Grandir, mon fardeau...

khaoulatity

Un de ces soirs bien comme les autres, sur la route de retour de mon boulot, je suis passée devant une école.

J’ai regardé tous ces enfants courir à leurs parents après une journée scolaire, elle aussi bien ordinaire.

Je me suis rappelée le jour où j’étais comme eux, pleine de rêves et ayant zéro soucis, attendant avec impatience le jour où je serai grande comme ma maman moi aussi.

Je me souviens de tous ces jurons lancés à cause de mes examens qui approchaient, « A quand la fin de ces maudites études ! J’en suis tellement fatiguée».

« Profite bien de ces années, demain tu les regretteras. Le boulot n’est pas mieux, je sais ce que j’avance, crois-moi»

« Mais au moins je serai payée et quand je rentrerai, je pourrai faire tout ce dont j’ai envie ! Je n’aurais plus rien à réviser, et rien que cela me suffit ! »

Me voilà aujourd’hui au jour J tellement attendu, ma vie estudiantine bel et bien révolue.

Pourtant, tout ce à quoi je pouvais penser, est le nombre de choses que je leur enviais…

 

 

Je regardais ces visages et je leur enviais leurs soucis aussi profonds leur semblent-ils,

Qu'aimerais-je encore n'avoir de pire à craindre qu'une mauvaise note et le regard désapprobateur de mon père!

Avoir des rêves colorés, des idées pour lesquelles nul besoin de tenir le moindre fil,

J’envie leurs insouciances, leur immaturité, leur manque de règles et de repères !

Je leur envie que rien ne leur soit encore définitif, tracé, limité,

J’envie leur lendemain qui n'est que promesses, "si", infinité,

Qu'ils peuvent donner toutes les couleurs qu'ils veulent à leurs futurs encore possibilités.

Je leur envie que tout ne leur soit encore qu'une liste de souhaits,

Qu'ils façonnent au gré de leurs envies, en croyant dur comme fer à leurs probabilités…

J'envie leur ignorance et leur plein droit à l'erreur, aux bêtises, aux folies insensées ;

J’aimerais tant moi aussi me tromper, et être trop jeune pour vraiment l'assumer !

Je voudrais tant revenir à ces jours où mes pires erreurs étaient d'avance pardonnées,

Sans avoir à endurer en plus de la peine de l'échec, la peine de devoir encore et encore le justifier!

Moi aussi je voudrais encore ne pas pouvoir,

Sans que j’aie à le justifier, ou à créer des excuses!

Je voudrais simplement, sans expliquer, encore ne pas aimer, ne pas savoir

Sans que de tous les noms on me traite et d'ignorance honteuse on m'accuse!

Ils doivent encore avoir plusieurs meilleurs amis,

Qu’ils définissent selon ce qu’on se raconte, et combien avec eux on rit !

Demain certains resteront, mais d'autres seront partis,

C'est juste qu'ils ne le sachent pas encore, et c'est cette ignorance que justement j'envie!

Je me souviens de ces jours où moi aussi je croyais toutes les belles amitiés éternelles,

Et que les vrais amoureux, comme dans les contes de fées, ne connaissent des que des fins heureuses et belles…

J'aimerais retourner à ces instants avant les "comment se fait-il",

où aucun de mes TU ne s'est encore rangé dans les rangs des ELLE, ni des IL..

Je voudrais revenir à ces temps où je ne savais même pas ce que voulait dire « première ride »,

Ni à quoi ressemblaient « premiers cheveux blancs »,

Ces jours où on riait de mes définitions de « tristesse », « déception », « se sentir vide »,

Ces termes qui ne veulent rien dire pour un enfant!

Personne ne m'a dit que ce n'est pas parce qu'on est grand qu’on mange la nourriture des grands et aime forcément le café bien noir,

Que ce n'est que mon esprit d'enfant qui me l'a fait tant croire!

Personne n’a pensé à me convaincre "même en ayant ton propre salaire, tu n'achèteras pas tout ce que tu voudras,

Ce jour-là tu seras une adulte responsable avec des priorités et des envies autres qu'une glace et une barre de chocolat"…

Quelque part je crois qu'on m'a trompé en étant enfant,

Personne ne m'a prévenue que si moi je grandis, tous grandiront avec moi, mais différemment!

Personne ne m'a dit "petite, quand tu grandis tous grandiront avec toi,

Les yeux qui t'ont appris comment regarder le monde, auront de plus en mal à voir ce que tu seras"...

Je voudrais revenir au temps où l'âge que j'appelais jadis vieux n'était pas encore celui de mes êtres chers,

Où je ne nommais pas les maladies, ni les regardais avec frayeur et même une certaine colère!

Je voudrais moi aussi ne pas avoir à voir ces bras et mains qui m'ont tellement portée,

Porter les traces de temps, et serrer ces genoux désormais plus vraiment capables de monter ces escaliers...

Je voudrais revenir à ces temps où la mort n'était qu'un phénomène lointain,

Qui au pire des cas touchait l'un de mes vieux voisins,

Ou un parent auquel je n'ai pas vécu réellement assez,

Pour, comment le dire...vraiment m'attacher!

Ces temps où la mort n'a emmené aucun des visages qui m'ont vu naître et grandir,

Auxquels je me suis habituée, qui font partie de moi, et que j'aime à en périr...

Qu'ai-je ainsi à être si outragée!

Comme si j'ignorais mon âge ou juste m'en rappelais?!

C'est à se demander ce que je croyais durant mon enfance!

Qu'à chaque changement, les chiffres que sont mon âge me fassent une danse?

Que chaque année qui s'ajoute apporte les doses de connaissances, conscience et maturité qui vont avec,

Sans connaître ce qu'il me faut de belles réussites, d'aventures, mais aussi d’amers échecs ?...

Personne ne m'a dit que quand on grandit on a certes a la liberté de choisir, mais aussi le devoir de renoncer,

Et qu'à la place de nos parents aimants, on devra rendre des comptes au beaucoup moins aimante "société"!

Plus que tout, personne ne m’a dit que grandir signifie devoir pouvoir,

Même sans y être préparé, et sans forcément savoir…

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