'euro est à 91. Je fais un rapide calcul et lui indique avec ma calculette que cela devrait faire environ 2750 Roupies. Pas du tout me répond-il, ça c'est dans le sens vente… si je veux acheter des Dirhams, il ne me propose au mieux pour trente euros que 1571 Dirhams… ouaaa 91 à l'achat, 71 à la vente….
je n'ai jamais vu ça, même chez les usuriers des cercles de jeux du treizième qui essaient d'abuser de l'ébriété de leur client. Je laisse tomber l'affaire. Je resterai sans devises et sans rien bouffer jusqu'à ce soir ou plutôt demain matin…
Il ne me reste plus que 20 heures à patienter et je n'ai même pas faim. Je ferais bien un petit somme, mais je vais oublier. Les sièges de l'aéroport sont tous dotés d'un dispositif anti sommeil et putain, j'ai déjà mal au cul….
Je viens de rencontrer un autre français et un italien qui sont dans la même situation que moi. Ils sont déprimés et je me retrouve à leur remonter le moral et leur expliquer le côté positif de l'aventure… au moins les toilettes sont propres gratuites et toutes munies de douchettes. Il faut reconnaitre que c'est la classe. Pas de madame pipi devant son bol de pièce mais un majordome qui officie avec soin avant chaque prestation et s'assure de la propreté du lieu allant même jusqu'à m'accompagner dans le sein des saints. C'en est même gênant.
C'est sur… plus jamais l'Inde ni Jet Airways.
Ce n'est probablement pas de la faute des indiens, mais un regrettable concours de circonstances. Au moins je ne suis pas seul et je n'ai pas trop à m'en faire pour mon Karma…Je sais juste que je n'ai aucune envie de jamais poser un pied sur ce pays. Rien ne m'y attire, son fourmillement me fatigue et j'ai tant envie de retourner en Thaïlande que ma vie est trop courte pour accomplir les deux correctement.
Si quelqu'un pouvait témoigner d'une galère similaire ou même pire on pourrait se faire une petite olympiade… le pire c'est que cela doit bien faire quelques mois que je les cumule avec les transports….mais pour une fois et c'est bien la seule, je n'y suis pour rien.
Je les trouve quand même gonflés de s'auto attribuer le titre de leader mondial de la classe etc…Il faut avoir passé vingt-quatre heures dans un aéroport pour en apprécier les limites. J'ai pu mesurer que la fréquentation est loin d'être à la hauteur de la taille de l'infrastructure. Sans excès de chauvinisme, mais je suis un peu fatigué de l'auto flagellation nationale systématique, je serai curieux de voir l'état de cet aéroport avec seulement le quart du trafic de Charles de Gaulle.
+ Et – de l'aéroport de Bombay vu de ma fenêtre.
Les +
Propreté.Calme (relatif)..
Neuf.
Luminosité.
Prises de recharges électriques nombreuses et gratuites.
Pas de trace de Mac Donalds.
Les –
Froid, voir glacial.
Wifi Introuvable et très peu disponible.
Absence de distributeur automatique.
Nombreux lounge très luxueux mais accessibles uniquement par invitation aux business et aux premières.
Aucun moyen de se reposer autrement.
Impossible de ne pas manger Halal.
Change prohibitif.
Prix généralement très élevés pour quoi que ce soit.
Sièges d'attente très inconfortables et anti repos.Prix et tarifs non affichés…
personnel désagréable et ne souhaitant donner aucune explication… (on finit par trouver, mais ce serait si simple)…