Grand-maman

Lunapple

Grand-maman,

Je partage aujourd'hui une lettre que tu n'auras malheureusement plus la possibilité de lire.

Je n'ai jamais été brave dans la vie. Et donc, je n'ai jamais trouvé le courage de la partager avec toi et je ne crois pas que j'aurais pu le trouver, quoi qu'il ait pu se passer. Je le sais parce que ce que j'y ai écrit, c'est ce que je ne parvenais pas à te dire, de peur que tu ne comprennes aucune de mes paroles. Je me disais toujours : « Peut-être qu'un jour, je trouverai suffisamment de force pour la lui donner » , mais je retardais toujours le moment, car chaque fois que je croisais ton regard vide, dénudé d'émotion, je me dégonflais. Seulement, maintenant, il est trop tard. Tu es partie, ton dernier souffle a retenti, et je me sens minable.

J'ai toujours eu peur de ce moment où tu nous quitteras, alors que tu étais encore là, mais tout en devenant chaque jour un peu plus l'ombre de toi-même. Je me suis toujours demandée si tu percevais peu à peu les changements en toi. Te rendais-tu compte que tu nous quittais chaque jour un peu plus ? Que tes idées, tes souvenirs s'embrouillaient peu à peu, jusqu'à n'être que brume ? Te rendais-tu compte que ton propre corps t'échappait, que tu commençais à ne devenir qu'une simple coquille vide ?

Tu sais, je t'ai toujours comparé à un arbre à l'automne, digne et même majestueux, calme même dans la tempête, quand ses feuilles s'envolent en emportant des bouts de lui. Si au moins c'était pour les distribuer autour de lui. Mais même pas. Ses feuilles tombent, sèchent et personne ne peut les attraper. Que pouvions-nous faire de plus que, comme les enfants, faire une sorte d'herbier pour tenter d'en conserver quelque chose ? Personne n'a pu empêché le vent de souffler.

Et après cet automne-là est venu le froid de l'hiver. Le froid violent qui ne lâche pas sa proie lorsqu'il l'a saisie. Cet hiver-là a été une rude confrontation pour nous tous. Mais surtout pour toi. Car tu savais qu'il n'y aura plus jamais de printemps, plus de bourgeons, ni de rameaux.

J'aime imaginer que la vie est une sorte de chemin sur lequel on marche. Il n'est pas toujours très droit, on hésite parfois à un embranchement, il est parfois chaotique. Souvent on cherche à voir le plus loin possible devant soi. Parfois on souhaite se retourner un moment pour se rappeler d'où l'on vient. J'ai eu peur lorsque je t'ai vu te retourner pour n'apercevoir que de la brume. Comment peut-on chercher une voie devant soi quand il n'y en a plus derrière soi ? Il n'y a pas de futur sans passé. Il n'y a plus que le présent, l'instant. Il n'y a plus que de l'immédiat quand on sait qu'on ne saura plus. « Carpe diem » n'a aucun intérêt si on ne peut s'en échapper, s'arrêter pour penser, pour se souvenir, pour imaginer.

J'ai été chamboulé lorsque j'ai appris que tu étais partie, car je n'avais jamais été confronté à la mort avant cela. J'ai été triste, puis en colère, mais j'ai fini par être soulagée. Car même si tu es partie en laissant un énorme trou béant dans nos cœurs, je sais que maintenant, tu ne souffres plus. Que tu ne te sens plus perdue, que tu ne t'inquiète plus de ne pas savoir qui tu es et qui sont ses visages devenus maintenant inconnus. J'espère sincèrement que tu es heureuse là où tu es et que tu te sens redevenir toi-même.

 Je serai toujours moi, tu seras toujours toi, et mon amour pour toi sera toujours aussi fort. Je t'aime, et je t'aimerai toujours.

Bien à toi,
Ta petite fille.
  • Triste maladie pour l entourage. Texte très fort et poignant. Bon courage pour cette dure épreuve. J'ai perdu ma grand mère le 26 décembre dernier. Je comprends cette peine

    · Il y a environ 6 ans ·
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    posseidon

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