Grand frère

charlinette

Sylvain, on dit "Monsieur Barrier" James, on dit " Monsieur Toseland". Moi je dis " merde" je veux parler à mon frère.

C'est étrange de ne pas savoir comment s'adresser à son frère, ou a sa soeur, quand on ne les connait pas, qu'ils sont Grands et Adultes dans leur vie. La sérénité voudrait que je ne me pose même pas ce genre de questions : mais avec eux, c'est indéniable, on a pas le choix. On se les pose quand même. Je lis tellement souvent le "pilote", le " champion du monde", le " motard", qu'au final, j"en viens à me demander si un jour j'aurais le droit d'appeler mon frère aîné, Grand frère, ou Sylvain, tout court, sans user de stratégies de communication pour avoir l'air bien classe comme gamine, comme jeune femme, ouai, de vingt-trois ans. Alors oui, je ne voulais pas de cette distance, moi. Pas de cette image là du Parfait Connard perché sur ses podiums et coupe à la main, au milieu de ses amis bien pensants et bien catégoriques sur les sujets suivants : Amour c'est dangereux. Le cul et le Sexe passent avant, du moment que la nana est soit, bien foutue, soit qu'elle a un nom, c'est bon. 

Puis moi, je suis là, même pas chez moi, chez mon meilleur ami et son copain, dans l'idée de ne pas m'installer pour trop longtemps parce que j'ai nul part où aller, pas de foyer stable, un boulot que je suis en train de chercher, à la rue en quelque sorte même si pour l'instant, ça n'est pas encore arrivé. J'ai peur des villes parce que je ne les vois plus pareilles. J'ai peur de l'avenir parce qu'un seul faux pas, un mauvais choix ou une malchance de plus, c'est la bascule dans un Monde qui n'est franchement pas enviable et bien pointé du doigt. Pourtant, quand je réfléchis, je n'ai pas de problèmes particuliers. J'ai fais des études, j'ai travaillé déjà, mais j'ai aussi été maltraitée psychologiquement par une multitude de gens, dont mon frère aîné. Ah, Le Champion ! Le Grand Champion adulé des foules et qui laisserait crever sa petite soeur dans la misère la plus totale. C'est un peu l'histoire de Renaud, le chanteur, avec son frère jumeau. Sauf que moi, je ne bois que de l'eau. 

Puis honnêtement, j'ai toujours été stable et malgré tout ce mal affligé sur moi, je le suis restée. Mais honnêtement, j'ai toujours eu envie de faire des projets, de les réaliser et de m'en sortir. Mais honnêtement, j'ai toujours eu envie d'écrire ce parfait Connard là sans arriver à trouver les mots : ce frère aîné. Les mots à ses moqueries. Les mots à sa bêtise. Les mots à sa méchanceté. Et quand je vois son meilleur ami, je comprends mieux d'où vient la stupidité de mon frère : James, Champion ! James, Pilote ! James, le grand Garçon tout Gentil ! En réalité, un tyran parmi d'autres plus attaché à ses affaires et avec pour seul caractéristique humaine, ce qu'on appelle en France avoir de la Charité : Vous savez, bonne famille, bien Catholique et Bien croyante qui ne juge en rien les plus démunis, parce que c'est très mal vu ! Attention ! 

Mais ce sont pourtant les mêmes qui tiennent des théories sur la vie, sur le monde sportif et des jours, je me dis que si Notre Monde va si mal, c'est à cause de gens comme ça. Il a lancé et sauvé la carrière de mon frère : Admiration familiale totale ! Mais s'il l'a fait c'est parce que y'avait du Potentiel. 

Au final, j'étais pareille, avant. J'aimais chanter, j'aimais créer, j'aimais écrire et j'avais à coeur de repérer les nouveaux talents, vision de l'excellence sportive et du coaching en but de performance : et puis quoi ? A quoi ça peut bien servir d'être comme ça ? Tendre une main à un pilote c'est faire couler son rival. Et c'est pareil, dans la vie. Tendre la main à mon frère c'était s'assurer qu'il couperait les ponts un jour avec sa petite soeur. 

Et aussi dingue et fou que cela puisse paraître, si je ne tiens qu'une seule personne pour responsable de la situation actuelle : ma situation c'est à dire à la rue ou presque, c'est lui. Ce James si parfait qui a rendu ma véritable famille tellement superficielle et tellement Conne. Ce Super James, adulé de ma belle-mère. Ces deux Stars, James et sa femme, qui mettent des paillettes dans les yeux de Sylvain. 

Pendant que la petite soeur, la vraie, est en train de crever dans l'indifférence la plus totale et ça, ça fait marrer. La folie fait toujours marrer, il faut croire.

Et mon frère aîné passe sa vie à rigoler.

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