Graffiti underground

le-mec-de-lunderground

Le wagon est vide. Je sors mon marqueur noir et pose quatre « NYA » sur le siège en face de moi. Je me lève et grave la même sur une vitre, avec les clefs de mon antivol. Je change de posca, prends le vert et commence à taguer partout où je peux : sur les murs, les sièges, les affiches, le sol et les portes. Trop marrant, ils vont jeter le wagon après mon passage, tellement que je l’aurai défoncé. J’aperçois trois graffs des « BLACK SNAKES ». Le kif ! Je vais les toyer, ça va leur foutre la rage. Je ne vais pas marquer mon blase « NYA » par dessus les leur, je n’ai pas envie de mourir, mais je vais faire un gros coup de putes : je vais inscrire le blase de « YELLOW1 » à la place, vu que je ne peux pas saquer ce bouffon. YELLOW1, il a serré mon ex. Le jour où les BLACK SNAKES vont s’apercevoir qu’ils ont été toyés, ils vont tout faire pour le retrouver et lui défoncer la gueule. Je suis vraiment un fouteur de merde ! Et j’en suis fier.

Je sors mon marqueur rouge et pose YELLOW1 sur un graff bien tracé des BLACK SNAKES. Ils sont doués ces mecs mais c’est normal vu qu’ils n’ont que ça à branler de leurs journées. Moi, je suis au bahut, je n’ai pas le temps de trainer comme eux. En plus, ils ont facile dix ans de plus que moi. Quand j’aurai leur âge, je serai aussi balèze. J’ai vu un reportage sur eux une fois, à la télé. Leur boss, je ne sais plus comment il s’appelle, a pris plus de dix ans pour avoir retourné la ville, et pour des agressions aussi. Les BLACK SNAKES sont des putains de connards, même s’ils fournissent de la bonne ganga. Leur délire, c’est de défoncer d’autres graffeurs et de filmer en même temps. Vieux délire ! Un de leurs petits frères m’a déjà cogné et dépouillé.

Un autre BLACK SNAKES est peint sur la vitre qui sépare mon wagon d’un autre. Au moment où je m’apprête à toyer une deuxième fois sous le blase de YELLOW1 et de rajouter « les BLACK SNAKES, j’encule vos mères ! », je me rends compte qu’un groupe de keufs dans le wagon voisin inspectent le train et ne vont pas tarder à débouler dans ma rame. Merde ! Je dois me débarrasser de mes poscas. Putain, ça ne sert à rien, mes doigts sont multicolores, je suis cramé à des kilomètres. En plus j’ai un tee-shirt NYA, je suis trop con. Putain, qu’est-ce que je fais ? Si mes darons sont obligés de venir me chercher au comico, je peux dire au revoir à toutes mes sorties, jusqu’à mes dix-huit ans. Je dois me casser d’ici. J’hésite à tirer la manette d’urgence pour arrêter le train et me tailler de là en vitesse mais je crois que ça ne va pas le faire. En plus, un mec s’est fait arracher le bras comme ça l’année dernière, fauché par un train. J’ai envie de pleurer. Je me calle tout au fond du wagon, je vais ranger mes mains dans mes poches et faire semblant de dormir.

Les flics ouvrent la porte qui sépare les wagons et entrent dans ma rame. Je flippe grave. Le métro arrive en gare, je vais peut-être pouvoir m’esquiver. Les cops regardent un peu partout le bordel que je viens de foutre. Je me lève et crame qu’un de ces connards touche un YELLOW1 pour voir si l’encre est fraiche. Il se tourne vers moi :

-Dis-donc toi, là bas !

Je me sauve, quitte le wagon à toute vitesse et sprint sur le quai jusqu’à la sortie. J’entends un coup de sifflet et un « monsieur, arrêtez-vous ! ». Je bouscule un mec et une vieille, zigzague entre les voyageurs, monte l’escalier comme une flèche et passe les tourniquets. Je quitte la gare et continue de courir sans regarder derrière moi. Je crois que je les ai tracés. Je prends une rue sur la gauche, une autre perpendiculaire et m’arrête pour souffler. Je jette un coup d’œil derrière moi : personne. Putain, j’ai vraiment trop flippé ! Je ne me voyais pas passer une nuit en gardav, j’ai entendu des trucs de fous comme quoi on t’enculait quand tu te baissais pour ramasser une savonnette. Je colle un stickers sur la vitre d’une boutique et trace. Bon, je ne suis pas très loin de chez moi, ça va bientôt être l’heure de rentrer. Si j’arrive en retard, je sens bien que ma daronne va me faire chier. Déjà hier, elle m’a soulé pour un truc à la con. Je passe d’abord prendre un peu de beu aux SKALSS. Je rejoins le petit square et appelle SIJAY sur son portable :

-Allô ?

-Allô SIJAY, c’est NYA ! Vous avez quelque chose ?

-Ouais ! Attends-moi en bas de mon immeuble, on arrive.

-Ok, à tout d’suite !

Je traverse le square et rejoins l’immeuble de mon dealer. SIJAY et son pote OKI ONE, les deux SKALSS, sont des anciens dans le graff. Ils ont l’âge de mon grand frère et ils ont déjà fait des trucs de fous : graffs sur les métros, les ponts, les souterrains de la ville, les camtars de marchandises, les bus, et tout un tas de trucs. J’aimerai trop devenir comme eux quand j’aurai 24 ans.

Les SKALLS débarquent au bout de cinq minutes. Je les tchèke, ils me font rentrer dans la cage d’escalier :

-Ça va ma p’tite garce ? Me demande IKI ONE en me pinçant fort la joue.

-Lâche-moi putain, t’es relou !

-Bah alors ma pucelle, pourquoi tu t’énerves comme ça ?

-J’m’énerve pas mais tu m’soûles quand tu fais ça !

Il est chiant IKI ONE ! J’échange mon billet de vingt dolls contre un sachet de weed que je fous dans mon caleçon, entre mes couilles.

-Putain, tout à l’heure j’ai failli m’faire péter en taguant ! J’explique aux SKALLS.

-Dur pour toi ! Fais gaffe, les cops ils plaisantent pas avec ça.

-J’m’en fous, j’les ai tracés ! Vous savez c’que j’ai fait dans l’tromé ? J’ai toyé les BLACK SNAKES avec le blase d’un mec que j’peux pas saquer.

Je pensais les faire marrer mais nan :

-Abusé ! C’est pas bien d’faire ça, ça sert à rien en plus. Franchement, t’es un gamin !

-J’m’en fous, ça m’a fais tripper.

-T’es vraiment débile !

-J’regrette pas ! Vous allez graffer cette nuit ?

-Yes, mec !

-J’peux venir ?

-Nan, c’est mort, trop dangerous, c’soir on va dans les souterrains.

La chance !

-Sérieux ? Laissez-moi venir, s’il vous plait, j’ai trop envie d’ graffer avec vous.

-Oublie, c’est pas d’ton âge ! En plus on va en dessous de la zone black, ça craint trop pour toi. Toi qui sais tout, t’as entendu parler des disparitions et des macchabées qu’on a retrouvés sous l’quartier ?

-Ouais ! Mais j’m’en fous si j’suis avec vous.

-Tu sais qu’y a pas longtemps, un tagueur s’est fait trancher une main dans les égouts ?

-J’m’en fous d’ça, on est trois. À trois, l’meurtrier qui traine en dessous, on l’défonce.

-Bon, laisse-tomber l’nabot, tu vas être un boulet pour nous. Lâche l’affaire !

Mais moi, j’ai trop envie d’y aller :

-J’m’en fous, avec ou sans vous, j’irai quand même.

                                                                                                *

On tchèke le petit NYA qui commence à devenir casse-couille, puis on remonte chez IKI ONE. On se pose dans le salon, le cousin étale la CC sur la table basse et s’enfile une poutre dans le pif. Je prends mon briquet et décapsule une teille d’Heineken. J’allume une clope, me tape une ligne et fais glisser toute la bibine dans mon estomac. Ça va être du bon ce soir ! Du pur underground !

Je me lève et pars chercher les bombes dans le placard de l’entrée. Je les fous dans le sac à dos pendant qu’IKI ONE breake et rape en playback sur un bon son old school. Je me sens un peu sous pression, un bon gin bien sec me fera du bien. Je remplis le verre au tiers et m’enquille le remontant. WHAAAA ! J’éclate une Malback et me pose sur le canapé. Petit trait dans le zen. WHOOOOOOOOO !

-Il est dingue NYA, ce p’tit con ! Me sort IKI.

-Ouais ! Tu roules un cône avant qu’on trace ?

-Nan, ça va nous démotive, par contre une lichette…

-Vas-y !

On se défonce le nez. IKI ONE a un blème avec la poudre. Il n’arrête plus, il se la colle toute la journée. Ça m’emmerde pour lui, c’est un refrè. Je lui fais la remarque, il me répond que je suis archi mal placé pour lui dire un truc comme ça. Je me ressers un dernier verre et on décide de calter.

Je pécho le sac à dos blindé de bombes, on se barre de chez IKI ONE. Je me sens nerveux et excité en même temps, à cause de la CC ou de la putain de nuit qui nous attend. Dans l’ascenseur, je gobe un cacheton de Lopéramide pour m’éviter une coulante dans les souterrains de la ville. On quitte le building et on traverse le square. Une caisse de cops passe devant nous, je flippe qu’ils s’arrêtent et contrôlent mon sac à dos mais nan, la caisse trace. Je reçois le coup de fil d’un client, je lui explique que pour ce soir c’est mort mais que pour demain, ça devrait le faire.

 Pendant qu’on longe la grande avenue qui mène au quartier black, IKI ONE tague tous les murs qu’il peut et gueule un tas de conneries. Je lui demande de se calmer, aucune envie de me faire serrer. Le pote m’a foutu plusieurs fois dans la merde, à cause de son manque de discrétion. À l’ancienne, je me souviens d’une fois où monsieur, défoncé à la white, avait cramé une poubelle juste devant le comicar. On aurait pu prendre très cher, cette nuit-là. IKI ONE s’arrête devant l’armurerie de l’autre facho et tague « dans ton cul de bonehead ! », sur la vitre de la boutique. Moi, je pose mon blase,  SIJAY. IKI ONE se baisse pour ramasser une grosse pierre. Putain, qu’est-ce qu’il fout ?

-IKI, qu’est-c’que tu branles ?

-Rien !

Je n’ai pas le temps de l’arrêter, il balance de toutes ses forces la pierre contre le magasin. La vitre se fissure, l’alarme de l’armurerie se déclenche. On se barre en courant. Putain, quel enculé ! Dans la course, je lui dis que c’est un gros con, il se marre comme un gamin. On ralentit puis on reprend notre marche.

-IKI franchement, arrête ! T’es ultra relou mon gars !

-Putain, t’es coincé ! Ça sert à rien d’aller graffer si c’est pour s’faire chier.

-Et ça sert à rien d’aller graffer pour terminer en GAV.

Il me vénère ! On rentre dans le quartier black. La pression ! Il va falloir faire profil bas et se fondre dans le décor, on relève nos capuches. Ce n’est pas bon de trainer trop longtemps dans le quartier, à cette heure-ci ça pue l’embrouille et les BLACK SNAKES. Deux blancs dans cette zone, ça ne le fait pas du tout. L’année dernière dans le coin, un règlement de compte s’est terminé en boucherie. Je m’en rappelle bien, ils en ont parlé longtemps aux infos.

On débarque sur la grande place. C’est crade ici ! On fait un détour pour esquiver un groupe de lascars puis on prend notre petite impasse. On stoppe devant la plaque d’égout, celle qui va nous conduire aux souterrains. C’est bon, on y est ! Je sors le pied de biche de mon sac, IKI ONE fait le guet. Je décale la plaque d’égout, une odeur de chiasse remonte à la surface. Dur ! Le pote me regarde, dégoûté :

-Putain, ça schlingue la mort !

-Tu m’étonnes ! Tu passes en premier ?

-Nan ! Toi, vas-y, j’te suis !

Fait chier ! Bon, on ne va pas y passer la nuit. Il y a à peine un mètre cinquante de profondeur, je m’assieds au bord du trou et saute sans réfléchir. IKI ONE  suis le mouvement puis replace la plaque d’égout derrière nous. On se retrouve dans le noir quasi-complet, recroquevillés comme des cons. Le pote allume sa lampe torche et chantonne la parodie d’une zik angoissante. Je me marre pour décompresser et éclate une clope. Ça fouette le rat crevé et la fausse commune. J’aurais dû embarquer le baume du tigre, pour me l’étaler sous le pif. Je n’y ai pas pensé.

-Bon, on fait quoi ? Me demande IKI ONE.

-Bah on avance, normalement au bout d’un moment on doit tomber chez les taupes.

Il s’arrête :

-Quoi ? T’es sérieux là ? On va quand même pas graffer chez les squatters ?

-Et tu veux qu’on graffe où ? Y a d’la place chez eux et c’est plus éclairé.

-Ouais mais ça craint quand même, nan ?

-Nan, ça va, tant qu’tu les fais pas chier ils t’prennent pas la tête. Par contre faut pas qu’tu gueules, sinon tu vas les vénère.

-Et si j’siffle ?

-Arrête d’être relou !

On reprend notre marche dans le dédale jusqu’à un conduit. C’est le moment qui me gave le plus. IKI commence à piger :

-Tu comptes rentrer là-dedans ?

-Ouais !

-Casse les couilles !

Je me fous à quatre pattes et m’enfonce dans le tube. Il ne faut pas être claustro ! IKI vient derrière moi.

-Tu m’pètes pas dessus hein ? Il me fait.

-Ta gueule !

J’avance dans cette putain de crasse. Heureusement qu’on a prévu le coup et qu’on s’est sapés comme des pouilleux, ça m’aurait soûlé de devoir jeter des fringues neuves. À mon avis, on va sortir de ce bourbier dans un sale état. Ma main se pose sur un truc mou qui ressemble à une merde. Dègue ! Je m’essuie sur la paroi du conduit. Faut vraiment avoir le mort !

-C’est crade ! Me fait IKI.

Le passage se resserre de plus en plus, on va devoir ramper, façon « die hard ». Je m’allonge sur le ventre et tire sur mes bras pour avancer. Ça glisse, grâce à cette boue dégueulasse…Bordel, un rat ! Il est énorme ! Je protège mon visage et hurle, le rongeur s’enfuit en poussant des cris. Ahhh, putain de merde ! Une bestiole comme ça qui te croque, tu douilles et tu peux vite pointer à l’hosto, je ne te raconte pas toutes les maladies que ça porte.

-Qu’est-c’qui s’passe ? Me crie IKI derrière moi.

-Un putain d’rat ! Je réponds.

Je suis happy de passer le conduit. On atterrit dans un long couloir, légèrement éclairé par une source inconnue. Le plafond est haut, je m’étire pour kiffer l’espace. Ça y est, on arrive chez les taupes. Pression ! IKI ONE se met à danser.

-Tu veux pas t’arrêter cinq minutes de faire le bouffon ? Je lui demande.

-Hey, franchement t’es relou ! Tu fais qu’casser les couilles.

-C’est toi qui casse les couilles !

-Nan, c’est toi qu’est relou. J’fais rien et tu t’vénères tout le temps.

Je lâche l’affaire. En entendant résonner nos voix, je me rends compte qu’il y a un écho de malade dans ces souterrains. Je me rends aussi compte que nos pieds pataugent dans la flotte, les algues et pleins d’autres trucs dégueulasses. Ça pue ! On progresse dans ce bourbier, je capte rapidement les premiers tags et graffs. Il y a eu du passage, par ici.

Je sors deux bombes noires du sac et en file une au coéquipier. Sur notre chemin, on pose quelques SIJAY, IKI ONE et SKALLS. J’en profite pour regarder les blases de ceux qui sont déjà passés par là. Peu de gars réputés et ces tarés de BLACK SNAKES. IKI s’arrête pour pisser. Je ne l’attends pas et continue ma route. Je vais trouver un mur parfait où poser un graff, mais alors THE graff ! Je tombe sur une sale pas trop sombre, aménagée à l’arrache : un matelas est posé dans un coin, à côté d’une chaise sur laquelle sont empilées des casseroles et des boites de conserves. Quelqu’un habite ici, je ne vais pas trop trainer. Je sors la bombe blanche de mon sac et commence à tracer les lettres : d’abord le S, ensuite le K, le A, les deux L et enfin mon dernier S. Je remplis l’intérieur de blanc et contourne le blase avec du noir.

Un bruit de pas vient me déconcentrer. Je me retourne en croyant voir IKI ONE mais c’est un gars crasseux qui apparait. Je sursaute. Une taupe ! Putain, il m’a fais flipper avec sa gueule, sa longue barbe et ses sapes déchiquetées. Le gars me regarde sans rien dire. Je crois que je le fais balise.

-Salut ! Je lui dis pour lui montrer que je ne suis pas venu ici pour embrouiller qui que ce soi.

-Tu veux quoi ? Il me demande avec une voix cassée.

-Nan rien, je pose des graffs.

-T’as une clope ?

Je sors une Malback de mon paquet et lui passe. Il la calle sur son oreille. IKI ONE débarque dans la petite salle :

-Putain SIJAY, c’est énorme, y a un graff…

Il s’arrête de parler en voyant le clodo. Je ne sais pas comment font les taupes pour vivre ici, au rythme de la pénombre, de la crasse, de l’humidité, des agressions…C’est vraiment un univers à part. Il y aurait vraiment un reportage à tourner ici.

-Y a du monde qui vit ici ? Je demande au pouilleux.

-Plein ! Y a plein d’monde…Vous avez d’l’alcool ?

-Nan ! Et si on avance dans l’couloir principal, on va croiser du monde ?

-J’sais pas, ça dépend. Vous avez pas d’alcool ?

-Nan, pas d’alcool !

-Ya du monde mais faut pas trop déranger. Plus vous vous enfoncez et plus y a du monde. Moi j’reste tout seul à cause des toxicos.

-Et tu sors pas d’ici ?

-Pas beaucoup mais un peu.

-Attends ! Tu passes quand même pas par l’conduit pour bouger d’là ?

-Ah nan, moi j’passe par un autre endroit.

-J’avoue, j’te voyais mal ramper comme un ranger.

IKI ONE ne participe pas à la conversation et termine le graff que j’avais commencé. Je le laisse faire puis lui propose de se tailler, on ne va pas rester ici 107 piges. Les souterrains de la ville sont un paradis pour les graffeurs, autant explorer tout le potentiel !

-Vous redonnez une cigarette ? Nous fait le clodo.

Je lui en refile une.

-Merci. Sympa ! Allez pas vers la vieille gare !

La vieille gare, la vieille gare…Ça me dit quelque chose.

-C’est quoi la vieille gare ?

-C’est la vielle gare qu’ils ont commencé à construire et qu’ils ont jamais fini. Faut pas y aller là-bas.

Ah ouais, je me rappelle, c’est là qu’un graffeur s’est fait trancher la main par un ouf et c’est dans ce coin là que les keufs ont récupére les cadavres.

-Ok ok, on n’ira pas.

-Faut pas !

On se bouge. Pas que ça à branler que de lâcher mes clopes à un charclo ! On reprend le chemin de l’artère principale. Le spot est de moins en moins éclairé, déjà que ce n’était pas terrible, et grouille de rats. Il m’a fais flipper, celui de tout à l’heure. Sur le chemin, on commence à croiser quelques silhouettes, souvent allongées par terre. J’entends aussi des chuchotements et des gens tousser. Putain, comment on peut vivre dans les souterrains ?

IKI ONE déniche une grande salle sur la droite, certainement un ancien entrepôt. Le spot est très sombre, on allume la lampe-torche pour s’y retrouver. Beaucoup de graffeurs sont passés par là, dont des pointures comme O’CLOCK. Je fais le tour de la pièce comme si je visitais dans une galerie d’art et tombe sur une porte fracturée. Je préviens mon pote qui tague son blase sur celui d’un autre :

-IKI ! Viens voir, y a une salle de l’autre côté !

Il se ramène, on pousse la porte et là : le paradise ! Un village souterrain dédié à tous les gueurtas. Ça doit-être une ancienne banque. La salle est immense, élevée sur trois étages, des échafaudages pendent de partout et aucun coin de mur n’est épargné par les writers. IKI ONE s’excite :

-Whaoooo ! Putain, v’là le spot ! Les graffeurs ici, ils ont tout retourné.

On prend l’escalier en ferraille pour descendre au rez-de-chaussée, puis on trace notre route, en quête d’un mur un peu clean.

-SALOPE ! Se met à hurler IKI ONE.

-Putain mais ta bouche ! Ça va pas d’gueuler comme un connard ?

L’écho du « salope » résonne encore avant de se perdre dans l’underground. Bon, il nous reste deux solutions : ou on peint un graff de porc ici, sur d’autres, ou on continue à fouiner pour trouver un muret sans concurrence. Ça ne va pas être easy ! On s’arrête de marcher, j’ai entendu quelque chose. On n’est pas tout seul, des gars tchatchent pas très loin. Des potes ? Je n’en sais rien mais en tout cas, ça parle fort. Ça vient d’où ? De derrière cette porte. J’aime bien croiser d’autres graffeurs dans mes missions, je trouve ça golri. J’ouvre la lourde et tombe sur quatre renois en plein taf. Des bouteilles d’alcool sont posées par terre, au milieu des bombes de peintures. Les quatre blacks me reluquent : je reconnais VZX, un type des BLACK SNAKES. Je me mange une patate en pleine gueule.

                                                                                        *

Je décroche une golden au putain de babtou pendant que les potos défoncent l’autre enculé. Putain de graffeurs de merde ! On les laisse en plan, KO par terre, puis on péta leurs bombes et la casquette du grand kes. Bande de petites salopes ! 2BORNOT leur pisse dessus et molarde sur leur sale face de bourge. DUTCH éclate son splif de bubble, KAISER termine son graff et on se natchave sans vérifier s’il y a quelque chose à carotter dans les fouilles des deux tarbas.

On se barre de la petite salle puis de la grande et on retourne dans le couloir principal. J’espère qu’on va retomber sur d’autres gueurtas, ce n’est pas ici que les lardus nous empêcherons de tripper. Je suis foncedé à bloc et j’ai envie de me bastonner, bouillave un chien de la casse et lui péter les chicos. On avance dans ce putain de labyrinthe éclairé comme le trou de mon derche. Je pose un VZX sur le graff d’un fils de pute et un BLACK SNAKES stylé sur un NYA dégueulasse. Ça commence à fouetter le fion mortel dans ce delbor !

-Wesh, y en a qui s’chient dessus ou quoi? Je gueule.

Les potos se marrent. Je tente de taguer un autre VZX avec ma bombe rouge mais il n’y a plus de peintures dedans. Je tèje la bombe le plus loin possible, un type que je ne vois pas se la mange et demande ce que c’est. Je lui réponds du tac au tac :

-C’est ta mère à quatre pattes, fils de chien !

J’entends du monde técale de là, les taupes pigent qu’on est venus foutre le sbeul.

-C’est ça, bande de petits bâtards, cassez vous les clodos !

En avançant dans le tunnel, on téma toutes les pièces du souterrain, voir s’il y a quelque chose à y foutre. 2BORNOT finit par dénicher une planque qui donne sur un autre couloir, plus crasseux mais aussi plus éclairé. On prend cette route, ce sera mieux. Je kifferais tomber sur une réserve de lingots, je sais qu’il y a de la maille dans les souterrains. Enfin bon, il ne faut pas flyer non plus ! Kaiser rape derrière moi pendant que Dutch éclate un pilon. C’est stylé, une bonne odeur de zèbe pour recouvrir celle des égouts.

-Ça sent bon ici ! Nous sort une voix de bonhomme.

Je chouffe un peu partout puis rodave une silhouette assise par terre, le dos contre un mur. Je me rapproche d’elle et éclaire sa face avec mon briquet. Le type baisse la tête, la lumière de la flamme a l’air de l’agresser. Le gars est un karlouche tout greume, barbu comme Al Quaïda et tiffé comme un rastaman.

-Vire la lumière ! Me fait cette putain de taupe.

-Tu crois qu’tu parles à qui enculé ?

Je grille une pipe à crack juste à ses pieds. Un  gueuche !

-Donnez-moi du bédo et j’vous laisse taguer ici ! Il nous propose.

Il a cru qu’il était chez lui ? Il a cru que c’était le boss ? Il ne connait pas les BLACK SNAKES, ce putain de narvalo ! Je vais lui montrer qu’on n’est pas des baltouzes. Je le couche d’un gros kick dans la mâchoire, une taupe que je n’ai pas cramée me saute dessus et me griffe la gueule. 2BORNOT et DUTCH le chopent et le défoncent méchamment, à base de directs et de penalties dans la face. Je touche ma joue. Ça saigne, cet enculé a planté ses gros ongles de clodos. Si je choppe le cancer du sida, je saurai que c’est à cause de cet enculé de cloche. Je m’approche de sa carcasse en biais et lui piétine la gueule. Fils de pute ! Sale race de toxs ! KAISER fout des coups de chlass dans le matelas posé par terre et on se tire de ce spot d’enfoirés.

Golri cette soirée ! Je le dis, ça va partir en dépouille ! Je taxe le oinj de DUTCH et esquive un putain de rat crevé. Splinter, le truc ! On dirait que plus aucune taupe ne traine ici, je n’entends que les pas des frolos. Normal vu qu’on arrive au bout du tunnel. C’était un cul de sac. Fait chier ! Ah nan, c’est bon, je capte une échelle qui amène vers un passage en hauteur. Je le signale au crew et grimpe le premier. 2BORNOT passe après moi. On arrive à l’étage, bad-trip, on n’y voit quedal et ça croundave la pisse et la gerbe. Dar ! J’allume mon briquet et avance dans cette putain de cave, DUTCH nous lance qu’on passe vraiment une soirée de merde. Il casse les couilles ! Je rodave un point lumineux, à environ cinquante mètres devant nous. De la balle !

-Les gars, y a d’la lumière là bas ! Je fais aux potes.

Pas de réponse.

-Oh les mecs !

Toujours pas de réponse. Je me retourne avec mon briquet encore allumé. Rien ! Putain, qu’est-ce qu’ils foutent, ils étaient derrière moi ? Je gueule :

-OH LES MECS ! VOUS BRANLEZ QUOI LA ?

Je reconnais la voix de KAISER :

-J’suis là ! J’suis là !

-Putain, mais qu’est-ce que vous branlez ?

-Bah moi rien, j’suis là, j’suis juste allé taguer à l’aveuglette, par contre les autres j’en sais rien.

C’est du délire ! 2BORNOT était juste derrière moi.

-2BORNOT ! DUTCH !

Toujours quedal. Putain, ils sont relous ! Je ne les ai pas entendus s’esquiver. Comment on va les retrouver maintenant ? Si c’est pour passer une soirée solo, je préfère remonter à la surface ! Ahhh bordel, ça me galère les phases de merde ! J’essaye de les appeler sur leur portable mais normal, aucun réseau ! Je lâche l’affaire. La lumière s’agrandit au fur à mesure qu’on avance dans ce bourbier, on finit par atterrir dans un spot immense et bien éclairé. Des lampes sont allumées, l’électricité fonctionne ici. Je ne pensais pas que c’était possible en souterrain. Ça veut aussi dire que du monde habite ici. Pas de chattes pour eux, on va tout retourner ! En plus, l’endroit est nickel de chez nickel, pas un putain de graff ni un putain de tag. C’est pour nous ! Dommage que 2BORNOT et DUTCH soient partis en vadrouille, ils auraient kiffé.

-Tiens, téma ! Me dis KAISER en me montrant la ruine d’un wagon de métro.

Je chouffe autour de moi : on se croirait dans une gare. Ouais, c’est ça, c’est une vieille gare qui n’a jamais dû être terminée. Stylé en tout cas. On s’approche de l’épave, KAISER me montre un écrito « interdit aux camés, nègres, pédés, voyous et graffitis ». Je me claque une barre de rire. Ils sont sérieux ou quoi ? Laisse-tomber, les psychopathes ! Je fais péter ma bombe noire et commence à tracer les contours des lettres de mon crew. KAISER passe de l’autre côté du wagon pour faire la même.

Je me demande où sont passées les taupes qui habitent ici. Je jette un coup d’œil dans le wagon : clean, rangé et même meublé. Attends que je termine le graff, je vais venir foutre mon dawa chez ces enfoirés de babtous. Quand ils vont revenir, je vais leur faire grailler leur écrito à ces bâtards ! À l’intérieur du wagon, je grille une perceuse, une scie et quatre ou cinq surins posés sur une commode. Carrément ! Un liquide rouge coule de la commode. On dirait même du s…PUTAIN ! J’entends le hurlement de KAISER et là, je me mange une pelle en acier dans la gueule.

                                                                                         *

Je l’emmène à la morgue en le trainant par les pieds. Il bouge encore mais plus pour longtemps. En fait il est déjà mort. Le tranchant de ma pelle à ouvert son cou, ça continue à saigner et pas qu’un peu, mon neveu. Je le pose dans un coin et retourne voir l’autre nègre dans le petit salon. Il vient de se réveiller et s’énerve après moi :

-Mec ! Hey mec ! Qu’est c’que j’fous là ? Détache-moi putain d’merde !

Je ne réponds pas.

-Putain enculé ! Retire-moi ces chaines ! Il est où KAISER ?

Il veut voir son pote. Je pars dans la salle de jeu pour récupérer ma scie et retourne à la morgue. Le nègre continue de gueuler. Insupportable ! Je ne suis pas habitué au bruit et ça m’agresse, mes oreilles n’aiment pas ça. Le bras du macchabée a arrêté de trembler. Je pose mon pied sur son ventre et essaye d’arracher sa tête en tirant très fort. Impossible, le tranchant de la pelle ne l’a pas assez coupée. Je finis le boulot à la scie, récupère la tête et retourne dans le salon. Le négro, enchainé sur la chaise de tata Brigitte, me casse les pieds à gueuler comme ça :

-Putain d’ta race ! KAISER ! KAISER !

Je pose la tête de son frère sur ses genoux, le noir hurle. Ces gens là n’ont rien à foutre de la tranquillité des autres. On leur a tout donné et voilà comment ils nous remercient. Quand les noirs auront pris le pouvoir et que les blancs deviendront leurs esclaves, nous on sera bien content de vivre en dessous. Plutôt crever que d’obéir aux nègres. Le problème chez ces gens là, c’est qu’ils ont une mauvaise influence sur nos enfants. Regarde, le petit gars que j’ai attrapé tout à l’heure, il aurait jamais fait ces conneries s’il n’y avait pas eu de noirs. Je le sais puisque les graffitis et les gribouillages viennent d’Afrique.

Bichon efface au solvant les peintures nègres qui dégueulassent l’extérieur de la salle de jeu, moi je retourne à l’intérieur pour voir comment va le petit. Je vais le laisser se tirer de là, ce n’est pas non plus de sa faute à ce petit gars. Il dort à poil sur la piste de danse, en position du fœtus. Je ramasse le sac plastique et lui balance ses pompes, son futal, ses mains et son tee-shirt NYA :

-Tiens mon grand, tu peux y aller !

Il ne réagit pas. Je lui mets un petit coup de pied dans la jambe :

-Allez p’tit gars ! Tu peux rentrer chez toi. Fais pas la tronche, tu comprends bien qu’nous on n’aime pas bien ça, les graffitis. T’aimerais ça toi, chez toi, que j’vienne dessiner des saloperies ? C’est pour ton bien, tu vaux mieux qu’un négro. Tu fais la gueule ? C’est quand même pas d’ma faute c’qui arrive. J’sais bien qu’c’était pas agréable mais comme ça t’emmerderas plus les braves gens avec tes conneries de dessins. Hey p’tit gars, j’te cause !

Aucune réaction. On ne peut rien leur dire à ces jeunes. De toute façon, la jeunesse est perdue. Ils imitent les nègres. Je lui redonne un coup de pied, fort dans les couilles, il ne se réveille toujours pas. Je crois qu’il est mort. J’appelle mon cousin :

-Bichon ! Bichon ! Viens voir !

Le gros lard rentre dans la salle de jeu :

-Hein ?

-Qu’est-c’qui s’est passé avec le petit ? Il est mort.

-C’est à cause de ses mains ! Ça saigne trop.

C’est vrai, quand on coupe les mains ça pisse toujours le sang.

-On a été sévères avec lui, hein bichon ?

-Moi j’veux pas qu’on l’enterre ! J’veux encore danser avec lui.

-Nan Bichon ! Ça va trop puer. C’est pas une porcherie ici. Retourne effacer les saloperies !

-D’accord !

Bon, comment va l’autre négro ? Je descends de la salle de jeu et regagne le salon. Le noir a arrêté de gueuler, il ne dit plus rien et ne fait que trembler. Je me fous devant lui et lance la conversation :

-Bon le nègre, on va parler. Raconte-moi ton enfance !

-C…Casse-toi !

-Tu commences mal. Les nègres parlent mal. On attend Tata Brigitte, elle sait coudre.

Le blackos me regarde, paniqué. Ça fait du bien, un peu de respect.

-Qu’est-c’tu vas m’faire ? Il veut savoir.

-Tata Brigitte va te coudre le bec, parc’que vraiment, vous les nègres, vous parlez très mal (je lui fous la scie sous le tarin)… Les graffiteurs, on leur coupe les mains.

Le nègre pète une durite. Il se débat de toutes ses forces en gueulant, comme s’il pouvait faire sauter les chaines. Bichon débarque dans le salon :

-J’ai finis d’effacer les merdes mon cousin. J’peux danser avec lui ?

Le nègre n’a pas l’air d’avoir envie de danser mais ça fera plaisir à Bichon. Nous les graffitis, on n’aime pas bien ça.

                                                FIN

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