Grandir, un fardeau?..
khaoulatity
C’est drôle ce qu’un petit détail de rien du tout peut toucher quelque chose de très profond en vous. Une odeur, un visage, une image, un mot,…
Dans un des cours de philosophie du baccalauréat, j’étais là comme d’habitude à essayer de comprendre le quasi charabia du professeur, tout en bavardant avec les copains, quand il a dit une phrase qui, soudain, a retenu toute mon attention et que j’ai retenue jusqu’à ce jour : « l’Homme ne se rend pas compte qu’il grandit à cause du sentiment de continuité, il se côtoie tous les jours, il n’y a pas de coupures».
Cette phrase m’a bouleversée…
J’avais 18 ans à cette époque, et je me suis rappelé le jour où « 18 ans » me paraissait « grand » comme âge ! Je me suis rappelé comment j’entendais « cette personne a 18 ans ». Alors je me suis dit, pourquoi alors dans ma tête je n’ai pas l’impression d’être « grande », pourquoi dans ma tête je n’ai pas 18 ans ? Du moins, pas les 18 ans que j’imaginais ! La réponse était pourtant simple : quelque part je ne réalisais pas que j’avais 18 ans, quelque part je me disais encore « quand je serai grande et mature je saurai faire cela », quelque part mes 18 ans n’étaient qu’un chiffre sur un papier.
Cette sensation dure jusqu’à ce jour même, où quand je me permets une gaminerie, j’utilise justement le terme «se permettre » afin d’en parler ! Je me rappelle avoir 24 ans quand on me parle en tant que « madame » au lieu de l’habituel « mademoiselle », quand on me demande si je suis fiancée, quand on me parle de mariage et d’enfants en ayant ce regard qui dit « il commence à être temps »…
Si vous avez remarqué, je dis bien « je me rappelle avoir 24 ans ». Je choisis bien mes mots, car quand je pose ma tête sur un oreiller, je n’ai ni 24 ans, ni 5 ans. Quand je suis livrée à moi-même je ne suis que MOI tout simplement, ni adulte ni enfant, du moins pas selon les définitions classiques et toutes faites de la chose. Je suis MOI avec ce que j’ai appris, avec mes petites certitudes, et mes grandes incertitudes, je suis MOI avec mes questions existentielles, avec mes regrets, avec mes rêves. Je suis MOI sans des conventions stupides qui disent que parce que ma carte d’identité indique tel âge je dois agir forcément selon un code bien déterminé.
Pourtant, il y a des moments où le fait que j’ai grandi me paraît tellement évident.
Quand je mange les trucs que je détestais quand j’étais enfant sans aucun problème et presque avec un certain plaisir, parce que tout bêtement c’est bon pour la santé !
Quand je tiens un certain genre de conversation traitant de la vie d’une manière générale.
Quand je vois un enfant et que je pense que moi aussi j’en voudrai un alors que quelques années plus tôt je n’aimais pas les enfants !
Bref, je grandis, je le sais, mais je ne le réalise pas toujours.
Mais surtout et avant tout, je ne grandis pas comme je le croyais à un moment donné, car tout compte fait j’aurai 25 ans dans quelques mois, et pourtant je ne sais toujours pas tout ce que je suis supposée savoir. Honnêtement, ça m’effraie parce que moi je sais que je n’ai pas forcément 24 ans dans ma tête, mais pour ceux qui m’entourent ils n’ont que les chiffres sur papier pour juger…